Déclamer des évidences. C’est fréquent chez nous en Mauritanie. Pour être pratique et pédagogique, allons-y de quelques exemples. Dans un bureau « plein-full » d’un parterre « d’intellos », les voilà, pendant toute une matinée, sur une évidence du style : le Président va bientôt désigner un mauritanien Premier ministre. Tous les ministres seront des hommes et des femmes qui soutiennent son programme et qui furent actifs dans sa campagne. La Boutique centrale de Mauritanie a recruté, dans l’ombre, plusieurs cadres et agents. Deux à trois proches de son principal gérant (un frère à madame, un cousin et encore un petit frère à madame), la fille d’un général à quelques deux ou trois ans de la retraite et celle d’un vieux colonel qui n’a pas pu devenir général. C’est la consolation. Et puis, mieux avoir sa fille à la boutique centrale que d’arborer un grade de général qui ne s’use que lorsqu’on ne s’en sert pas. Ceux qui s’en ont servi ne le regrettent certainement pas, aujourd’hui. Les prix des denrées de première nécessité ont grimpé pendant le Ramadan. Le nouveau président sera investi. La présidente de la Communauté urbaine est en plein dans les poubelles et dépense, inutilement, des centaines de millions, pour rendre service à des dizaines d’hommes d’affaires détenteurs de centaines de vieux camions dont ils ne savaient plus quoi faire, depuis plusieurs années. Ils étaient sur l’idée de les convertir en tonnes de ferraille et de les vendre aux Maliens. Et voilà que la Providence, mêlée aux manipulations, ont permis la résiliation des contrats de la société française Pizzorno. Quelle chance ! Quelle aubaine ! Quel festin ! Et des évidences de ce genre. L’évidence guide la Mauritanie. Lapalisse serait-il de nous ? Le champion toutes catégories des évidences. Il aurait fait un excellent ministre ou député de chez nous. Si son soldat qui est mort vivait encore avant de mourir, c’est que notre président qui vient d’être réélu présidera encore pendant cinq ans. Au moins. On verra après ? N’y a que l’entraîneur de l’équipe de France de football, Didier Deschamps, qui peut rivaliser avec son compatriote Lapalisse. Sa saillie, à la veille du match contre l’Allemagne, est un chef d’œuvre du genre : « Quand on n’est pas né, on n’est pas né ». Vraiment : et quand on n’est pas mort, on n’est pas mort. Quand on a perdu, on n’a pas gagné. Quand on dort, on n’est pas réveillé. Et quand une porte est fermée, elle n’est pas ouverte. Si c’est la nuit, ce n’est pas le jour. Un parti de l’opposition, ce n’est pas un parti de la majorité. Un homme, ce n’est pas une femme. Quand on n’est pas né, on n’est pas né. Tout simplement. Évidemment. Evidemment. Après RFI, c’est Africa 24. Le nouveau président réélu persiste et signe. Evidemment qu’il préfère donner la primeur de ses évidences à des médias étrangers. La raison en serait, selon certains de ses applaudisseurs, que la presse nationale est médiocre (sic) ! Heureusement que la médiocrité ne tue pas. Autrement, la presse nationale n’en serait pas la seule victime. L’alternance sert la démocratie et permet le rajeunissement de la classe politique. Les évidences du président qui a promis de ne pas faire plus que deux mandats prévus par la Constitution mauritanienne. D’ailleurs, a-t-il rappelé, « j’ai tenu serment pour cela ». Mais en tant qu’ancien officier, le président oublie qu’il a aussi tenu serment de ne pas appartenir à une organisation politique. Non seulement, il y a appartenu, mais, encore, l’a organisée, en a usé et abusé, pour orchestrer le renversement d’un président démocratiquement élu. Les généraux du peloton des députés sont là : vivants, sains et saufs. Et puis, que pouvait dire un président réélu non encore investi ? Evidemment qu’on ne s’attend pas à ce qu’il dise qu’il ne respectera pas la Constitution ou qu’il rempilera pour un troisième mandat ou qu’il tripatouillera les dispositions légales en vigueur. Ne préjugeons de rien. Ne soyons pas le livre qui ordonne l’eau, sans daigner la toucher. Sachons attendre. C’est le plus faible de la foi.
« Ambiguïté délibérée » : voilà comment Ehoud Barak, alors ministre de la Défense de l’entité sioniste, désignait, en 2010, la stratégie nucléaire de son gouvernement ; « une bonne politique, en entente totale avec les États-Unis », tenait-il, sibyllin, à préciser.