Suivant son propre système de valeurs, chaque pays instaure un éventail de mesures pour contrôler les comportements indésirables afin d'éviter les dérapages sociaux. Plus ce système est performant, plus les délits et crimes reculent ; plus il est défaillant, plus la fréquence des actes criminels augmente et deviennent avec le temps quelque chose de banal. Le niveau d'acceptation de la société de ces actes constitue le baromètre de la régulation morale de la conduite globale.
Ce baromètre varie d'un pays à l'autre, suivant son système éducatif et comportemental spécifique. Dans certains pays d'Asie, par exemple, citer le nom d'un responsable dans le moindre détournement de fonds ou de biens constitue l'une des plus lourdes peines qui puissent être infligées á un criminel, puisque toute la société se dresse alors contre lui et lui rejette son dévolu, au point de ne plus le servir jusqu’en la boulangerie même de son quartier et le voilà traînant partout où il se présente une humiliation pour toute la vie. Dans cette même région du monde, certains visiteurs ayant perdu leur porte-monnaie dans une station de métro grouillant de monde les retrouvent intacts. En Indonésie, nul n’ose voler le moindre objet déposé devant une mosquée.
Que dire alors quand, ici en Mauritanie, des chaussures et autres affaires sont subtilisés á l'intérieur même de nos mosquées ? Que dire des détournements de fonds publics, un acte banal qui fait couler nos institutions et priver les projets de voir le jour ? Ces malversations font pourtant la fierté de certains qui deviennent du coup de véritables notables en la cité, disposant de leur propre protocole et de leurs blogueurs chantant leurs « vertus ». Là où ils se présentent, les voilà accueillis à bras ouverts ; les gens leur jettent des fleurs et les glorifient du titre d’hommes « courageux », forts de mains « non-cloisonnées », parfaitement informés de « par où se mange l'omoplate ». Tandis que tout celui qui veut intègre est taxé de tous les maux, faiblesse, manque de courage et de personnalité. Voilà comment, au fil de ces faille et dérive sociales, l'intégrité morale est devenue ni plus ni moins qu’une perversité.
Durcir les peines
En tout cas, là où les crimes économiques prennent de l'ampleur, il faut s'attendre à voir s'élargir les inégalités sociales, le manque et la médiocrité des services sociaux et décliner tous les standards de vie. Bref, autant de vecteurs d'insécurité et d'instabilité : la quasi-totalité des crimes ont pour cause l'ignorance, la pauvreté et la haine, fruits amers des crimes économiques qui privent l'ignorant de la scolarité, faute d'école pour l'accueillir ; le pauvre, des ressources minimales pour subsister dignement ; et, enfin, les frustrés, de tout espoir d’évolution, suite à l'accaparement indu des richesses nationales par certains au détriment des autres.
Partant de ce constat, il sonne à l'évidence que les crimes économiques sont les instigateurs de tous les autres crimes et constituent une constante menace á la cohésion sociale et á la stabilité. Quand les malfaiteurs développement leurs capacités de nuisance sans être traqués par les forces de l'ordre, sachez que la faille est grave. Contrairement aux malfaiteurs d’ailleurs qui volent des objets de la rue ou les arrachent à des passants, les nôtres s'attaquent aux domiciles pour y perpétrer, sans la moindre crainte, d'horribles meurtres, viols et vols à main armée. Certains comptent sur la légèreté des peines, d'autres sur le trafic d’influence de leurs protecteurs, d'autres encore sur les « arrangements » entre tribus qui empêchent souvent la justice de suivre son cours et de réprimer fermement les contrevenants. Voilà pourquoi tant de criminels sont des récidivistes pris en flagrant délit.
Le récent viol perpétré à Dar Naïm nous interpelle tous : il est grand temps de placer sur le sceau de l'urgence des mesures de préventives et curatives, en renforçant le filet sécuritaire, en durcissant les peines et en suivant avec attention chaque malfaiteur, en les frappant avec une main de fer à la moindre faute. Le gage de succès d’une telle approche requiert une revalorisation de l'intégrité morale qui a perdu du terrain, suite à une gestion peu orthodoxe des ressources humaines. La justice doit pouvoir jouer son rôle en toute impartialité et rigueur afin de préserver l'image de marque de l'autorité et de la puissance publique.
Mohamed Ahmed Cheikh