Horizon 2030 : Une génération sans Sida est possible en Mauritanie

22 October, 2015 - 02:06

« En Mauritanie  où l’épidémie est de type concentré, il est possible de vaincre l’épidémie du VIH/SIDA […] On peut raisonnablement y parier sur l’émergence d’une génération sans Sida, à l’horizon 2030. » Ce qui veut dire que la prévalence, au niveau de la population générale, est faible mais avec des taux de prévalence très élevés, dans des groupes limités, a affirmé, mercredi soir, au cours d’une conférence de presse, le directeur régional adjoint d’ONUSIDA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, le docteur Léopold Zekend Achengui. L’optimisme du responsable régional d’ONUSIDA est justifié par « une volonté politique qui a conduit à une hausse constante des ressources internes consacrées à la lutte contre le VIH/SIDA. Elles atteignent désormais deux millions de dollars par an ». Le président de la République avait comparé, lors de l’audience accordée à Michel Sidibé,  directeur exécutif  de l’ONUSIDA, lors de la visite de celui-ci, le 21 Mars 2014, « le SIDA au terrorisme » et avait pris « l’engagement de travailler ensemble, pour combattre ce fléau et en minimiser l’impact ».

Le docteur Zekend Achengui juge également « positive » l’absence de stigmatisation des malades. Il a noté, avec satisfaction, la forte implication de la communauté en Mauritanie. Selon lui, l’association des imams et oulémas considère désormais le SIDA comme « un problème de santé  et non plus d’adultère » et s’est résolument engagée dans la réduction de  l’épidémie. Il note également une perspective de réorganisation du Secrétariat national de lutte contre le VIH/SIDA, pour plus d’efficacité, conformément aux stratégies mondiales basées sur la « règle des trois  90% » qui ciblent le traitement : c'est-à-dire 90% de dépistés, 90% de malades sous traitement et 90% de charge virale supprimée.

Au cours de sa visite et de ses différents entretiens avec le Premier ministre et les divers autres responsables, il a reconnu l’engagement des autorités à continuer de traiter le combat contre le VIH en priorité pour la Mauritanie et d’y allouer les ressources nécessaires pour en réduire la dépendance. Les autorités mauritaniennes entendent aussi donner une nouvelle impulsion à la lutte, via une multisectorialité efficiente, et ont également  pris la décision de décentraliser les actions y afférant. Ainsi, les centres de santé auront plus de possibilité de  procéder aux tests  et  de permettre un accès au traitement.

Léopold Zekend Achengui note, avec intérêt, la volonté et l’engagement des autorités mauritaniennes d’éliminer la transmission de la mère à l’enfant. L’Etat a obtenu, a-t-il souligné, l’adhésion de tous les partenaires à relever le dispositif. En Mauritanie, cinq cents enfants naissent, chaque année, avec le virus. La ministre des Affaires sociales instruira davantage les  assistantes sociales, afin qu’elles  soient sensibilisées sur la prise en charge des personnes atteintes.

Néanmoins et « même si des progrès indéniables ont été réalisés, beaucoup reste à faire et les défis sont nombreux », a averti le responsable onusien. Le taux de prévalence se situe à 0,4% (soit 12 000 personnes) pour une population de 3 millions de personnes, contre  44 000 au Sénégal (sur 12 millions). Au Nigéria, on dénombre trois millions de séropositifs sur une population de 170 millions d’habitants.

Mais, dans certains groupes vulnérables et reconnus à risques en Mauritanie, la prévalence monte jusqu’à 7%, chez les professionnels du sexe ; 30% chez les prisonniers et les homosexuels. La prévalence  reste élevée dans les  zones géographiques localisées et  particulièrement « prépondérante », à savoir Nouakchott, Rosso, Kiffa, Zouérate, Nouadhibou, Néma.

Deux mille deux cents malades (adultes et enfants) sont actuellement pris en charge par le Centre de Traitement Ambulatoire (CTA) de Nouakchott et  bénéficient des ARV. 20% des femmes enceintes et séropositives bénéficient de programmes de prévention de la transmission de la mère à l’enfant. La stratégie d’élimination du VIH en Mauritanie passe nécessairement par la mise en place d’un programme de prévention susceptible d’approcher le seuil du « zéro nouvelle infection ». L’élaboration de programmes spécifiques, en direction des populations-cibles, leur permettra d’accéder à la prévention. Ce qui pourrait permettre, à défaut d’une nouvelle diminution, une stabilisation de l’épidémie.

 

Epidémie de type concentré

Le docteur Léopold Zekend Achengui a eu des entretiens, jugés « fructueux », avec plusieurs acteurs, notamment le Premier ministre, les ministres de la Santé, des Affaires sociales, de la famille et de l’enfance, du président de l’Assemblée nationale, des membres de la société civile, du réseau des personnes vivant avec le VIH, de celui des imams et oulémas, des responsables du SENLS et des partenaires au développement. Ces échanges ont permis d’évaluer les progrès accomplis en Mauritanie dans la réponse au VIH/SIDA, de mieux percevoir les défis que le pays rencontre et comment peut-il contrôler l’épidémie. Et d’évoquer, avec le président de l’Assemblée nationale, la visite susdite de Michel Sidibé, en Mauritanie, et la déclaration du président de la République selon laquelle « il est possible de vaincre cette maladie dans le contexte mauritanien où l’épidémie est de type concentré ». Le président de l’Assemblée nationale a félicité, en réponse, l’ONUSIDA pour ses efforts de lutte contre le VIH-SIDA dans le Monde, en Afrique et, particulièrement, en Mauritanie. Il a réitéré l’engagement de l’Assemblée nationale de persévérer dans son plaidoyer pour accroître les ressources nationales, face à cette pandémie, via le groupe parlementaire chargé de cette question, « disponible, en permanence, pour travailler avec la partie nationale et les partenaires ».

Au cours de sa rencontre avec le ministre de la Santé, le docteur a expliqué l’objectif de sa mission qui s’articule autour de deux axes principaux : présenter, aux partenaires, le nouveau directeur-pays de l’ONUSIDA en Mauritanie, le docteur El Moustapha Atigh, et discuter, avec les autorités mauritaniennes, des possibilités d’élimination du VIH-SIDA à l’horizon 2030. « C’est possible », a-t-il insisté, « dans le contexte de la Mauritanie qui peut être un des tout-premiers pays à atteindre cet objectif, en agissant sur l’augmentation des ressources nationales et en mettant en œuvre des interventions à hauts impacts ». De son côté, le ministre de la Santé a indiqué que l’Etat mauritanien a entrepris des efforts en ce sens qu’il va renforcer. Il a précisé que les membres du gouvernement ont reçu des instructions pour réfléchir sur la prise en charge, par le budget national, des problèmes de santé dont le VIH-SIDA.

Dans la  région Afrique de l’Ouest et du Centre, on a dénombré 6,6 millions d’adultes et enfants vivant avec le VIH/SIDA. 420 000 nouvelles infections ont été enregistrées, ainsi que 330 000 décès. 90 000 enfants sont nés infectés. Le VIH/SIDA reste un véritable problème de santé publique sur notre continent.

Compte-rendu Thiam Mamadou