Visite présidentielle à M’Bagne :

4 June, 2015 - 08:39

Coucou, revoilà les querelles de positionnement !

Dans sa tournée au Brakna, le président Mohamed Ould Abdel Aziz a visité le département de M’Bagne. Une occasion pour s’enquérir et/ou d’inaugurer quelques infrastructures de base. A cette occasion, les populations du département se sont mobilisées pour rivaliser avec, sinon dépasser, leurs concitoyens des wilayas déjà visitées par le Rais. Pareille occasion offre, aux acteurs politiques, l’opportunité de lui réaffirmer leur soutien mais, aussi, d’étaler leurs divergences.

A M’Bagne, celles-ci étaient nettes, samedi dernier, à l’arrivée du Président. Deux camps s’étaient distingués dès les préparatifs. D’une part, les parlementaires du département et nombre de cadres, sous la houlette, notamment, du sénateur Diop Abdoulaye, du député Bâ Bellou, de Niang Amadou Tidiane, de Sao Abdoulaye, ex-maire de Niabina Garlol, de Basse Fatimata, membre du BE de l’UPR, ou de la docteure Amina N’Diaye, DG de l’ESP. A l’arrivée, malgré quelques petits couacs dans les réunions de ce pôle, les commissions– transport, hébergement et restauration, sensibilisation, doléances… – ont su tirer leur épingle du jeu. L’accueil s’est bien déroulé. Chacune a joué sa partition. Côté spectacle, le Président a pu assister à une régate offerte par les pêcheurs de M’Bagne. Un beau spectacle de sons et couleurs. Unis derrière les parlementaires et leurs cadres, les populations de Niabina ont accueilli le Président sur son chemin vers Bababé.

L’autre pôle entourait, Bâ Bocar Soulé, le maire de Bagodine qui s’apprêtait à recevoir, le lendemain, le président de la République. Ce qui n’a pas empêché son premier édile de démontrer, dès l’étape de M’Bagne, ses capacité de mobilisation, y entrant avec plus d’une quarantaine de véhicules bourrés de ses amis et alliés. Son tour d’honneur de la ville, musique à fond, tam-tams et klaxons, a irrité certains de ses adversaires qui ont parlé de « provocation ». Sans incident cependant. Si le maire de Bagodine n’a pas fait dans la dentelle, Il faut, tout de même, dire que les querelles de tendances, en hibernation depuis quelque temps, ne sont pas si profondes qu’on le croit : beaucoup de passerelles existent entre les deux camps, via un certain nombre d’élus et de  cadres, sans compter les liens de parenté.

« L’affaire » n’est cependant pas restée sans suites. Dimanche, très tôt le matin, deux conseillers du président de  la République, dont Ould Ahmed Damou, rendent visite au maire de Bagodine. Devant un rassemblement marqué par la présence du wali de l’Adrar, Diallo Oumar, natif du village, du maire de Kaédi, Sow Moussa Demba et d’autres cadres, les deux conseillers ont expliqué, que « pour un certain nombre de contraintes », le Président regrettait de ne pouvoir honorer son engagement de  rendre visite au maire et à ses administrés. « Transmettez, à la population, les salutations du Président qui ne manquera pas le moment opportun de leur rendre visite ». Bâ Bocar Soulé, Diallo Oumar et Thiombé, venu, a-t-il dit, prêter main forte à son ami, ont simplement pris acte de cette décision.

A en croire certaines sources, le Président aurait zappé l’étape de Bagodine pour éviter un précédent, c’est à dire se retrouver désormais obligé de passer dans tous les chefs-lieux de commune ; pour d’autres, il aurait cédé à la pression adverse. Il est vrai que l’étape de Bagodine avait suscité, dès son annonce, de nombreux commentaires. « Les adversaires du maire se sont ligués pour la torpiller ! », déplore un des proches de Bâ Bocar Soulé. Après la séance d’explications, le maire de Bagodine a choisi d’accueillir le Président au passage de la localité de Bahé, dans sa route vers Bababé.

 

Beaucoup de doléances

Les populations de M’Bagne, bien que « satisfaites » de quelques réalisations de leur président,  attendent beaucoup de ce dernier. C’est pourquoi les cadres du département ont concocté une série de doléances. Les priorités ont porté sur le désenclavement. En effet, en dépit de la bretelle de dix kilomètres, reliant Niabina à M’Bagne, de nombreux villages du département restent isolés du monde pendant l’hivernage. C’est le cas de la partie sud-ouest du département  et des localités du diéry situées dans les communes de Hidjaj et de Bagodine. Seconde priorité, l’électrification. Les cadres ont demandé, d’une part, de pouvoir profiter de la ligne haute tension de l’OMVS qui traverse le département et, d’autre part, l’extension du réseau d’électricité de M’Bagne au profit des villages environnants.

Le problème d’enrôlement a été également évoqué. Il continue à tourmenter les populations dont de nombreux enfants ne disposent pas de papiers d’état civil. « On nous impose constamment de nouvelles règles pour nous refuser l’enrôlement », nous a lâché un habitant de M’Bagne. Les cadres ont aussi réclamé la protection des cultures sous pluie et de décrue. Les animaux en divagation ne cessent de compromettre les récoltes des paysans. Ils ont également réclamé plus d’écoles et de postes de santé, correctement équipés en moyens et en personnel qualifié. Et, leitmotiv toujours vivace, la promotion des cadres du département, laissés-pour-compte, se plaignent-ils, par rapport à ceux des autres départements de la région, malgré leur potentiel et leur engagement derrière le Président. M’Bagne ne compte aucun ministre, aucun secrétaire général, aucun directeur de société public d’envergure, aucun officier de haut rang. Sa portion congrue se résume à un ambassadeur, un wali et un PCA.

 

L’arrêt de Thiéguelel

Après avoir visité le centre de recherche et de formation agricole de Dabbé, quelques minutes après son atterrissage à M’Bagne, Ould Abdel Aziz s’est rendu à Thiéguelel, quelques kilomètre à l’ouest de la capitale départementale. C’est un site de rapatriés et dispose, à cet effet, d’un périmètre rizicole. Les populations des sites et villages d’accueil – Thiodji Ngouly Ali Baidy – ainsi que de M’Botto et de Sorimalé, proches voisins, se sont réunies pour former une haie d’honneur au Président, arrivé au crépuscule à Thiéguelel.

Un des sites agricoles destinés aux rapatriés est aménagé, l’autre en attente depuis bientôt deux ans. Ils sont mis en œuvre par l’Agence Tadamoun, en collaboration, semble-t-il, avec le projet PRSA/CSA dont le siège se trouve à Garalol, chef-lieu de la commune. Un projet dont le budget se chiffrerait à deux milliards d’ouguiyas et dont l’impact aurait pu être  très significatif, pour les populations de la commune de Niabina/Garalol, dans sa lutte contre la pauvreté et le désenclavement, notamment.

Les populations, qui attendaient la visite du Président avec intérêt, ont recensé les doléances qui leur tiennent à cœur : sécurisation du périmètre qui a entamé, depuis quelques mois, une campagne… sans clôture. Du coup, les exploitants sont contraints de couper les arbres pour protéger leurs parcelles des animaux en divagation. Et, comme il n’y pas de pâturages, il faut livrer chaque jour bataille, pour espérer récolter. Pourquoi le périmètre n’est-il pas sécurisé ? Le coordinateur au Brakna s’est contenté de nous renvoyer à la direction technique de l’Agence, pour éclairer notre lanterne…

Quarante hectares d’exploitation étaient prévus. Seuls vingt-six ont été aménagés, au profit de cinquante-six familles, alors que le site en héberge environ une centaine. L’extension du périmètre est donc une des doléances prioritaires de ces populations : toutes les familles doivent disposer d’un lopin à cultiver. L’une des motopompes destinées à l’irrigation du périmètre est en panne depuis bien longtemps. Et, qu’à Dieu ne plaise, si celle qui arrose le périmètre y tombe également, la campagne en cours sera compromise. Or, si ce périmètre est mis en valeur, c’est, à tout le moins, que son objectif soit dévoué à la lutte contre l’insécurité alimentaire des populations bénéficiaires. Enfin, il faut mentionner que c’est à l’occasion du passage du Président qu’une décortiqueuse a été placée, bien en vue, sur le terrain, avec deux tracteurs qui ont rebroussé chemin… juste après le départ du cortège présidentiel.

Les populations de Thiéguelel continuent à s’abreuver au fleuve Sénégal dont on connaît, aujourd’hui, la qualité des eaux… Son école, d’un effectif de plus d’une centaine d’élèves, répartis sur trois sections, ne dispose que d’un enseignant titulaire et d‘un contractuel. Une situation que les techniciens de Tadamoun n’ont pas su expliquer au président de la République. L’autre partie du périmètre, destinées aux populations dites d’accueil, traîne depuis bientôt deux ans. Motopompes, semences et intrants y ont été amenés, avant qu’il ne soit emblavé, avant même la répartition des parcelles entre les populations bénéficiaires. Aujourd’hui, elles attendent le démarrage d’une première campagne, pour faire face aux conséquences du déficit pluviométrique et à la d’autant plus rude période de soudure.

Autre doléance : l’extension du périmètre de Sorimalé, non loin de Thiéguelel. Quarante-quatre hectares réhabilités, par le projet PRSA/CSA, au profit des populations de ce village et de celles de M’Botto. Mais ce périmètre vient de voir avorter sa campagne de soudure consacrée au maïs. Pour cause, un problème d’emblavement et, donc, d’encadrement. Comment planter directement sans défricher les parcelles ? Ici aussi, les populations ont demandé l’extension du périmètre au profit des familles ne disposant pas de lopins. Les rendements en riz sont, il faut le reconnaître, relativement  appréciés par les populations bénéficiaires.

Signalons enfin que les cadres des localités précitées ont marqué l’étape de leur présence : Anne Abderrahmane Yéro, cadre au ministère de Santé ; Aliou Sarr, membre de Sursaut ; Anne Mamoudou, ingénieur agronome à la retraite ; Dia Oumar et Ly Mamadou Samba, respectivement  directeurs d’école de M’Botto et de Koudel ; et, bien entendu, le chef de village de Thiéguelel.

 

Où seront implantés les fameux 3500 hectares ?

La question de la terre reste très sensible dans toute la Vallée. Les populations sont hantées par l’expropriation de leurs terres ancestrales. Aussi s’inquiètent-elles de l’annonce faite, par le nouveau préfet du département, au cours d’une réunion avec les chefs de village. A en croire des sources, concordantes, circulant dans le département, il serait question d’aménager 3500 hectares dans le département. Mais où ? Et au bénéfice de qui ? Les propriétaires terriens redoutent le précédent de Donaye où des milliers d’hectares ont été dévolus à l’agrobusiness.

 

Présence remarquée des forces de sécurité

Un important déploiement des forces de sécurité entourait la visite du président de la République. Quelque 24 heures avant son arrivée du président sur les lieux à visiter, les véhicules du BASEP, avec des canons et armes en tout genre, et ceux de la Garde ont investi le terrain. Une véritable  armada de guerre. On se demande même de quoi a-t-on peur, pour lancer un tel déploiement de forces…

 

Le poisson de SMDP

A quelques jours de la visite du président au Brakna, la Société Mauritaniene de Distribution de Poissons (SMDP) a procédé à des distributions gratuites de poissons  aux populations des quatre moughataa programmées. Une manière de les inciter à accueillir leur président. Pour Basse Fatimata, directrice-adjointe de la SMDP, cette opération fait partie du volet « distribution gratuites de poissons » de la société. Et de préciser : la SMDP a pour mission de lutter contre l’insécurité alimentaire, la malnutrition sous toutes ses formes et la lutte contre la pauvreté. Cette mission comporte deux volets : distributions gratuites et commercialisation à des prix sociaux (50 UM/kg).

Pour l’occasion, le département en a bénéficié de cinq tonnes ainsi réparties : 1,4 tonne pour la commune de Niabina, 1,3 pour M’Bagne, 1,2 pour Bagodine et 1,1 pour Debay Hidjaj. L’opération Ramadan de la SMDP mobilisera six cents tonnes par wilaya et le Brakna en héritera de quarante. Selon sa directrice, la société ambitionne de couvrir toutes les agglomérations importantes avec des points de vente dotés de chaînes de froid pour la conservation. Rappelons, incidemment, que Basse Fatimata est membre du bureau exécutif de l’UPR.

 

M’Botto décline ses doléances

Les populations du village de M’Botto, quatre mille âmes, ont accueilli, avec leurs maigres moyens, le président de la République, dans deux sites différents. Les jeunes n’ont ménagé aucun effort pour réussir leur accueil. D’abord, le samedi, à Thiéguelel, où quelques familles disposent d’un périmètre rizicole en attente d’exploitation, puis sur la route Kaédi-Boghé, à sept kilomètres du village où calèches et véhicules ont transporté les gens, tôt le matin. C’est vers 10 heures que le Président s’est arrêté pour saluer les populations et recevoir leurs doléances : tout d’abord, la construction d’une piste, pour désenclaver les villages de Garalol, Thilla, M’Botto, Sorimalé, Liliya, Ali Baidi et Thiéguelel. Une priorité pour ces villages isolés pendant les trois mois de l’hivernage. Ils avaient nourri l’espoir de voir cette piste sortir de terre après l’adoption, en 2011, par le conseil municipal, d’une délibération portant sur une série de réalisations (forages, piste de 10 kilomètres, périmètres irrigués et maraîchers…) par le projet PRSA/CSA.

M’Botto, Thilla, Sorimaklé et Garalol réclament également l’extension des périmètres irrigués de Sorimalé et de Thiguelel, au profit de l’ensemble des  populations des villages précités, et souhaitent la réalisation de barrages à Ledawol et à Sawa Essoum, ainsi que la construction d’un pont sur la rivière de Lougué, ce qui permettra de désenclaver Sorimalé, situé sur la rive droite du fleuve Sénégal. M’Botto espère profiter, d’ici peu, d’un réseau d’adduction d’eau, pour notamment permettre, aux femmes, de consacrer leur énergie à des activités génératrices de revenus, comme le maraîchage, et voir se construire un collège, pour limiter la déperdition scolaire. Confrontés au problème d’hébergement hors de leur foyer, les enfants, particulièrement, les filles finissent par abandonner les bancs.

 

Présence remarquée des femmes

Visiblement, la loi de parité n’est pas de mise à M’Bagne ; elles sont rares, les femmes à s’illustrer ! Elles n’en ratent pas pour autant les occasions de faire entendre leur petite musique. Parmi les cinq commissions mises sur pied pour préparer l’accueil, une héritait de la charge de gérer l’hébergement et la restauration. C’est dire qu’on n’était pas loin des tâches ménagères. Parmi celles qui ont effectué le déplacement et qui refusent de jouer le second rôle, on ne saurait oublier madame Bâ Aissata Niang, coordinatrice départementale des femmes UPR, ni la docteure Amina Niang, directrice de l’école de santé publique, ou Fatimata Basse, membre du BE de l’UPR et directrice-adjointe de la SMDP. Si la seconde est connue pour sa discrétion qui cache un pragmatisme reconnu de tous, la première ne rate aucune occasion pour revendiquer la place qui revient aux femmes qui ont fait leur preuve. S’adressant, au cours d’une réunion, aux élus du département, Aissata Niang a déclaré, en substance : « Transmettez, au Président que vous prétendez rencontrer dans vos missions, les doléances du département de M’Bagne ». Et pour madame Bâ, la première de celles-ci est la promotion des cadres qui, en dépit de leur engagement, attendent toujours le retour de l’ascenseur, comme partout ailleurs. Quant à la directrice adjointe de la SMDP, elle vend bien l’image de son parti, l’UPR, et se contente de vanter les réalisations d’Ould Abdel Aziz. Pour elle, c’est sous son magistère que la capitale départementale a été désenclavée, grâce à la bretelle de Niabina. Point final ?

 

Renfort des élus sur fond de grandes manœuvres

 Les parlementaires ont instauré, depuis quelque temps, ce qu’ils appellent le « renfort ». Autrement dit, s’appuyer mutuellement lors de toute visitation présidentielle. On les voit arborant leurs écharpes, aux côtés de leurs homologues-hôtes du Président, au bas de la passerelle pour le saluer. Ils peuvent courir de très loin, pour soutenir leur collègue.

A M’Bagne, on a ainsi vu le député de Maghama, Niang Mamoudou, aux côtés de son homologue Sy Abdoulaye, le député de Bababé, Yongane Alassane et j’en oublie, tout comme le maire de Kaédi venu appuyer son homologue de Bagodine. Un renfort est venu également de Wothie. L’ancien ministre des Finances, Thiam Diombar, est arrivé à M’Bagne, quelques minutes avant l’arrivée du Président sur les  lieux. Le prétendant au poste de sénateur de Bababé, Bass Mamadou, alias Samba Leeldo, a également effectué le déplacement. C’est dire que les manœuvres politiques ont fortement dominé cette visite présidentielle, aussi bien à M’Bagne qu’à Bababé.

 

Compétition UPR et  Sursaut

On a également noté la forte présence des jeunes. Présents à toutes les réunions et au sein des commissions, ils n’ont pas accepté de jouer les seconds rôles. Renouvellement de la classe politique prônée par le président de la République oblige. Si la commission nationale de la Jeunesse UPR a dépêché une délégation, conduite par l’un de ses membres, le docteur Hampaté Bâ, DGA de l’IMRSP, le parti  Sursaut a mobilisé les siens, très actifs dans le département, sous la conduite de son SG, Guisset Mamadou, directeur à la zone franche de Nouadhibou. La compétition ne cesse donc de se développer, entre les jeunes de ces partis. Sursaut, qui a présenté des candidats dans trois communes sur les quatre que compte le département, y a obtenu de bons résultats, il a même gagné la mairie de Hidjaj. Les prochaines municipales promettent de belles empoignades.

 

Rassemblés par DL