‘’Il est tout à fait normal que face à un pouvoir qui s'est toujours distingué par le non respect de ses engagements, une structure à plusieurs composantes comme le FNDU prenne un peu de temps pour la concertation interne‘’

Le Calame: Le FMI vient de livrer ses chiffres 2014 sur la Mauritanie où le taux de croissance reste à 6,4%, ceci en dépit de la baisse des prix des industries extractives (fer et or). Quel commentaire inspire ce rapport annuel à l’ancien ministre du développement économique que vous êtes ?

Mohamed Aabed: J'ai, comme tous ceux qui suivent l'évolution de la situation du pays, examiné avec attention le dernier rapport du FMI. Je me félicite, comme tout citoyen, du fait que le taux de croissance ait été de 6,4% en 2014. Toutefois, il ne faut pas se suffire de la valeur de cet indicateur clé. Il faut analyser, avec objectivité, la réalité économique qui est derrière ce taux qui s'explique, en grande partie, par un rebond du secteur de la pêche.

Il est admis par tous qu'un tel niveau de croissance est insuffisant pour réduire la pauvreté et le rapport du FMI souligne, à juste titre, que " Il est essentiel d’opérer des réformes structurelles pour accélérer la croissance et créer davantage d’emplois, ainsi que pour s’attaquer aux défis liés à la diversification de l’économie, aux inégalités et au chômage."

Les questions qui se posent sont liées à la qualité des politiques économiques qui doivent promouvoir la diversification de notre économie afin qu'elle bénéficie au maximum de nos concitoyens et réduise notre dépendance vis à vis des fluctuations des marchés des minerais et du poisson. Or, il est clair que les politiques suivies depuis 2008, même si elles affichent formellement ces objectifs, n'ont eu pour effet qu'une captation de la rente liée aux ressources naturelles par un groupe réduit d'opérateurs ayant des intérêts financiers communs avec le pouvoir.

 

- A votre avis, pourquoi, en dépit des bonnes dispositions des uns et des autres, le FNDU et la majorité peinent à nouer le dialogue en l’air depuis quelque temps?

 

Le FNDU, tout comme la COD avant lui, a toujours appelé à un dialogue sérieux pour sortir le pays de la profonde crise politique dans laquelle il se débat depuis le coup d'Etat de 2008. Il revient au pouvoir, qui a toujours renié ses engagements, de montrer qu'il est sérieux cette fois-ci et de donner des garanties suffisantes pour que le niveau de confiance nécessaire à un tel dialogue soit atteint.

 

- N’est-ce pas plutôt à cause des divergences internes qu’aux expériences malheureuses en matière de dialogue avec le pouvoir que le forum prend tout son temps avant de faire connaître sa position?

 

Il n'y a pas de divergences internes au sein du FNDU et sa position du FNDU est connue, puisqu'il il a toujours affirmé sa disponibilité pour un dialogue sérieux et franc qui permet de trouver des solutions consensuelles aux différents obstacles qui entravent l'enracinement de l'Etat de droit et de la démocratie dans notre pays. Il est tout à fait normal que face à un pouvoir qui s'est toujours distingué par le non respect de ses engagements, une structure à plusieurs composantes comme le FNDU prenne un peu de temps pour la concertation interne.

 

- En plus des 18 points proposés par le pouvoir, quel autre geste attend le FNDU du président Mohamed Abdel Aziz pour le rassurer et le décider à accepter sa main tendue ?

 

- Le souci du FNDU est, et a toujours été, de sortir le pays de la crise qui y sévit depuis 2008 et d'œuvrer pour réunir les conditions nécessaires à une démocratie véritable et un réel État de droit qui garantissent l'alternance pacifique au pouvoir et l'égalité des citoyens. Ce qu'il attend du pouvoir, c'est qu'il prenne conscience de la gravité de la situation et des risques qu'il fait courir au pays en s'obstinant à refuser un dialogue sérieux et à appliquer les lois du pays. Nous espérons que le pouvoir est, cette fois-ci, réellement déterminé à faire réussir le dialogue.

 

Propos recueillis par DL