Réunion ministérielle, journée « portes ouvertes », conférence ou quelconque autre activité rassemblant du monde, se voient toutes obligées à « pause-déjeuner ». Indispensable, voire vital pour les Mauritaniens, c’est « le » rendez-vous incontournable, en simple couloir ou salle à manger, autour de quelques tables « ornées » de petites galettes, sucreries et centaines de sachets de café et de « Lipton ». Le seul rendez-vous auquel tous les Mauritaniens sont pile à l’heure, parfois même en avance.
La discipline et le sens de l’écoute, ce n’est pas vraiment des qualités dont on peut se vanter. Tout au long du discours ou de l’exposé, c’est toute une cacophonie de sonneries, chuchotements et, parfois, rires moqueurs à l’encontre du speaker. Certains se gênent un peu quand leurs téléphones sonnent, on les pardonne malgré les bruits assourdissants… car il y a pire. Ceux qui prennent tout leur temps avant de décrocher et tenir tranquillement conversation sur place, c’est « 3adi » pour eux (en réponse, donc, à la fameuse question de dissertation : « c’est quoi l’audace ? »).
Dans une telle ambiance, il est bien entendu impossible de tirer profit de ce qui a été dit, de ce qui faisait l’objet de la rencontre. Mais là n’est pas notre souci. « Autonomisation féminine », « Semaine de la science », « Le cancer du sein », thèmes à la mode et celui du jour est probablement l’un d’eux, c’est bien, mais, wallahi !, ce n’est pas pour ça que je me suis déplacé. Je viens pour faire des photos, à la fin, et, surtout… pour la pause-déjeuner.
Ah oui, retournons-y, c’est justement l’heure ! D’habitude à 11h ou midi – ne vous inquiétez pas, c’est désormais bien précisé dans les annonces… – et, quand l’heure approche, les salles se vident peu à peu, tandis que des files se forment dans les couloirs. Plus personne ne parle, toute bouche occupée. Après l’effort, dit-on, le réconfort. Même si, entre nous, on le sait, il n’y a eu aucun effort.
Certains plus modérés prennent une à deux galettes maximum. D’autres (les filles en général), commencent à faire des emballages. Les gens sont heureux, détendus… à croire qu’ils étaient en prison ! La gaieté et la bonne humeur se lisent sur les visages. Une sorte de « soulagement collectif ».
Pause finie, les organisateurs peuvent espérer que ventres pleins feront auditoire attentif et concentré. Sauf qu’il n’y a plus d’auditoire… Bah oui, vous pensiez quoi ? D’accord, vous aviez dit « pause »-déjeuner, ce qui suppose retour à l’exposé. Mais franchement, c’est trop demander au mauritanien. Il a fait semblant d’écouter et de prendre note (chose que même les étudiants mauritaniens ne font pas) durant deux heures, alors « pause », pour lui, signifie « fin »… et c’est donc la fin pour ce soir. On pourrait encore parler des bouteilles en plastique jetées sur place, alors qu’il s’agissait d’une sensibilisation à la protection de l’environnement ; ou encore du mec parti uriner au coin derrière l’immeuble ou l’enceinte où se tenait la conférence sur le civisme et le vivre ensemble, mais le mauritanien que vous êtes dira que, ho, la pause est passée, c’est trop long, on en reparlera à la prochaine !
Laye Diop