Délinquance féminine : un phénomène qui prend de l’ampleur

8 September, 2016 - 03:56

Notre société est connue pour son conservatisme qui ne donne pas un très grand rôle au sexe réputée faible.  Les femmes sont censées être de nature passive et inoffensive. Mais l’exode rural et la sédentarisation, augmentée des technologies nouvelles, ont transformé les mœurs et valeurs morales. La délinquance touche une partie de notre jeunesse, y compris des filles, et, même, des femmes majeures. Signe des temps, une section féminine fut fondée, en 1988, à la vieille maison carcérale de Baïla, au Ksar, préposée aux délinquantes mineurs. En 1992, la prison des femmes ne comptait que dix-huit pensionnaires et fut transférée dans une maison particulière du Ksar.  Elle déménagea, six ans plus tard, au quartier Carrefour, dans une nouvelle location qui l’abrita jusqu’en 2006. Depuis, c’est une villa de Sebkha qui loge les cent-dix détenues de droit commun. 

La délinquance féminine s’est donc développée de façon foudroyante. Jusqu’à talonner celle des hommes. C’est quotidiennement qu’on arrête des filles et des jeunes femmes, pour toutes sortes de délits et crimes.  Certaines font partie de réseaux très organisés où elles jouent, même, parfois, un rôle de tout premier plan. Plusieurs bandes utilisent leurs talents spécifiques – séduction, notamment – pour mener à bien leurs grandes opérations. Les histoires de rackets en ce sens sont légion. Voleuses, cambrioleuses et arnaqueuses sont fichées par dizaines, à la police. Et il y a pire. L’opinion publique n’a pas oublié feue « Chemchouma », accusée, en 1994, d’un abominable meurtre.

 

La voleuse de devises

En 2011, une dame d’apparence respectable débarque à l’improviste, en compagnie d’un officier de l’armée, chez un marchand de devises du marché Capitale.  « J’ai besoin de 10 000 euros pour aller au Maroc. Prends-les et accompagne-moi pour que je te rende leur équivalent en ouguiyas ».  Le pauvre commerçant se voit déjà à la bonne affaire, lui donne la somme qu’elle enferme dans son sac et les voilà à bord du véhicule de l’officier, en route vers une coquette villa de Tevragh Zeïna. Elle y ordonne, aux domestiques, de servir thé et boissons, le temps, dit-elle, d’aller chercher le montant dans la chambre à coucher. Le commerçant n’y voit aucune malice, rassuré par la présence de l’officier. Mais ce que celui-là ne sait pas encore, c’est que celui-ci ne connaît même pas le nom de la dame qu’il vient juste de rencontrer ! Celle-ci sort de la maison par une porte dérobée et ne reviendra plus. Et pour cause : la maison ne lui appartient pas, elle s’est présentée aux domestiques comme une amie des propriétaires absents ! Il faudra une bonne heure, au marchand naïf, pour enfin comprendre comment il s’est fait rouler dans la farine…

 

Shoutou et Youmma, les voleuses en duo

Une jeune voleuse, bien connue des fichiers de la police, sévit, surtout, durant les fêtes et, le plus souvent, en compagnie de sa complice Youmma, de forte corpulence. Leur terrain de chasse préféré : les grandes boutiques d’articles de luxe. Shoutou, la mince, entre en premier, pour distraire les vendeurs, tandis que Youma en profite pour cacher le maximum d’articles sous ses amples vêtements. En l’absence de sa comparse, Shoutou emmène un bébé et dissimule tout ce qu’elle vole sous la couverture du bambin. Avec un succès mitigé, puisqu’elle vient de terminer son troisième séjour à la prison des femmes. En 2006, elle réussit à s’emparer de dizaines d’articles au marché Capitale, juste à la veille d’une fête. Mais un agent de la BRB la repère et prend en chasse. Shoutou prend aussitôt ses jambes à son cou. Mais la grosse Youma est moins agile et alourdie par le butin qui tombe, article après article, traçant bêtement leur fuite. Les voilà bientôt prises. La famille de la jeune délinquante a tout essayé pour la débarrasser de ce vice mais elle y semble bien liée, comme d’autres au thé ou au sucre…

 

Les arnaqueuses

Parmi les trop nombreuses jeunes nouakchottoises de mauvaises mœurs, certaines profitent de leurs passes pour vider les poches de leurs clients. D’autres s’emploient à leur soutirer le maximum d’argent par toutes sortes d’arnaque. Vedette de cette catégorie, la tristement célèbre Ramla qui compte un bon nombre de victimes parmi les promeneurs de la capitale. Ramla se plante, en général, très tôt la nuit sur le trottoir, à l’affût d’une proie. Bien évidemment, elle choisit les hommes d’apparence nantie. Une fois le gros poisson ferré, elle l’entraîne chez elle où son complice va tenir le rôle du pseudo-mari jaloux. Le faux époux attend que le client soit déshabillé, toque alors à la porte… et à vous d’imaginer la suite ! Mais Ramla a parfois croisé des durs à cuire, ce qui lui a valu de bien mauvais moments. Un jeune homme la tabassa bel et bien, un soir, alors que son complice prenait piteusement la fuite. Et après les coups, la police ! Ramla a ainsi séjourné plusieurs fois en prison. Elle y dort actuellement, d’ailleurs.

Autre arnaqueuse, la « Salope d’Arafat ». Celle-ci est assez subtile pour opérer « en douce », encore à la barbe et au nez de la police. Bien « emmelahfée » jusqu’aux yeux, elle repère les hommes seuls au volant, profite du moindre arrêt de leur voiture pour embarquer à bord et menacer le conducteur de l’accuser de tentative de viol, s’il ne vide pas, sur le champ, ses poches. Soucieux de ne pas compromettre leur réputation, les hommes mariés obtempèrent souvent et, dans tous les cas, l’astucieuse voilée disparaît sans tarder…

 

La délinquante au poignard 

Ejah mint Samba est une solide gaillarde de vingt-six ans, fichée, à la police, pour vols à main armée, agressions et consommation de drogues. Elle manie fort bien le couteau qui ne la quitte jamais. Ejah  a fait partie de diverses grandes bandes et ne craint aucun de ses complices mâles. Elle est célèbre pour avoir copieusement rossé, devant la foule, tel ou tel qui tentait de la rouler au marché thieb-thieb. Elle a séjourné à plusieurs reprises en prison et y séjourne actuellement.

On citera, enfin, pour mémoire – on en a déjà longuement parlé dans ces colonnes – ces femmes qui dirigent des réseaux de prostitution et autres trafics d’alcools et de drogues : Les réseaux de Mariem 4 heures, Fatou Mar, Haby et Mamma continuent de fonctionner, malgré les descentes continues de la police. Solidement implanté au sud de Nouakchott, le commerce illégal de soum-soum bat, lui aussi, son plein, avec Antoinette Jackindi et  Rose Nuncio, les guinéennes. Et ne croyez pas qu’on ait fait le tour de la question : il reste, encore, des dizaines et des dizaines de délinquantes prêtes à défrayer la chronique… si ce n’est déjà fait !

Mosy