Nous voulons partager avec nos lecteurs un échange, qui nous paraît intéressant, entre un groupe d'amis autour de Sidi Mohamed Ould Boubacar. Il s'agit évidement d'un échange à caractère privé, qui nous est parvenu à titre personnel. Mais nous n’avons pu résister à la tentation de le partager, vu son acuité et la portée de la réflexion qui s'y dégage.
A Mohamed Ould Maaouya
Je suis absent de Nouakchott et la connexion me fait des siennes de sorte que je n'ai pu suivre les échanges du groupe en temps réel, d'où cette réaction un peu tardive que je vais commencer d'emblée en te remerciant de l'effort que tu as fourni pour me tenir informé, à chaud, du sort de Boydiel qui a été scellé par décision du Chef de l'État. Faut-il voir dans cette décision une marque d'erreur de perspective qui pourrait bien nous ramener en arrière, à un passé toujours présent et qui n'en finit pas encore de nous rendre plus perplexes ? Ou alors s'agit-il de balbutiement des débuts, de tâtonnement du novice, de tranquille fermeté ? Il vaut mieux, crois-je, attendre de voir plus clair avant de se prononcer. En revanche, tu as soulevé une question centrale, aussi importante que déterminante dans ce qui apparaît comme un nouveau procédé de fonctionnement du gouvernement, c'est la responsabilisation des ministres en tant que volonté ou option politique affirmée dès la premier réunion du conseil des ministres. Ce faisant, tu as évoqué les préalables devant assurer la réussite de cette option, en insistant sur celui qui n'est pas des moindres, je veux parler du système Rachad dont le fonctionnement est centralisé jusqu'au plus haut niveau, avec parfois des obstacles volontaires et tout simplement insurmontables, après que les budgets sectoriels aient été pourtant validés en arbitrage et approuvés en conseil des ministres avant de faire objet de Loi du pouvoir législatif. C'est dire que les plans d'actions à eux seuls ne suffisent pas, il faut aussi que les ministres disposent en temps voulus des ressources qui leur sont allouées. Or l'exécution physique de leurs programmes est souvent freinée par l'absence de moyens financiers qui résulte de ce fonctionnement parcimonieux et irrégulier de Rachad. Mais quand bien même lesdits préalables auraient été accomplis, l'autre question pour moi se trouve ailleurs, elle tient plus de la conception au niveau de la tête de l'État qu'au niveau de l'exécution du gouvernement, c'est une question de méthode et de comportement réfléchis : on le sait, l'improvisation et les réactions intempestives n'ont pas de place à la tête d'un État qui se veut démocratique et de droit, elles peuvent marcher pendant quelques temps en dictature où l'exercice du pouvoir n'exige aucune qualité exceptionnelle mais pas en régime démocratique Soyons plus précis : si le but de cette option politique est d'instaurer une forme de décentralisation du fonctionnement de l'Etat ou de la gouvernance des affaires publiques, alors il faudrait fixer les règles de cette option et à l'intérieur de ces règles les limites de sa liberté. Encore que cela suppose une posture inédite du président de la République qui pourrait se concevoir sous une forme de pilotage stratégique, laissant au premier ministre ce qui pourrait se définir comme un pilotage opérationnel de communication et d'animation de l'équipe gouvernementale. Le postulat de base de la posture du président de la République consisterait à faire partager ses valeurs en matière de gouvernance, sa vision d'avenir et ses ambitions pour le pays ; ceci en véhiculant un discours convaincant et en faisant montre d'un comportement économique irréprochable, à destination de son entourage immédiat d'abord et de l'équipe gouvernementale ensuite. Tel est l'état d'esprit qui devrait être le sien, la seule posture qui pourrait inspirer confiance et emporter l'adhésion, seule capable de le hisser en haut et de le transformer en porteur d'espoirs. Cette posture de pilotage stratégique du président devrait donc (i) fixer clairement les objectifs prioritaires de réalisation économiques et sociales ; (ii) arrêter les orientations stratégiques de l'État (telles que la consolidation des acquis de la démocratie et leur extension par le biais de nouveaux mécanismes politiques devant améliorer le dialogue national avec les partis politiques, tout en se mettant si possible au dessus de la mêlée) ; (iii) faire appel aux expériences et compétences de tout bord, y compris les cadres de l'opposition à condition qu'ils puissent conserver leur identité politique pour ne pas affaiblir leurs partis et éviter de tomber dans la funeste combinaison politique qui déboucherait sur un parti unique ou parti-État cher aux dictateurs et contraire à l'essence même de la démocratie. Dans notre contexte économique et politique, c'est une urgence en effet que de s'occuper à rechercher uniquement les voies et moyens les plus efficaces pour sortir nos populations de la pauvreté et le pays du sous-développement. On sait cependant que dans les rangs de l'UPR, cette démarche de faire appel à toutes les énergies créatrices, sans distinction d'appartenance politique, serait d'apparence difficile à digérer, notamment parmi ses dirigeants qui "applaudissent" avec beaucoup de bruits et dont la seule compétence se résumé aux approbations aveugles et sans discernement. Mais on sait aussi qu'ils n'auraient nullement besoin d'explication ni de sensibilisation, car leurs ressources dialectiques et leur capacité d'adaptation sont beaucoup plus ingénieuses qu'on ne l'imagine...
Ahmedou Ould Moustapha
Réponse de Mohamed Ould Maaouya
Ahmedou, je me félicite quelque part d'avoir pu éveiller chez toi cette faculté d'analyse difficilement extorquable d'un connaisseur comme toi du fonctionnement de l'Etat dans toute sa dimension institutionnelle mais aussi économique. J’adhère entièrement à cette approche fonctionnelle visant à améliorer le processus décisionnel mais aussi donner davantage de chance à la perfection de l'action des gouvernants.