Nouakchott : Le temps d’un sommet…

14 July, 2016 - 02:52

Le sommet de la Ligue arabe, prévu les 26 et 27 Juillet, à Nouakchott, accapare l’essentiel des préoccupations du gouvernement mauritanien. Le président de la République lui accorde toute son attention. Cette première en Mauritanie, depuis son indépendance,  est un gros challenge, à relever en priorité. N’a-t-il pas déclaré que ladite rencontre se tiendrait au jour et à l’heure prévus, même sous des tentes ? Un ancien membre du HCE nous a confié tout que cela représente, de grand évènement, pour le pays. On n’a donc pas lésiné sur les moyens matériels, ni sur la diplomatie pour y faire participer le maximum de rois, présidents et chefs de gouvernement. Le Président ne veut visiblement pas d’une conférence a minima.

A en croire diverses confidences, de nombreuses capitales auraient répondu à l’invitation du gouvernement mauritanien. On a particulièrement insisté du côté des monarchies du Golfe, gros bailleurs de fonds du pays. Le Koweït aurait offert, raconte-t-on, trente-six limousines, pour transporter les délégations, et l’Arabie saoudite, près de vingt millions de dollars US, pour l’organisation générale du Sommet. C’est ce don qui aurait permis d’entreprendre les divers chantiers en cours en notre capitale. Le gouvernement et le Parlement ont mis sur pied, de concert, une commission spéciale pour chapeauter le travail. En somme, c’est le branlebas de combat, pour garantir le succès du sommet.

 

Succès diplomatique ?

La tenue et, plus encore, bien évidemment, le succès de la conférence permettraient, au président de la République, d’engranger un important succès de prestige. Le secrétaire général adjoint de la ligue Arabe aurait affirmé que la tenue du Sommet constituera « une avancée diplomatique remarquable, pour la Mauritanie, dans les sphères arabe, africaine et internationale ». En soi, réunir, à Nouakchott, les membres de cette organisation moribonde, inactive et, surtout, impuissante à régler les conflits qui déchirent ses pays membres, sera déjà, après la présidence de l’UA, un acquis important. Un défi que le Père-fondateur de la République ne put relever, malgré son aura internationale. Raison de plus pour mettre, aujourd’hui, les bouchées doubles.

Autre retombée pour le pays – disons, plus exactement, pour sa capitale – la construction d’importantes infrastructures urbaines. Les principaux axes ont été élargis et aménagés. Des milliers de tonnes de béton ont été déversées, quitte à noyer Nouakchott, lorsque les pluies s’y abattront, faute d’évacuation des eaux usées et de pluie. Bref, le Sommet d’abord, le reste après. L’éclairage public a été également renforcé, dans le quartier huppé de Nouakchott, sans trop se préoccuper, d’ailleurs, de réduire les délestages, toujours chroniques, surtout en banlieue. Autre signe des préparatifs, la poussée des infrastructures hôtelières et des appartements privés que le gouvernement aurait, dit-on, réquisitionnés en masse, ce qui n’empêche pas, à en croire les rumeurs, certaines délégations de réserver des hôtels à Dakar et, semble-t-il, à Agadir, voire Casablanca. Des villes situées à quelques heures de Nouakchott, pour les souverains disposant de jets privés et accompagnés de fortes délégations, à l’instar de ce que faisait feu le président libyen Kadhafi. En dépit de tous nos efforts, rares en effet sont nos hôtels capables de recevoir et satisfaire les « caprices » des rois et souverains, surtout ceux du Golfe. Un constat fort déplaisant au pouvoir qui a usé de tous les moyens pour mettre nos hôtes dans les meilleures conditions de villégiature, octroyant, par ricochet, de très substantiels « bols d’air » à nos hommes d’affaires investis dans l’hôtellerie. La tenue de tels sommets rapporte, généralement, beaucoup de devises, à l’Etat et au secteur privé, avec de réelles retombées pour les petits commerçants.

 

Le défi sécuritaire

Pour rassurer les délégations, dans un monde arabe et, surtout, sahélien, victime du terrorisme jihadiste, le gouvernement s’est particulièrement appliqué à renforcer la sécurité dans la capitale. Nouakchott sera placé sous « haute protection militaire », durant tout le Sommet. A tel point, d’ailleurs, que certains y dénoncent, déjà, un « état d’urgence » qui ne dit pas son nom et qui peut occasionner de graves « dérives » sécuritaires. Les autres corps de sécurité sont également mis à contribution, pour parer à toute éventualité. La capitale pourrait, même, être fermée pendant le Sommet. A quelques semaines de la rencontre, on note déjà un déploiement des forces de l’ordre, en certains points stratégiques. Des véhicules de police stationnent en permanence en quelques carrefours, d’autres patrouillent dans la ville. Selon différentes sources, les postes de contrôle, qui avaient disparu de la route de l’Espoir et des autres nationales, ont réapparu. On filtre les entrées dans la capitale. Le gouvernement entend éviter tout débordement et surprises désagréables.

Autre décision, le déguerpissement de tout ce qui peut encombrer les rues et ruelles susceptible de mettre en péril la sécurité des hôtes et citoyens de Nouakchott. Le coup d’envoi de l’opération a été donné avec l’expulsion, manu militari, d’un squat en face de l’hôpital ophtalmologique Bouamatou. Une démonstration qui a tourné à de violents affrontements, entre les forces de l’ordre et les habitants, avec, en prime suspecte, l’arrestation de nombreux responsables d’IRA, accusés, par l’Etat, d’y avoir trempé. Le pouvoir aurait-il saisi l’alibi du Sommet, pour « décapiter » un mouvement qui, en dépit de la longue incarcération de son président et vice-président, ne cesse d’augmenter son capital de sympathie, auprès de l’opinion mauritanienne ? Le fervent accueil populaire réservé, aux deux leaders harratines, le jour de leur élargissement, et le prix que leur mouvement vient de recevoir, des mains du secrétaire d’Etat américain, John Kerry, paraissent sensiblement énerver le pouvoir…

L’opération coup de poing pour embellir la capitale sera accompagnée de massifs dégagements d’ordures et autres tables de commerçants ambulants. Manifestement, le gouvernement n’entend rien laisser au hasard, dans son effort à faire, de la capitale, une belle vitrine du pays. Même si ce ne sera que le temps d’un sommet…

 

Oublié, le dialogue ?

Cette quête fiévreuse et prioritaire a fini d’emporter « l’imminence » du dialogue annoncé, à trois à quatre semaines, par le président de la République, voici maintenant près de cinquante jours. C’est donc auréolé d’un sommet réussi que le Président espère tirer dividendes diplomatiques, s’obstiner à ignorer son opposition radicale et forcer « son » dialogue avec quelques partis et autres organisations « cartables » de la Société civile. A moins qu’il ne se ravise, faute de grives, en ajoutant d’autres « concessions » à celle, très notée, de déclarer, publiquement, qu’il ne modifiera pas la Constitution pour s’octroyer un troisième mandat. Un gage que le FNDU et le RFD devraient, pour avancer, « apprécier et saluer », dixit la majorité. Quoiqu’il en advienne, l’opposition dite radicale a pris acte de la « pause unilatérale » prise, par le pouvoir, dans ses contacts préliminaires au dialogue. Divers responsables de cette opposition disent attendre la fin du sommet, pour connaître l’option que prendra le pouvoir vis-à-vis de l’interminable processus. La suite du feuilleton à donc fin-juillet, incha Allah ! 

Dalay Lam