Ould Abdel Aziz est parti ce lundi à Ouagadougou. Un voyage-éclair d’une journée. Pour porter la « bonne » parole et apporter le soutien de l’Union Africaine au processus en cours visant à instaurer une transition consensuelle. Notre ancien putschiste, reconverti en démocrate et bombardé président de l’UA, faute de concurrent, sait-il de quoi parler aux auteurs du coup d’Etat ? Qui n’en est pas un, en fait, puisque les militaires burkinabés, malgré une longue tradition de putschs, ont, cette fois, ramassé le pouvoir dans la rue. Notre rectificateur en chef a, lui, déjà deux coups d’Etat à son actif, en 2005 et 2008, sans avoir, à aucun moment, songé à mettre en place une transition consensuelle ou à remettre le pouvoir aux civils – si l’on exclut la parenthèse Mbaré qui n’a duré qu’à peine un mois. Les démocrates burkinabés pourraient d’ailleurs lui faire remarquer, à juste titre, qu’au moins sur ce point, il est mal placé pour donner des leçons. Ils ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, en se tournant d’abord vers la CEDEAO dont trois présidents (véritablement démocrates ceux-là) ont débarqué au Burkina pour encourager les différents pôles à se mettre d’accord sur un processus garantissant le retour rapide à un ordre constitutionnel normal. Aziz ira donc prêcher en terrain conquis. Il aurait pu faire l’économie d’un voyage inutile. Surtout qu’il est à la veille d’un marathon qui le mènera jusqu’à la lointaine Australie, pour assister au Sommet du G 20, en tant que président de l’UA.
Voyage, voyage… Comme si tout se passait bien chez nous. Comme si tous les problèmes étaient derrière nous. Comme si le prix du fer n’avait jamais baissé. Comme si le poisson s’arrachait comme des petits pains. Comme si l’hivernage avait été bon. Comme si une petite minorité de privilégiés n’avait pas fait main basse sur nos maigres ressources, chacun s’appropriant un domaine : banques, BTP, importation de produits alimentaires, fournitures aux établissements publics, marché de gré-à-gré, taxes imaginaires (dont la plus célèbre demeure celle de 3% du prix de chaque produit débarqué au Port de Nouakchott, une sorte de prime d’assurance obligatoire, versée comme une obole à un favorisé qu’on ne nommera, puisque tout le monde le connaît).
Aux pauvres, « non-agréés », il ne reste que des miettes. Des sociétés, qui avaient, il y a peu, pignon sur rue, mettent la clé sous la porte. Cinq ans encore dans cette galère et il ne nous restera plus grand-chose. A moins que d’ici là, un voyage de trop… ou la rue… qui sait ?
Ahmed Ould Cheikh