« Le courage de la goutte d’eau est qu’elle ose tomber dans le désert », Lao She
La dernière alternance politique a ouvert de nouveaux horizons vers plus d’institutionnalisation et l’espoir de voir enfin les lois appliquées. Au moment où les regards sont tournés vers les mesures audacieuses pour assainir les secteurs de la santé, de l’éducation et où chaque département réfléchit pour réviser ses plans et stratégies, il m’a semblé opportun d’attirer l’attention sur le domaine de la communication de masse.
Un domaine, il faut le souligner, qui est resté jusqu’à présent négligé au moment de la distribution du gâteau, sollicité au moment de la mise en œuvre. Il est méprisé et usé. Un domaine dont la réussite conditionne celle de tous les autres
Cet article s’inspire d’une série d’investigations que j’ai effectuées en 2017 et 2018 concernant particulièrement la communication audiovisuelle. Il a bénéficié de l’apport des personnes que j’ai rencontrées durant cette période.
Un vent nouveau souffle sur les médias publics. Les leaders de l’opposition, jadis bannis, se succèdent en direct à la télévision publique. Ce changement perceptible depuis l’arrivée au pouvoir de SEM. Mohamed Ould Cheikh El Ghazwani est un événement positif en soi. Cependant il reste superficiel tant qu’il n’est pas soutenu, ancré sur des fondements structurels lui permettant de continuer et de résister aux tentatives de retour en arrière qui se manifesteront inéluctablement.
En effet, l’histoire récente de notre pays et celle des pays voisins montre que ces éclaircies ne durent parfois que le temps nécessaire aux forces installées, réfractaires au changement de se réorganiser et de reprendre la main. En effet, lors la période de la transition qui suivit le coup d’Etat d’Aout 2005, pendant la présidence de SEM. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et même pendant les premières années du premier mandat de SEM. Mohamed Ould Abdel Aziz, les gouvernants ont entrepris la restructuration des médias d’État pour les adapter à l’évolution du contexte politique et socioculturel, ainsi qu’à l’émergence de la concurrence privée. Cette réforme a impliqué des tentatives de révision des modes de gestion, de changement statutaire et des efforts de renouvellement de la ligne éditoriale. Nous verrons que cet élan n’a pas résisté aux velléités de ceux qui ont toujours cherché à voiler leur médiocrité dans l’hypocrisie.
Il semble qu’à chaque alternance, les nouveaux venus cherchent à apporter des changements. Ce fut le cas au Sénégal où « l’alternance au sommet de l’État, intervenue au Sénégal en 2000, a permis au quotidien Le Soleil et à la Radiodiffusion et télévision du Sénégal (RTS) de changer de visage. Alors que la privatisation du journal était clairement envisagée, ce dernier a opéré une mutation remarquable : nouveaux contenus rédactionnels, nouvelle charte graphique, diversification des supports offerts par le groupe (un quotidien populaire, Scoop, a été lancé) pour mieux répondre à la multiplicité des attentes du lectorat » Émile A. Tozzo, Médias en Afrique de l'Ouest, Servir le gouvernement ou le citoyen ? Dans Politique africaine 2005/1 (N° 97),
Mais à chaque fois ces changements ne durent que le moment où les nouveaux arrivants s’installent et découvrent l’importance des moyens de communication de masse. C’est un phénomène qui a touché l’Afrique de l’Ouest dans son ensemble. Toujours selon cet auteur « au Sénégal, la liberté de ton réelle des médias publics n’a duré que dix-huit mois après l’alternance ». Ça a été aussi le cas au Bénin et au Burkina Faso.
En Mauritanie, les différentes réformes ou tentatives de réformes aboutissent le plus souvent à des textes juridiques idéalement conçus et royalement ignorés dans la pratique.
La réforme avortée
Les efforts entrepris pendant et à la suite de la période de transition ont permis la mise en place d’un cadre juridique complet et idéalement conçu comprenant, notamment, la loi sur la liberté de la presse, la loi relative à la communication audiovisuelle, la loi portant création et organisation de la HAPA, la loi instituant l’aide publique à la presse privée, la loi sur la presse électronique et la loi dépénalisant les délits de presse et tout récemment la loi sur la publicité. Une certaine libéralisation de l’audiovisuel a été entamée avec l’autorisation accordée à des télévisions et radio privées et une tentative de transformation des médias d’Etat en médias de service public précédée par la création d’une instance régulatrice des médias à savoir la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA). Un fonds pour soutenir la presse a été créé. Une société nationale de télédiffusion au profit des médias audiovisuels publics et privés naissants a été fondée pour dit-on mutualiser les coûts de diffusion par satellites des programmes. La création d’une filière de journalistes à l’Ecole Nationale d’Administration en dit long comme d’ailleurs la tutelle exercée par le Ministère de la Culture, de l’Artisanat et des Relations avec Parlement sur les médias d’Etat, sur la conception qu’ont nos décideurs du journalisme et de la presse.
La Mauritanie a démarré la libéralisation de son espace audiovisuel en autorisant la création, en 2011, de cinq radios et deux télévisions privées. Trois autres télévisions suivront en 2013. Là aussi il faut s’interroger sur le pourquoi du choix d’autoriser cinq au lieu de dix radios ?
Ce cadre est resté théorique, une coquille vide. La mise en œuvre a été parcellaire, confuse, hésitante pour aboutir à un retour à la case départ. Un jeu de cache-cache avec soi-même. Deux peurs ont empêché les autorités d’avoir un minimum de cohérence dans leur politique dans ce domaine. La peur de libéraliser carrément le secteur surtout les médias publics et la peur de paraitre aux yeux des partenaires extérieurs comme une dictature. C’est ce qui explique le laisser aller au niveau de la presse privée et le strict contrôle de la presse publique.
Un ancrage confus
Cette ambigüité se manifeste aussi dans le ballotage entre différents ministère de la tutelle de ce secteur qui a été accolé à la fonction de porte-parole du gouvernement. Aujourd’hui où, du fait du hasard, cette fonction (celle du porte-parole) a été détachée du Ministère de la Culture, de l’Artisanat et des Relations avec le Parlement, la tutelle n’a pu suivre. Le fait que ceministère ne mentionne nulle part dans son nom une référence à ce domaine illustre ces peurs. On cache la mainmise sur les médias alors même que le gouvernement à travers ce ministère joue un rôle régalien important dans la régulation de la communication audiovisuelle, dans l’encadrement de la presse écrite et dans la gestion de la publicité en Mauritanie. Il initie le processus de lancement des appels d’offres. Il accorde et retire les autorisations. Il modifie sur avis motivé de la HAPA les termes de la licence et de l’autorisation. Il exerce une tutelle sur la gestion et la répartition de la publicité. Il est membre de la commission de gestion du fonds d’aide à la presse. Il approuve les procès-verbaux des conseils d’administration des entreprises publiques
Nous ne reviendrons pas sur le développement de la presse écrite. Elle est actuellement moribonde et avec la crise que traverse l’Imprimerie Nationale, sa situation s’est empirée.
Le contrôle et ou la régulation des médias électroniques ainsi que des réseaux sociaux est une chimère que les pays disposant de plus de moyens n’ont pu réaliser.
Reste le volet le plus visible qui est la libéralisation du secteur de la communication audiovisuelle, qui a été présentée comme un acquis important vers une liberté d’expression, une diversité des opinions et dont l’objectif est d’en faire le véritable miroir de notre société dans sa diversité, dans sa richesse culturelle, politique et économique. Elle en a fait en réalité le miroir de nos contradictions et de nos incohérences. Ce secteur vit une situation confuse malgré ou peut-être à cause de l’existence de la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA).
Une régulation défaillante
La HAPA est une institution de régulation et qui a théoriquement un rôle central dans la gestion et l’animation de la presse et de la communication audiovisuelle en particulier. Elle lance les appels d’offres, évalue les dossiers et donne son avis. Elle assure le suivi des émissions et programmes. Elle fixe les cahiers des charges spécifiques à chaque catégorie d’opérateurs. La HAPA, en coordination avec l’ARE, établit et met régulièrement à jour les plans des réseaux des émetteurs de communication audiovisuelle. Elle fixe la durée de la licence et de l’autorisation et établit les cahiers de charges des opérateurs de communication audiovisuelle. Elle contrôle le respect par les opérateurs de communication audiovisuelle des clauses des cahiers de charges et des prescriptions résultant des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables. La HAPA peut restreindre ou prohiber par décision motivée la concurrence et l’accès des citoyens à des événements d’intérêt national ou public. La HAPA aurait dû être partout et elle n’a été nulle part.
Il est malheureusement constaté que cette respectable institution n’a pas joué son rôle. L’anarchie, l’illégalité dans laquelle vivent les médias audiovisuels publics et privés en disent long sur l’efficacité de la régulation du secteur. Les injonctions et rappels à l’ordre ont été rares. La HAPA n’a suspendu que deux programmes au niveau d’une télévision et d’une radio tout au long des années passées. Programmes qui, comme par hasard, selon leurs promoteurs ont pour défaut d’avoir critiqué les autorités en place. Pourtant la limite fixée par la loi a été largement dépassée dans plusieurs autres cas notamment dans la promotion des particularismes.
Autant le privé avait la bride sur le coup, autant le public était fermé. La critique de l’action du gouvernement est pratiquement absente. La HAPA n’a pas exigé la mise en œuvre de l’accord issu du premier dialogue. Cet accord organise l’accès de la majorité comme de l’opposition aux médias publics et la HAPA était censé en garantir la mise en œuvre. Il est resté lettre morte.
Excès de contrôle, excès de liberté
Il ne faut jamais oublier que le mot et l’image tuent autant sinon plus que les faux médicaments. Aussi les excès dans ce domaine peuvent entrainer une catastrophe.
L’excès constaté dans la liberté n’est pas bénéfique pour le développement de l’opinion ; au contraire il a conduit à un manque de crédibilité. Une situation qui a permis aux médias publics de continuer à être la voix de leur maitre et les privés à devenir une cacophonie où la rigueur, le professionnalisme et la déontologie sont absents. La rumeur, les circuits informels de l’information sont restés la principale source d’information.
Certes il a eu une diversité dans l’offre. Non seulement plusieurs organes sont nés dont certains affichent leur préférence politique et idéologique mais aussi, tous les courants de pensée y compris les plus considérés comme extrémistes ont pu s’exprimer d’une manière ou d’une autre à travers ces médias. Si nous observons l’ensemble du spectre offert sur l’ensemble de la période, nous pouvons constater que l’information offerte était pluraliste et reflétait la diversité des opinions. Mais si nous regardons les médias individuellement, ce constat doit être nuancé. Pour la plupart des observateurs, les médias de service public n’offrent pas des produits diversifiés et donnent la part belle au gouvernement, au parti au pouvoir, à la majorité présidentielle et une petite portion à l’opposition participante au dialogue. L’opposition dite radicale était absente. Les médias privés ont privilégié les plus offrants. Vendant leurs temps d’antenne à tous les promoteurs du particularisme tribal, ethnique et diffusant toutes les formes de publicités mensongères et excessives.
Dans le public comme dans le privé, personne ne se soucie de qui regarde quoi ou écoute quoi à quel moment, combien sont-ils à le faire et pour quelle raison ? Qu’est-ce qui les motive et qu’est-ce qu’ils pensent des programmes. Ce déficit de référence à l’audience, qu’aucune autorité ne cherche à combler, fait que le choix n’est pas encore dicté par le succès ou l’échec de tel ou tel programme. La programmation et les affectations des fonds publicitaires et du fonds d’appui à la presse se font selon des considérations subjectives favorisant la corruption et le clientélisme.
La communication politique se résume en réalité à la propagande qui domine là où le jeu démocratique aurait dû faire émerger des médias publics répondant aux principes d’universalité, de diversité, d’indépendance et de spécificité qui font la particularité et la légitimité du modèle de service public.
Au-delà de cette inféodation constante aux pouvoirs politiques et institutionnels dans le domaine de l’information, les médias publics et privés n’ont pu assurer l’accès généralisé et équitable de tous à l’information.
Un accès inégal aux médias et à l’information
En ce qui concerne la desserte du plus grand nombre des régions, elle n’est assurée que par satellite par la Télévision de Mauritanie (TDM) à travers 50 émetteurs en FM pour Radio Mauritanie pour la première chaine et ses chaines thématiques et 01émetteur en OM installé à Nouakchott. Pour la Télévision un émetteur VHF installé à Nouakchott, un émetteur UHF installé à Nouakchott, 12 relais VHF qui ne sont plus fonctionnels et .2 relais UHF installés dans quelques départements. Ce qui veut dire que la plupart du territoire n’est pas couverte par la émetteurs radio OM ou Ondes Courtes ni par la télévision terrestre analogique ou numérique. Le coût et les conditions d’accès au satellite (électricité par exemple) ne sont pas disponibles pour la majorité des populations rurales.
En ce qui concerne la décentralisation, seules des radios régionales constituant des démembrements de la Société Radio Mauritanie S.A existent. Leurs émissions se résument à des directs et des entretiens avec certains acteurs locaux.
Une gestion approximative et informelle
La transformation des médias d’Etat en médias de service public n’est pas encore effective. Ces organes n’ont pas jusqu’à présent souscrit à des cahiers de charge ni signé des contrats programmes avec l’Etat qui en théorie auraient dû servir pour fixer les subventions publiques. Pourtant la loi dispose qu’ils doivent le faire une année après sa publication. L’article 78 de la loi 2010/045 relative à la communication audiovisuelle stipule que « les services et opérateurs publics et privés qui exercent dans le domaine de la communication audiovisuelle sont tenus de se conformer aux nouvelles dispositions dans un délai maximum d’une année à compter de la date de promulgation de la présente loi ». L’article 79, quant à lui, indique que «les cahiers des charges doivent être élaborés et approuvés dans un délai maximum de dix mois à compter de la date de publication de la présente loi au Journal Officiel. « Le contrat-programme visé à l’article 50 de la présente loi est élaboré dans un délai maximum d’une année à compter de la date de publication de la présente loi au Journal Officiel ». La loi a été promulguée le 26 juillet 2010 et publiée au journal officiel n° 1223 du 15 septembre 2010. Cette date est donc dépassée depuis 2011. Depuis donc pratiquement 8 ans ces dispositions sont ignorées par les acteurs concernés.
La gouvernance du secteur est loin de suivre les normes et les procédures légales telles qu’elles sont prévues par les lois et règlements en vigueur. Les dirigeants ayant développé, dès le départ pour certains, une stratégie de contournement ou d’évitement des réformes de fond, les médias d’État n’ont pas pu poursuivre jusqu’au bout leurs mutations juridiques. Globalement, les réformes visaient à les doter d’une personnalité juridique distincte de celle de « l’État propriétaire » et à leur conférer une autonomie administrative et financière. De l’analyse des dispositifs statutaires, il ressort que l’autonomie qui est officiellement reconnue aux médias publics reste théorique, les gouvernements conservant sur eux un contrôle financier et administratif certain.
Les conseils d’administration sont des instances formelles où sont représentés plusieurs ministères avec un ou deux représentants du personnel et qui théoriquement doivent orienter, contrôler et évaluer mais qui en pratique légitiment et entérinent les propositions de la direction de ces institutions.
Les directeurs de ces organes de presse sont nommés par le gouvernement et sont révocables à tout moment par lui. Par ailleurs, les médias publics, dont les directions sont conquises par fidélité et copinage politiques, ne sont pas gérés dans un esprit d’entreprise. Les outils adéquats pour mesurer les performances et orienter les évolutions (budget, bilan, gestion de trésorerie, plan d’action ou business-plan, orientations stratégiques, tableaux de bord, etc.) sont ou bien absents et ou complètement ignorés.
La publication par les entreprises de service public d’un rapport annuel exigée par la loi 2010/045 (article n°47) sur l’état de réalisation de leurs cahiers des charges n’a jamais eu lieu parce que ces cahiers de charges n’ont jamais été signés.
Dans ce contexte de gestion approximative, la radio et la télévision sont devenues des lieux de toutes sortes d’affairisme. En réalité, les habitudes et les réflexes acquis sous les régimes mono partisans sont toujours prédominants. Pétri dans une mentalité de fonctionnaire, peu ouvert au changement, le personnel des médias publics est généralement pléthorique. Les possibilités d’évolution interne de carrière étant très limitées, la plupart des cadres des organes publics sont plus portés à chercher des soutiens politiques pour obtenir une nomination à un poste à responsabilité.
Les radios et télévision privées ont obtenu des licences et la durée de ces licences a expiré pour les dernières en 2018. Les cahiers de charges qu’elles ont signées sont d’une complexité énorme et leur respect est le dernier des soucis des dirigeants de ces entreprises.
Les propriétaires comme d’ailleurs les responsables des entreprises de l’audiovisuel privé ne comprennent rien à la communication et à l’industrie de la communication. Les ressources humaines sont recrutées sur le tas, mal formées, mal payées, sans perspective d’évolution de carrière. La formation des travailleurs du secteur y compris les dirigeants a été faite sur le tas. Les sociétés travaillent dans l’informel et la précarité
La viabilité commerciale des entreprises n’a pas été étudiée avec attention.
Les ressources sont rares. Il faut des ressources pour produire et il faut de bonnes productions pour mobiliser les ressources. Un cercle vicieux que personne ne cherche à briser.
Malgré l’existence d’un fonds d’aide à la presse privée, la qualité des services offerts par cette presse, sa crédibilité, son professionnalisme et ses valeurs d’éthique professionnelle n’ont connu aucune amélioration. Ce fonds soit dit en passant, qui vient d’être augmenté a besoin de voir son ancrage et ses critères de distributions révisés. Il y a beaucoup de subjectivité dans sa gestion.
Des programmes pauvres
Alors que la loi pose des conditions strictes en termes de quota de diffusion de productions locales sur les ondes, la pauvreté de la programmation des télévisions et radios nationales ne leur permet pas de remplir cette obligation.
Les journaux parlés et télévisés illustrent bien la prépondérance du pouvoir exécutif dans les médias publics aujourd’hui encore. Les péripéties récentes de la télévision parlementaire en témoignent éloquemment. L’actualité événementielle ne semble pas toujours commander la hiérarchie de l’information du journal qui commence le plus souvent par le courrier du Chef de l’Etat et suit un ordre protocolaire strict.
Les médias publics, dépourvus de moyens adéquats, peinent à offrir aux spectateurs une programmation de fictions qui permette aux citoyens de retrouver les images de leurs sociétés.
L’offre des programmes a changé avec la mise en œuvre des dispositions de la loi 2010/045 sous l’effet de la concurrence. Elle a connu une diversité au début de la mise en œuvre de la réforme et s’est rétrécie de plus en plus pour finir par être quasiment la même. Des programmes rediffusés et des débats et interviews en direct. La production est quasi inexistante. Pas de fiction, peu de documentaires et de reportages.
La promotion de la création artistique mauritanienne et de la production audiovisuelle nationale a connu elle aussi des hauts et des bas. Des progrès timides ont été réalisés avec le démarrage des nouveaux médias explorant des contrés et sites à l’intérieur du pays. Certaines productions ont mis en valeur des traditions, d’autres ont retracé la vie de certains hommes illustres. Nous avons découvert de nouveaux talents et de nouvelles richesses culturelles longtemps enfouies à l’intérieur du pays. Cependant cet enthousiasme s’est vite estompé. Les programmes sont revenus rapidement au degré zéro. Rediffusion et diffusion des activités sponsorisées de certains acteurs politiques soucieux de montrer leur fidélité au Président.
La situation des médias privés n’est pas loin de celle des médias publics. Elle est même pire dans la mesure où la gestion est informelle. Un personnel privé de tous ses droits. Une programmation aléatoire soumise au plus offrant.
La présence des langues nationales et des cultures locales sont restées en deçà de ce qui est recommandé par la loi.
Les chaines thématiques sont squelettiques et ne font le plus souvent que reprendre les programmes de la maison mère.
Il faut ici souligner que nous vivons sous le règne de la mondialisation. Le seul créneau que nous pouvons occuper est celui de la promotion du local. Ce local doit être présenté d’une manière lisible au reste du monde qui a besoin de nous connaitre. La maitrise des techniques audiovisuelles est indispensable pour que les autres puissent nous lire et nous comprendre. Pour cela nous devons avoir des techniciens bien formés et compétents.
L’encouragement de l’accès des personnes malentendantes aux programmes diffusés est quasi inexistant. Il y eut des tentatives au journal télévisé de la télévision El Mouritania pendant une certaine période. Après un long arrêt El Mouritania a repris cette pratique ces derniers temps.
Un manque de vision et de stratégie
Il y a un manque de vision et de stratégies cohérentes et concertées. Où s’arrête la liberté d’expression ? Que ne peut-on dire ? Quel rôle pour l’exécutif ? Avons-nous besoin d’un service public ? Si oui comment lui assurer la crédibilité, la pérennité et le rendre accessible à tous ?
Le secteur des médias de masse est très sensible car il exprime l’image du pays, légitime ses choix et exacerbe quand il n’est pas régulé ses contractions. Il unit mais aussi il désunit.
Il faut donc concevoir un rôle consensuel à ce secteur et lui élaborer un plan de développement pour qu’il accompagne et soutienne le développement de notre démocratie. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’un débat inclusif pour répondre aux questions fondamentales qui déterminent l’avenir de cet important domaine de la vie politique économique et social de notre pays.
De la réponse dépendra le choix du cadre institutionnel, sera-t-il une institution de régulation ou un organe exécutif assurant et la régulation et la tutelle des entreprises publiques qui interviennent dans ce domaine ? Dans tous les cas il faut un cadre qui assure la cohérence et l’harmonie des apports de tous les acteurs.
Il est indispensable de mener un audit approfondi pour mieux cerner les forces et faiblesses de ce secteur et proposer les réformes concrètes indispensables
Nous avons vu que le cadre juridique est complet et est parfois compliqué. Nous avons vu aussi que malheureusement la plupart de ses dispositions sont restées lettres mortes. Il s’agit de l’appliquer oude le modifier tout simplement pour l’adapter aux réalités.
En attendant, il faut revoir le mode de désignation des membres de la HAPA et l’ouvrir aux représentants de l’opposition et de la société civile. Il faut clarifier son rôle et réviser ses règles de fonctionnement.
Les ressources humaines doivent bénéficier d’un statut qui assure des perspectives de carrière et des conditions de travail décentes. Les formations de bases et continues adéquates doivent être garanties pour donner aux ressources humaines plus de compétence.
Un mécanisme pour encourager la production audiovisuelle nationale doit être créé. Ce mécanisme peut prendre la forme d’un fonds.
Enfin il est impératif avec l’augmentation du fonds d’aide à la presse privée et la mise en œuvre de la loi sur la publicité de développer des outils de suivi des audiences et des impacts pour définir des critères objectifs et équitables de distribution.
Enfin comme le dit le proverbe Perse « Bien penser est sage. Bien planifier est plus sage. Bien agir est le plus sage et le mieux de tout. »
Décembre 2019
*Ecrivain journaliste à la retraite