Samba Thiam, président des FPC: Mesure de l’Assemblée nationale, quels soubassements?

31 January, 2020 - 15:20

Des journaux ont relayé hier l’information selon laquelle désormais on ne parlera plus  Français à l’assemblée mais les langues nationales, et exclusivement elles ! On comprend maintenant que la rumeur qui avait circulé à ce propos il y a quelque temps avait été distillée en guise  de ballon d’essai, de sondage de l’opinion. Curieusement, soit dit en passant-, on n’a  pas encore entendu la fameuse Association des francophiles de Mauritanie  sur le sujet. Silence radio !

Je ne reviendrai pas sur tout ce que j’avais écrit à ce propos quand cette rumeur avait couru...Je ne saurais, en revanche, ne pas  souligner  le caractère léger, dilatoire et  malsain de la mesure, une ambition, cachée, qui  est de perpétuer  le même Système  qui opprime, depuis  des décénnies, les Negro-Africains de Mauritanie.

Au ballon d’essai, constatant  que seuls Gourmo et moi-même, hélas,  avions  réagi,  devant un peuple et des cadres comme tétanisés, ‘’ils’’ sont  passés à l’acte … Cette pratique n’est pas  nouvelle.

 En effet, l’on se  souvient  il n’y a guère longtemps, un ministre de la justice s’était levé un jour pour imposer l’arabisation totale du secteur, comme ça,  par humeur, sans aucune base légale, pour rompre avec le statu-quo ante qui prévalait. Puis avait suivi un recteur  qui, lui aussi, un jour décida, au pied levé, que l’enseignement de  l’histoire et du  Droit à l’Université, jusque-là dispensé en Français, se ferait  désormais en arabe ; poussant les Enseignants négro-africains au chômage technique ; les  Profs arabo-berbères, eux, se recycleront facilement puisque celui qui parle hassanya est assimilé naturellement comme parlant arabe ! Au  recteur succédera un  chef d’Etat major ( Ghazouani ?) qui, lui aussi, décrèta que  l’Armée nationale parlera désormais arabe, dans son fonctionnement et dans son recrutement... 

Ce qui vient de se produire hier à l’assemblée n’est donc pas nouveau et s’inscrit dans une pratique devenue courante. Le Président de cette auguste assemblée, suivant la trace de ceux qui l’avaient  précédé acte de la même façon, en décidant à son tour, sans étude ni  transition nécessaires, sans compétences, requises,  que le Français serait éjecté de l’hemicycle, remplacé par l’arabe, le pulaar, le sooninke, le wolof qui seraient traduits à sens unique … ces langues vers l’arabe et inversement  au mépris de la connection et de l ’identité culturelle commune des populations négro-africaines, comme pour briser tout lien entre elles … Si le Soninke ne  reçoit pas  le message du Peul ou du Wolof ou inversement tant pis !  Ce n’est pas le plus important, qui est ailleurs …’’ que tous  perçoivent ou saisissent seulement  le message exprimé  en arabe ‘’ …

La diversité linguistique est le pivot de toute diversité’’, nous rappelle   Amin Maalouf, malheureusement la nôtre est souvent déclinée  tout  juste comme un slogan !

Si, en soi, nous devons soutenir la valorisation de nos langues et cultures nationales-tout le monde y souscrit-, cela ne doit pas être fait dans la précipitation, sans étude, sans transition, à la va-vite, sans compétences formées,  mais surtout sans l’inserer  dans une vision globale d’une  politique culturelle claire et  définie ! Pour que cette mesure fût perçue comme crédible, de bonne foi et donc soutenue, il eût fallu qu’elle soit  précédée d’une déclaration  officialisant les langues wolof, pulaar et sooninke d’une part, et par  l’annonce  de la réhabilitation de l’Institut des langues et l’enseignement de ces dernières, d’autre part. Sinon, nous sommes dans la  diversion, la mystification, devant un piège à nigaud, cachant une volonté de ‘’ghettoiser’’  la communauté négro-africaine. Demain vous  entendrez les memes  tenter de ramener en surface le débat, dépassé, du choix des  caractères…

Les cadres et intellectuels de tous bords observent ces provocations sans rien dire… Les Profs de fac s’étaient terrés dans le silence, muets … ceux des lettres attendent leur tour, comme  tous ceux-là formés dans la langue de Molière qui, pour beaucoup, trouvent  refuge dans les institutions internationales sur place  ou dans le gardiennage ; refuges précaires , hélas, car  ils n’échapperont pas au rouleau compresseur, puisque  demain les mêmes  se  lèveront un beau  jour pour décréter ‘’le Français ‘’out’’ de Mauritanie’’ … et les institutions internationales seront sommées de s’y conformer dans leur recrutement de personnels ; par respect d’une  souveraineté interne. Non, les tenants du Système n’ont pas renoncé à leur  projet hégémonique, funeste de domination et d’assimilation des populations négro-africaines. Ils veulent copier leurs frères  de race du maghreb où les Noirs maghrébins, autochtones et nombreux (80 milions, Egypte compris), dominés et assimilés  rasent les murs,  invisibles dans la superstructure, contraints et réduits aux  basses besognes ( culture des palmiers ou des oliviers, forgerons et creuseurs de diguettes, blanchisseurs etc)  honteux  d’être noirs, rivalisant d’ardeur à s’assimiler …Voilà ce qui nous attend …

 Allons-nous  accepter de subir ce que nous refusons ? That is the question ?