Invité, il y a quelques jours, par la chaîne privée El Watanya, Samba Thiam, le président des Forces Progressistes du changement (FPC) a affirmé que « le terme arabo-berbère n’est pas péjoratif, mais une réalité historique. » Passant en revue, durant deux heures d’horloge, l’ensemble des problèmes que connaît le pays, il a beaucoup insisté sur la problématique de la cohabitation entre ses différentes composantes ethniques.
Evoquant ses rencontres avec l’ancien président renversé Sidi ould Cheikh Abdallahi, à New York, puis avec Mohamed ould Abdel Aziz, après le retour des FLAM, Samba Thiam les justifie, d’abord, par le besoin de remercier le premier, pour la décision courageuse qu’il prit de rapatrier les déportés, et par la disposition des FLAM de l’époque à l’aider dans cette entreprise pas du tout facile – certains de ceux qui avaient contribué à déporter ces mauritaniens au Sénégal et au Mali s’opposaient à leur retour – ce à quoi Sidioca avait répondu :« Revenez et posez les problèmes à la classe politique ». Samba Thiam a qualifié Sidioca de très ouvert, au contact facile, et d ‘une grande capacité d’écoute.
Avec Mohamed ould Abdel Aziz, « nous avons expliqué », poursuit-il, « pourquoi nous sommes revenus : notre désir de quitter la clandestinité, jouer le jeu démocratique et notre partition dans la construction du pays, comme tous les autres acteurs politiques ». Et le président des FPC de reconnaître, à Mohamed ould Abdel Aziz, le courage de s’être attaqué à certains maux qui gangrènent le pays, notamment, la lutte contre la gabegie. « Il est inadmissible qu’une infime partie des Mauritaniens profitent de leur position pour dilapider les biens de l’Etat ». Autre point positif gratifié au président de la République, sa volonté de bâtir le pays et de le doter d’infrastructures. Une première dans le pays.« Mais », fait observer le président Thiam, « nous lui avons dit que les déportés qu’il a rapatriés n’ont pas recouvré tous leurs droits : terres, papiers d’état-civil, fonctions… c’est une situation également inadmissible, qu’il faut régler rapidement ». Et de déplorer que, sur la question essentielle, c'est-à-dire l’égal traitement des composantes nationales, entre négro-africains et arabo-berbères, l’action du président est restée nulle. Il fallait y remédier, si l’on voulait construire une nation homogène. « Et la réponse du Président ? », demande le journaliste. « Mohamed ould Abdel Aziz est très peu communicatif, il nous a répondu, laconiquement, qu’il a l’ambition de construire la Mauritanie »… Sans les négro-mauritaniens et les harratines ? s’interroge le président du FPC.
Parlant des autres rencontres avec la classe politique et les hommes d’affaires arabo-berbères, Samba Thiam remarque que, si certains ont fait preuve d’une grande ouverture d’esprit, d’autres lui ont carrément avoué que « son discours ne leur parlait pas ». Abordant la question de la cohabitation et du projet d’autonomie, le président des FPC affirme que « le problème de cohabitation s’est posé dès les premières années de l’indépendance. Les harratines et les négro-mauritaniens sont exclus, à tous les niveaux : politique, économique, militaire, sécurité, état-civil… Une seule composante, en l’occurrence, les arabo-berbères, régentent le pays ». Mais Samba Thiam de préciser : « Je n’impute pas la responsabilité de cette situation aux populations lambda mais au système arabo-berbère qui nous gouverne ». Et de saluer le courage et l’honnêteté intellectuelle de certains hommes, comme Moussa Fall, président du CND, ou Isselmou ould Abdel Kader. Sur l’autonomie, le président Samba Thiam met la pendule à l’heure. « Notre projet d’autonomie ne signifie pas une séparation de la Mauritanie entre Sud et Nord. C’est un projet de réorganisation territoriale et administrative poussée, reposant sur les réalités économiques et historiques du pays. Je pense que nombre de personnes n’ont pas lu le texte en question, qui est une proposition, une contribution au débat pour trouver une solution à la cohabitation, dans ce pays ».
Après avoir narré la genèse du combat des FLAM, depuis la publication du « Manifeste du Négro-mauritanien opprimé », en 1986, la répression sanglante qui s’en est suivie, les morts au bagne de Oualata, le coup d’Etat manqué et noyé dans le sang en 1987, les déportations en 89 et la purge des militaires négro-mauritaniens en 1990 91, etc., le président Thiam revient à la charge en martelant que les FPC sont revenus pour combattre, avec des armes politiques, à l’intérieur du pays, la situation que les FLAM dénonçaient, depuis leur exil, et toujours d’actualité : « Voilà pourquoi les FLAM ont cédé la place au FPC qui attend son récépissé ». Sur ce point, Samba rappelle que la balle est dans le camp du ministère de l’Intérieur et avertit : « Nous n’accepterons pas de nous laisser bâillonner. Nous allons nous battre, pour sortir de l’illégalité ». Répondant à une question sur l’opposition et l’éventualité d’un dialogue avec le pouvoir, le président des FPC, tout reconnaissant qu’il est dans ce camp, fait remarquer qu’au niveau de l’opposition, il y a des gens « pires que dans le camp du pouvoir », que le dialogue, entre les deux camps, ne doit pas porter que sur des élections mais, plutôt, comme le souhaite l’opposition, sur l’ensemble des questions nationales, de l’unité nationale en priorité qui conditionne l’avenir de ce pays.
Sur cette question d’unité nationale et la politique de « deux poids, deux mesures », le président du FPC a fait remarquer que « notre unité nationale n’existe pas ». Le système a réussi à installer la méfiance et la répulsion, entre les composantes du pays. Pire, elles n’habitent plus dans les mêmes quartiers, à Nouakchott ; leurs enfants ne fréquentent plus les mêmes écoles…Toujours sur la politique des « deux poids, deux mesures », Samba cite deux exemples. Aussitôt après son arrestation, Sow Amadou Moctar, le directeur du Bâtiment, a été jeté en prison, tandis qu’Ould Mougueya qui a un problème avec la BCM, pour des milliards, est gardé, depuis toujours, à la direction de la Police. Il a ensuite cité son propre cas : « on m’a refusé la régularisation de ma situation administrative, alors qu’on l’a accepté pour Ould Hanana qui a perpétré un coup de force et tenu Nouakchott pendant 48 heures. Alors, vous dites qu’il n’y a pas de ségrégation dans ce pays ? » Evoquant, enfin, l’arrestation et la condamnation du président d’IRA-Mauritanie et de ses amis, Samba Thiam avertit : « Ce n’est pas par la répression qu’on arrête la roue de l’Histoire ».
Synthèse DL