Après l’échec des tentatives de dialogue, va-t-on vers un: Pourrissement ?

17 December, 2015 - 10:48

Le pouvoir et l’opposition  n’arrêtent  pas  de s’essayer au dialogue depuis le putsch manqué de 2008. Mais, à chaque fois que la « mayonnaise semble prendre » et que les mauritaniens croient  que le plus dur est passé, le pouvoir, dans  la majorité des cas,  fait  machine arrière. Une stratégie qui déroute non seulement l’opposition, mais aussi une partie de l’opinion. Et c’est fort des « expériences malheureuses » de dialogue depuis Dakar jusqu’au Palais  des congrès, en 2011 que l’opposition continue à  douter de la « sincérité » du pouvoir à entrer  dans  un dialogue « franc et sincère ». L’attitude du pouvoir est devenue  « impénétrable » selon certains observateurs. Comment un pouvoir qui  prône, à chaque  occasion sa volonté d’aller au dialogue, refuse  de s’engager  par écrit sur un certain nombre de points de la plateforme de son opposition  alors même qu’il a remis en cause l’accord de Dakar de 2009, parrainé par toute la communauté internationale? Comme  l’a dit l’autre, ce n’est pas du Coran ! En agissant de la sorte, le pouvoir ne se donne pas une bonne image, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, si tant et bien que c’est là son souci.

 

Le Niet du pouvoir

Même si  jusque là, le Forum n’a pas reçu une réponse écrite, après la rencontre du 2 décembre dernier,  le mutisme du  pouvoir accrédite les rumeurs qui circulent à Nouakchott et selon lesquelles, l’émissaire du gouvernement, Ould Mohamed Lagdhaf  aurait téléphoné au président du FNDU pour lui signifier, après une longue digression, le  refus ou l’incapacité du pouvoir de répondre par écrit à sa plateforme. Une pomme de  discorde sur laquelle d’ailleurs  avaient  buté les premiers contacts en mai et juin dernier. Un retour à la case départ donc. Un  de plus diront certains. Le refus du pouvoir d’accepter  de retenir, comme  sujets  à débattre, ne serait-ce que  quelques points de la plateforme du forum laisse perplexe d’autant plus que le président de la République a laissé entendre, il y a quelque temps que rien n’est tabou  pour le dialogue auquel il a appelé depuis Chinguetti en 2013.

S’il est devenu difficile ou risqué d’avancer  une explication au refus du pouvoir  de s’engager par écrit, certains observateurs  croient savoir que le gouvernement, quelles que soient par ailleurs  les relations exécrables  que le RFD  entretient  avec l’actuel président, ne voudrait pas, semble-t-il,  d’un dialogue sans et le RDF et l’APP. Les leaders de ces partis ne voudraient pas s’engager  dans  « un simulacre » de dialogue dont les règles du jeu  et l’application des recommandations  ne seraient pas garanties. Le RFD et l’APP doutant, comme les  autres partis  de la sincérité du pouvoir.  APP  a vécu l’expérience de  2011 qui a constitué, d’une certaine matière une avancée politique sur certaines questions.

 

Une marche test ?

Face au silence du pouvoir ou à son refus, c’est selon, le FNDU, qui a connu quelques secousses avec justement la décision de rencontrer  l’émissaire du gouvernement,  pour renouer  le contact,  décide d’organiser, le vendredi prochain,  une  « grande marche »  qui se voudrait  un moyen de  pression  mais aussi de défi.

Cette marche du forum qui se fera,  semble-t-il,  sans le RFD et l’UNAD  et  dont  le but avoué est de « dénoncer   l’insécurité  urbaine »  qui sévit dans la capitale,  vise  aussi  deux  autres objectifs.

D’une part, prouver au RFD  et au pouvoir  que  les partisans de la rencontre  entre Ould Mohamed Lagdhaf  et  Ould Bouhoubeyni  disposent  d’une  capacité de mobilisation  des masses,  sans les amis d’Ahmed Ould Daddah;  qu’ils pèsent  effectivement  sur l’échiquier politique national. Un gros challenge donc pour ces partis, particulièrement  le parti Tawassoul, connu pour ses réelles capacités de mobilisation. Selon  différentes sources, les islamistes  seraient décidés  à  battre le record de leur  mobilisation, à Nouakchott. Le test du forum  sera  bien scruté par les observateurs car, il y a longtemps que cette  coalition n’est pas sortie dans la rue.

Autre inconnue : l’opposition du RFD à la rencontre entre le président du forum et le monsieur dialogue du pouvoir, et le fait que ce parti ne prendra pas part à la marche du vendredi, présagent-elles d’une rupture entre ce parti et le forum ?

 

Messaoud – Daddah : Une alliance en gestation ?

Depuis que le RFD a exprimé publique son « hostilité » à la rencontre entre Ould  Bouhoubeyni et Ould Mohamed Laghdaf et partant  donc son  refus du dialogue avec le pouvoir, des rumeurs évoquent un rapprochement entre Ahmed Ould Daddah et Messaoud Ould  Boulkheir. Un échange d’émissaires aurait même eu lieu entre les deux hommes qui, comme tout le monde le  sait, entretiennent des relations pas toujours cordiales.

Outre  cet échange d’émissaires et peut-être de coups de fil, les observateurs ont observé à la loupe leur présence au mariage de la fille d’Ely Ould Mohamed Vall, autre ennemi juré du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz.  Une alliance qui s’élargirait non seulement à  l’ancien président de la transition 2005 – 2007 mais aussi à l’homme d’affaires,  Mohamed Ould Bouamatou, exilé  depuis quelques années au Maroc, suite à un différend avec son cousin Ould Abdel Aziz. Si cette  présumée  alliance  prend  corps, un jour, comme le croient certains à Nouakchott, on s’acheminerait vers  une  nouvelle redistribution de cartes   au sein de l’opposition , mais  aussi  au sein de l’échiquier politique  national.

 

Quelle stratégie pour le pouvoir ?

Le refus du pouvoir de répondre par écrit à la plateforme du FNDU  risque d’occasionner, une rupture entre les deux parties, lesquelles vont se rejeter la responsabilité, comme ce fut le cas par le passé.  Dès lors que fera le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz ?

Revenir à son « agenda unilatéral »  de septembre / octobre derniers. On se rappelle que c’est au moment où justement le forum attendait la réponse du pouvoir à sa plateforme que le gouvernement a décidé de rompre les contacts et d’organiser des journées préliminaires pour un dialogue national inclusif. En réaction, le forum  constate l’échec des pourparlers  et signifie son boycott de ces journées. En jouant ce coup, certains observateurs ont  pensé que le pouvoir misait sur la division du forum et sur  une réaction  «positive »  des partenaires au développement. C’était sans compter sur l’opposition dont ses deux pôles ont  boudé la rencontre du Palais des Congrès. Une « erreur du pouvoir », dira Moussa Fall, président du MCD. En constatant  l’échec  de son initiative de tenir son dialogue en octobre, le pouvoir fait montre de bonnes  dispositions  en accueillant positivement  la désignation  à la tête du FNDU de Me Ahmed Salem Ould  Bouhoubeyni  alors considéré jusqu’ici  par le pouvoir  comme  « radical ».

Emboîtant le pas à la majorité présidentielle, le président Aziz  se retourne  vers  Mohamed Lagdhaf  suite à l’échec d’Ould Hademine, maître d’œuvre des  journées  préliminaires.  Le ministre  secrétaire général du gouvernement  demande  à voir le nouveau président du forum. Rendez-vous est pris le 2 décembre au palais des congrès. La délégation gouvernementale s’engage à répondre par écrit  sur le contenu de la plate forme de l’opposition. On connaît la suite. Alors que va faire désormais   le gouvernement ? Revenir à  l’agenda  d’Ould Hademine  ou bien  poursuivre sa stratégie de pourrissement ?

Face aux échecs répétés  des tentatives de  nouer un dialogue franc et sérieux,  on  est en droit de se demander   pourquoi  des  patriotes  mauritaniens,  tapis  souvent  dans la diaspora  ne  se mettraient pas  au service de leur pays  en jouant  les facilitateurs? On peut penser ici, à   l’association des  cadres mauritaniens  expatriés qui vient d’obtenir son agrément ; elle  pourrait faire ainsi son baptême de feu. Et si d’aventure, elle  hésite à  s’engager, préférant  ne donner  son expertise dans le domaine économique, que les mauritaniens n’aient pas le complexe de faire appel à un « facilitateur extérieur »; il ne s’agit, ici, de sous estimer les capacités des mauritaniens, mais nos acteurs politiques étant suffisamment  méfiants, les uns les autres, on imagine mal comment ils pourraient briser le miroir de glace qui les sépare aujourd’hui.

 

Dalay Lam