Des journaux ont relayé hier l’information selon laquelle désormais on ne parlera plus Français à l’assemblée mais les langues nationales, et exclusivement elles ! On comprend maintenant que la rumeur qui avait circulé à ce propos il y a quelque temps avait été distillée en guise de ballon d’essai, de sondage de l’opinion. Curieusement, soit dit en passant-, on n’a pas encore entendu la fameuse Association des francophiles de Mauritanie sur le sujet. Silence radio !
Je ne reviendrai pas sur tout ce que j’avais écrit à ce propos quand cette rumeur avait couru...Je ne saurais, en revanche, ne pas souligner le caractère léger, dilatoire et malsain de la mesure, une ambition, cachée, qui est de perpétuer le même Système qui opprime, depuis des décénnies, les Negro-Africains de Mauritanie.
Au ballon d’essai, constatant que seuls Gourmo et moi-même, hélas, avions réagi, devant un peuple et des cadres comme tétanisés, ‘’ils’’ sont passés à l’acte … Cette pratique n’est pas nouvelle.
En effet, l’on se souvient il n’y a guère longtemps, un ministre de la justice s’était levé un jour pour imposer l’arabisation totale du secteur, comme ça, par humeur, sans aucune base légale, pour rompre avec le statu-quo ante qui prévalait. Puis avait suivi un recteur qui, lui aussi, un jour décida, au pied levé, que l’enseignement de l’histoire et du Droit à l’Université, jusque-là dispensé en Français, se ferait désormais en arabe ; poussant les Enseignants négro-africains au chômage technique ; les Profs arabo-berbères, eux, se recycleront facilement puisque celui qui parle hassanya est assimilé naturellement comme parlant arabe ! Au recteur succédera un chef d’Etat major ( Ghazouani ?) qui, lui aussi, décrèta que l’Armée nationale parlera désormais arabe, dans son fonctionnement et dans son recrutement...
Ce qui vient de se produire hier à l’assemblée n’est donc pas nouveau et s’inscrit dans une pratique devenue courante. Le Président de cette auguste assemblée, suivant la trace de ceux qui l’avaient précédé acte de la même façon, en décidant à son tour, sans étude ni transition nécessaires, sans compétences, requises, que le Français serait éjecté de l’hemicycle, remplacé par l’arabe, le pulaar, le sooninke, le wolof qui seraient traduits à sens unique … ces langues vers l’arabe et inversement au mépris de la connection et de l ’identité culturelle commune des populations négro-africaines, comme pour briser tout lien entre elles … Si le Soninke ne reçoit pas le message du Peul ou du Wolof ou inversement tant pis ! Ce n’est pas le plus important, qui est ailleurs …’’ que tous perçoivent ou saisissent seulement le message exprimé en arabe ‘’ …
La diversité linguistique est le pivot de toute diversité’’, nous rappelle Amin Maalouf, malheureusement la nôtre est souvent déclinée tout juste comme un slogan !
Si, en soi, nous devons soutenir la valorisation de nos langues et cultures nationales-tout le monde y souscrit-, cela ne doit pas être fait dans la précipitation, sans étude, sans transition, à la va-vite, sans compétences formées, mais surtout sans l’inserer dans une vision globale d’une politique culturelle claire et définie ! Pour que cette mesure fût perçue comme crédible, de bonne foi et donc soutenue, il eût fallu qu’elle soit précédée d’une déclaration officialisant les langues wolof, pulaar et sooninke d’une part, et par l’annonce de la réhabilitation de l’Institut des langues et l’enseignement de ces dernières, d’autre part. Sinon, nous sommes dans la diversion, la mystification, devant un piège à nigaud, cachant une volonté de ‘’ghettoiser’’ la communauté négro-africaine. Demain vous entendrez les memes tenter de ramener en surface le débat, dépassé, du choix des caractères…
Les cadres et intellectuels de tous bords observent ces provocations sans rien dire… Les Profs de fac s’étaient terrés dans le silence, muets … ceux des lettres attendent leur tour, comme tous ceux-là formés dans la langue de Molière qui, pour beaucoup, trouvent refuge dans les institutions internationales sur place ou dans le gardiennage ; refuges précaires , hélas, car ils n’échapperont pas au rouleau compresseur, puisque demain les mêmes se lèveront un beau jour pour décréter ‘’le Français ‘’out’’ de Mauritanie’’ … et les institutions internationales seront sommées de s’y conformer dans leur recrutement de personnels ; par respect d’une souveraineté interne. Non, les tenants du Système n’ont pas renoncé à leur projet hégémonique, funeste de domination et d’assimilation des populations négro-africaines. Ils veulent copier leurs frères de race du maghreb où les Noirs maghrébins, autochtones et nombreux (80 milions, Egypte compris), dominés et assimilés rasent les murs, invisibles dans la superstructure, contraints et réduits aux basses besognes ( culture des palmiers ou des oliviers, forgerons et creuseurs de diguettes, blanchisseurs etc) honteux d’être noirs, rivalisant d’ardeur à s’assimiler …Voilà ce qui nous attend …
Allons-nous accepter de subir ce que nous refusons ? That is the question ?
La prévarication et la gabegie ont-elles encore de beaux jours devant elles ? Jusqu’à quand le détournement des deniers publics restera-t-il le sport favori de nos (ir)responsables ? La lutte contre de telles pratiques que tout gouvernement chante à tue-tête ne serait-elle qu’un vain mot ?