Mohamed ould Abdel Aziz est au Tagant, depuis le 14 Novembre 2016. Il y restera, au moins, trois à quatre  jours. Officiellement, le chef de l’Etat doit inaugurer certains projets, dont un pour la promotion du maraîchage, au profit des populations de cette wilaya qui compte parmi les plus pauvres du pays. Comme lors de toutes ses visites, le Président a visité un point de santé, une école et une mahadra. Accompagné, comme il se doit, des fameux reporters/applaudisseurs de Radio-Mauritanie qui ont organisé une très vaste campagne de « revisitation » et se sont époumonnés à lister des « invraisemblables » et « grandioses » réalisations de son Excellence. « Une visitation toute symbolique que jamais président mauritanien n’eut jamais à offrir ni jamais les citoyens à jouir, de toute leur existence ». L’un de nos confrères allant même jusqu’à s’extasier de ce que « l’unité de dialyse a été offerte, aux populations, par le président de la République ». Pour un autre, réagissant aux propos du maire de Tidjikdja : « Merci, monsieur le maire, vos doléances ont été entendues, par le Président, et seront favorablement traitées ». Du n’importe quoi ! Aucune différence, en termes de rituel et de comportements, avec une époque que d’aucuns croient complètement révolue. Rien n’a changé. Ni en amont. Ni en aval. Sitôt que les gens du Tagant ont appris la prochaine visite du chef de l’Etat, les préparatifs ont rageusement commencé. Mêmes défis qu’au temps de Maouiya ould Sid ‘Ahmed Taya. Pour chaque cadre, tout faire pour donner l’illusion d’être le meilleur, le plus populaire, le plus puissant. Pour chaque tribu, montrer sa présence, sa préséance, son indéfectible soutien au Président, à son programme et à ses choix. Pour les notables et chefs traditionnels, inespérée occasion de démontrer, au chef, que « mes gens sont encore intacts, totalement soumis et inféodés à Votre Excellence ». Pour les troubadours de tout acabit, moment de prédilection pour épingler les insaisissables responsables de la wilaya, afin de « faire tomber d’eux » quelques providentielles ouguiyas. Pour les hommes d’affaires, démontrer leur disponibilité et leur allégeance, à travers le déboursement de quelques dizaines de millions, afin d’assurer la réussite de la visite du chef de l’Etat. Histoire de placer leurs pions, dans la perspective de potentiels juteux marchés qui leur permettront, le cas échéant, de se rembourser, plus que largement, de ces dépenses informelles hors circuit. Pour les journalistes des media officiels (Radio Mauritanie et TV Mauritanienne), opportunité tout en or d’enregistrer des microtrottoirs confortablement triés sur le volet, amenant de pauvres et naïfs citoyens à lancer des messages chargés de flagornerie, d’hypocrisie et de mensonge. Toutes les tribus du Tagant ont eu leur réunion de préparation de la visite du Président. Toutes ont leurs doléances, leur manière originale d’exprimer leur « soutien indéfectible » aux choix et aux orientations de la Direction Nationale très éclairée. Comme les tribus, les localités ont fait des pieds et des mains, pour se faire programmer dans les étapes de la visitation. En cela, l’influence des autorités administratives locales et l’omnipotence des personnalités civiles et militaires jouent un rôle particulièrement déterminant. Comme en toute visitation, les ressortissants du Tagant ont afflué, de partout et de nulle part. L’accueil du chef de l’Etat est au-dessus de toutes les considérations et qui essaie d’en faire entrave est un dangereux opposant, que dis-je, un ennemi national. Pour mobiliser les populations, tous les arguments sont bons. Distribution de poissons, motivations informelles, promesses d’audiences avec le chef de l’Etat. Rien de vraiment nouveau. Toujours les mêmes rituels, les mêmes boniments : cérémonie d’accueil, visites de quelques établissements sociaux, discours des élus, élogieuses professions de foi de quelques citoyens… Meetings populaires, audiences, réunion des cadres, retour à Nouakchott, rideau : la messe est dite, amine.                             

El Kory Sneiba