Rentrée politique : Empoignades en perspective

14 September, 2017 - 01:30

La rentrée politique de cet été est marquée par de belles empoignades en perspectives, pour 2018. D’abord, entre  deux cousins : le président de la République, Mohamed  ould Abdel Aziz  et l’homme d’affaires Mohamed ould Bouamatou, réfugié au Maroc, depuis quelques années. Le premier  accuse son vis-à-vis de tentative de sape de son pouvoir,  via quelques sénateurs, « minorité » ou « égarés », selon le pouvoir,  qui ont eu le culot de rejeter les amendements constitutionnels, contraignant ainsi le gouvernement à  recourir, pour les faire passer  à  un hasardeux et très contesté referendum populaire, qualifié de «mascarade » - pire, d’« illégal »   – par l’opposition dite radicale.

Le différend entre les cousins est ainsi devenu une affaire d’Etat. Elle risque de tenir longtemps le pays en haleine. Le Président paraît résolu à en découdre avec son cousin qui n’avait, lui, ménagé aucun effort pour faire avaler le putsch du 6 Août 2005 à la Communauté internationale. L’homme fut l’éminence grise de l’accord de Dakar, en 2009, avant de financer, à coup de milliards, la campagne présidentielle en Juillet de la même année. De bien sombres eaux ont, depuis, manifestement coulé entre les compères. Mais, sur le fond exact du différend entre les deux cousins, les Mauritaniens ignorent presque tout. Officieusement, le Président reprocherait, à son soutien contraint à l’exil,  une supposée volonté d’exercer mainmise sur le pouvoir et contrôler les leviers de l’économie ; en somme, avoir son mot à dire dans  la conduite des affaires. Ould Bouamatou  n’entendait pas, semble-t-il, jouer un second rôle. C’est du moins ce que diverses langues laissent entendre. Les relations entre les deux hommes se sont alors vite dégradées et Ould Bouamatou prit le large.

Les prêches et observateurs de la scène politique estiment, de leur côté, qu’Ould Abdel Aziz, réputé très proche de sa besace, ne voulait pas d’un homme si encombrant, susceptible de lui faire, à terme, ombrage,  grâce à son dense réseau de relations et  de moyens.  Et, toujours selon  ces observateurs, c’est pour ne pas gêner son cousin qu’Ould Bouamatou choisit  de s’exiler au Maroc. Visiblement, comme le dit l’adage, « deux  caïmans ne peuvent cohabiter dans un même marigot ». Mais, en dépit de cet exil, le pouvoir a continué à lui chercher des  noises. Sa banque (GBM) et  ses sociétés, bien côtées,  ont connu des  problèmes  avec le fisc. Une manière de lui régler des comptes. Plusieurs de ses proches ont été inquiétés, certains  emprisonnés.

Au Maroc, pays avec lequel les relations n’ont jamais été bonnes, depuis l’arrivée d’Ould Abdel Aziz au pouvoir, Bouamatou est restée très discret. On l’entend pas par sur les media mais d’aucuns croient qu’il est actif dans le jeu politique mauritanien. Le pouvoir le suspecte de connexion avec son opposition dite radicale à laquelle il fournirait des moyens. Et d’évoquer, ici, l’autre cousin et  ennemi, le défunt  Ely ould Mohamed Vall. Celui-ci « opportunément » écarté par « le Destin », l’affaire du Sénat, avec, en corolaire, l’arrestation et la détention du sénateur Mohamed ould Ghadda, devenu, en quelques mois, la figure de proue de l’opposition au pouvoir d’Ould Abdel Aziz, semble aujourd’hui offrir, à celui-ci, l’occasion, non seulement, de « discréditer » le rejet des sénateurs, accusés de s’être laissés «corrompre » par l’homme d’affaires mais, aussi, d’en finir avec celui-ci. Publié au lendemain de l’arrestation d’Ould Ghadda, le communiqué du Parquet était on ne peut plus clair : « crimes gabegiques transfrontaliers » impliquant  des sénateurs, des hommes d’affaires, des syndicalistes et des journalistes.

 Ceux qui sont au pays ont  été convoqués, illico presto malgré l’imminence de la Tabaski,  par la police de répression des délits économiques,  pour être auditionnés. Certains, comme le sénateur Ould Ghadda,  ont été placés sous mandat de dépôt et d’autres sous  contrôle judiciaire. Des mandats d’arrêt internationaux ont été émis, notamment contre le fameux cousin ennemi, preuve, s’il était besoin, de la détermination d’Ould Abdel Aziz à en finir avec celui-ci. Mais Bouamatou,  à qui  l’agence nationale de recensement des titres sécurisés  aurait refusé l’enrôlement, disposerait de plusieurs nationalités et le mandat d’arrêt vise plus à la consommation intérieure, à la dissuasion et à l’intimidation qu’à une quelconque – et probablement encombrante – exécution, croient savoir divers observateurs. Une chose est désormais sûre : la guerre est ouverte entre les deux cousins. Jusqu’où iront-ils ? Mystère et bouches cousues… Pourvu, tout simplement, que cette affaire ne porte pas préjudice au bon fonctionnement du pays et de ses institutions !

DL