Le Calame : La Mauritanie a connu une alternance politique et pacifique, le 22 Juin dernier, en élisant Ould Ghazwani pour un mandat de cinq ans. Quel rôle les jeunes ont-ils joué dans cette échéance et qu’attendent-ils du nouveau Président ?
Mohamed Yahya Taleb Brahim : Effectivement, la Mauritanie a connu un moment historique suite à l’élection, dans la transparence, de celui qui doit présider à sa destinée pour les cinq prochaines années. En effet, c’est bel et bien une alternance démocratique et pacifique qu’a consacrée l’élection, au 1er tour, de Son Excellence le président de la République Mohamed ould Cheikh El Ghazwani. Son programme électoral « Mes engagements » a levé un nouvel espoir pour la jeunesse mauritanienne.
Cet ambitieux programme comprend un ensemble de mesures en faveur de celle-ci. Citons, à titre d’exemple, le lancement d’un programme de création de cent mille nouveaux emplois de qualité, accompagné de divers mécanismes pour sa mise en place : l'amélioration de la qualité de la formation et de la création d’emplois au profit des jeunes, la fondation d’une Agence nationale de financement de l’économie sociale et solidaire visant à simplifier l’accès des jeunes et des femmes porteurs de projets, à des services financiers adaptés à leurs besoins, instauration, dans le cadre d’un partenariat public-privé (3P), pour la mise en place d’un programme annuel d’employabilité des jeunes, restructuration des services en charge d’emploi et promotion, enfin, du sport comme vecteur de cohésion sociale... Ce sont là les raisons qui ont amené la jeunesse mauritanienne à se mobiliser pour la réussite du Président Ghazwani qui n’a pas manqué, de son côté, à se qualifier d’« ami de la jeunesse ». Une jeunesse qui a constitué une force déterminante pour sa réussite au scrutin du 22 Juin dernier.
- La jeunesse constitue presque la moitié de la population mauritanienne. Quelle place lui a réservé le Président Ghazwani dans ses engagements électoraux ? Êtes-vous satisfaits de la place qu'il leur a réservée aux jeunes dans son premier gouvernement?
- Je crois avoir répondu en partie à la première question. En ce qui concerne la seconde, je crois que les actes posés dans l’exécution des engagements du Président incitent d’autant plus à l’optimisme d'un avenir meilleur que les mesures déjà prises par le gouvernement que l'on peut qualifier de satisfaisantes. Sans risque de nous tromper, nous pouvons dire que la Mauritanie est sur la bonne voie. Dès son accession au pouvoir, SE le président de la République a en effet pris des mesures concrètes qui donneront sans doute de bons résultats à court et moyen termes.
Nous avons tout d’abord bien apprécié la décision de rassembler dans un même département ministériel les questions de l’emploi, de la jeunesse et des sports. Cette mesure permettra une meilleure synergie entre les acteurs gouvernementaux (départements ministériels) pour mener des actions efficaces et lutter contre le problème majeur de la jeunesse mauritanienne, à savoir le chômage.
Ensuite, le travail entamé par le ministère, dans le cadre de la revue de la stratégie nationale d’emploi, afin de l’adapter aux besoins des jeunes et de l’harmoniser avec les « engagements » de SE le président de la République est un bon début.
Par ailleurs, nous avons, au niveau du Conseil, accompagné cette mesure en organisant des journées consultatives sur les opportunités de l’emploi où ont participé plus de cinq cents jeunes et les acteurs principaux de l’emploi en Mauritanie (MEJS, ANAPEJ, CDD, BCM, instituts de formations, etc.), et des douzaines de jeunes entrepreneurs. Nous nous sommes en outre réjouis de l’accord signé, entre le Ministère de l’Emploi, de la Jeunesse et des Sports (MEJS) et le patronat visant à produire six mille emplois avant Juillet 2020. Les étapes de concrétisation de cet accord sont effectivement en cours. Enfin, le lancement, par le même MEJS, de l’initiative « Mon projet, mon avenir » visant à financer cinq cents projets des jeunes.
En conclusion, ces mesures constituent un pas important dans la réalisation du programme de SE le président de la République. Nous estimons que la continuité de ces actions et leur nécessaire suivi formuleront la bonne recette pour répondre aux attentes des jeunes et demeurons disposés à accompagner cette dynamique.
- Fondé il y a déjà quelques années, le HCJ reste, pour nombre d’observateurs, peu audible et visible sur le terrain. Certains n’y voient même qu’un rassemblement de fils-à-papa. Que répondez-vous à ces griefs ? Qu'a fait le HCJ depuis sa fondation ?
- Le Haut Conseil de la Jeunesse est constitué de fils de la Mauritanie, leur sélection s’est faite dans la transparence, selon un processus connu de tous. Il regroupe la Mauritanie en sa diversité culturelle et sa réalité économique où l’on peut retrouver toutes ses classes sociales. Les observateurs assidus ont, cette fois-ci, certainement remarqué la dynamique de cette jeune institution et son approche sur le terrain. Malgré notre statut consultatif, nous y avons mené plusieurs actions dont trois campagnes de sensibilisation à l’intérieur du pays dont on a fait le tour (la dernière, début 2019, sous forme de séries de formation sur le montage de projets et la mobilisation de financement à laquelle ont participé six cents jeunes répartis sur tout le territoire national) ; un programme dédié à la jeunesse des quartiers les plus vulnérables de Nouakchott, dont deux composantes ont été déjà réalisées et auquel ont participé les autorités locales des trois wilayas de Nouakchott, en plus de jeunes de la Société civile ; une compétition portant sur l’innovation à laquelle ont pris part deux cent soixante-sept équipes, chacune constituée de trois à cinq personnes dont une femme, et le HCJ a accompagné les dix projets finalistes de cette compétition, jusqu'à la réalisation des prototypes de leur projet respectif ; une campagne de sensibilisation sur la consommation locale et de la promotion de la production locale, appelée « Made in Mauritania »; l’accompagnement de plusieurs associations de la Société civile dans leurs actions de terrain ; des collaborations avec des partenaires nationaux et internationaux, dans le cadre de plusieurs projets jeunesse.
Et encore d’autres activités et rencontres avec les jeunes, menées par notre conseil dans un objectif de rester à leur écoute, les encadrer et porter leurs doléances au cercle décisionnel. Dans ce cadre, nous n’avons pas été avares de propositions et de suggestions mais les moyens financiers demeurent un obstacle contraignant la concrétisation de certaines de nos idées pour mieux cerner les problématiques de la jeunesse. Nous pensons qu’une meilleure synergie entre les acteurs en charge de celle-ci contribuera à toucher plus de jeunes et développer des actions plus concrètes.
- Comment appréciez-vous la politique de l'emploi des jeunes en Mauritanie ?
- La politique nationale de l’emploi est en cours de « réforme » et nous pensons que le pays possède un potentiel économique important. Ce potentiel sera renforcé avec les nouvelles découvertes de gaz qui seront accompagnées, une fois l’exploitation commencée, par un développement consistant de l’emploi. Nous pensons également que certaines mesures déjà prises visant à améliorer le climat des affaires, telle la fondation d’un Haut Conseil de l’Investissement, vont promouvoir le secteur privé qui reste encore sollicité en matière de production d’emplois. Il est important d’accompagner ces mesures avec les hommes d’affaires mauritaniens, afin de susciter davantage d’emplois pour les jeunes ; il est également important que les jeunes mauritaniens s’orientent vers l’entreprenariat et que nous développons un vrai écosystème compétitif. À cela doit s’ajouter une synergie des acteurs en charge de l’emploi, une condition sine qua non pour une efficacité des actions prises par le gouvernement. Dans ce cadre, nous pouvons parler, à titre d’exemple, de la fusion des structures existantes en charge de l’emploi en une seule qui jouera le rôle d’un pôle-emploi. Nouvellement fondée par le MEJS, la Coordination des Projets d’Emploi (CPE) constitue un bon début pour matérialiser cette idée. D’ailleurs le HCJ qui la défendait depuis 2016 a plaidé récemment, lors des journées consultatives tantôt citées, pour cette fusion et la fondation d’une structure d’accompagnement des jeunes au niveau national.
- L'unité nationale demeure une pomme de discorde au sein de la classe politique. Quelle idée le HCJ s’en fait-il et, donc, de la Mauritanie ?
- L’unité nationale est au cœur de nos préoccupations. Nous avons consacré une de nos commissions aux questions des droits de l’Homme et de la cohésion sociale. Nous pensons que la jeunesse aujourd’hui peut facilement dépasser certaines mentalités obsolètes et nous avons une capacité à mieux préserver notre unité nationale. Dans une ère où la communication est facilitée, grâce aux réseaux sociaux et aux services des nouvelles technologies, nous pouvons susciter un climat plus propice à une cohabitation et une résilience communautaire. Nous pouvons nous appuyer sur les valeurs de l’islam, religion commune à tous les Mauritaniens, pour renforcer notre unité, celle-ci, restée depuis la nuit des temps intacte, en dépit des multiples tentatives visant à nous diviser.
Jeunes soucieux de notre avenir, il nous incombe aujourd’hui de capitaliser tous ces atouts pour renforcer notre unité nationale et passer à une construction « citoyenne » de notre pays où chacun a son rôle et doit le jouer pleinement. À cet égard et pour conclure, on rappellera simplement cette belle parole de feu le président Moctar ould Daddah : « la Mauritanie sera ce qu'en fera sa jeunesse.»
Propos recueillis par Dalay Lam