La population mauritanienne est confrontée à des problématiques diverses : pauvreté, sécheresse, crises sociales, insuffisance des ressources alimentaires, surtout. Ces soucis ont poussé l’Etat mauritanien à ouvrir la porte à des partenaires et bailleurs pour assister les gens, mettant en œuvre des programmes adaptés au cas par cas. Ces partenaires ont certes la volonté d’améliorer la situation et d’aider l’Etat mais la mise en œuvre de ces programmes trébuche souvent et celafait débat au sein de la Société civile locale. Les procédures de mise en place et d’exécution ne lui permettent pas de jouer pleinement son rôle d’acteur incontournable, réputé proche de la population, seul capable d’assurer une aide efficace à l’atteinte des objectifs visés par l’Etat, son gouvernement et les partenaires.
Pour justifier leur mobilisation, à un coût exorbitant, d’OSC occidentales, les coopérations des pays européens arguent d’une incompétence avérée des OSC locales ou de divergences entre celles-ci.Au lieu d’allouer ces importantes sommes à la formation et la promotion de la Société civile mauritanienne, les organismes européens préfèrent dépenser cet argent en faveur de leurs OSC qui n’ont pas l’expérience requise pour comprendre le contexte local, d’une part, et, d’autre part, ne peuvent élargir leur champ d’applications, ni en termes de compétence ni en termes de zone géographique, le plus souvent limitée à Nouakchott.
Du coup, la situation des populations de la capitale est nettement plus favorable que celle des citoyens en région, de Néma à Zouérate, de Nouadhibou à Rosso. L’échec des missions attribuées, par les partenaires, aux OSC étrangères est patent et dûment relevé par tous les observateurs nationaux et internationaux. Maintes fois évoqué par les acteurs et activistes de la Société civile, le constat prouve un réel dysfonctionnement et soulève un handicap sérieux dans la réalisation des objectifs visés par les programmes, aussi bien de l’Union Européenne que des pays comme la France, l’Allemagne, la Belgique ou l’Espagne ayant pignon de coopération en Mauritanie.
Les discussions autour du sujet entre OSC locales et étrangères, les plateformes de débat et les ateliers mis en place par les partenaires signalent une divergence quasi-permanente entre les partenaires et leurs interlocuteurs de la Société civile. S’y ajoutent les différents rapports de missions à l’étranger et comptes-rendus de réunion, tables-rondes, conférences et journées qui laissent tous transparaître un sérieux mécontentement de la Société civile vis-à-vis des partenaires, surtout lié à la faiblesse de l’Etat mauritanien, pourtant principal bénéficiaire de la bonne exécution des programmes et principal gestionnaire des fonds alloués aux programmes visant les populations.
Les organisations internationales et les coopérations-pays ne jouent pas efficacement leur rôle, non pas intentionnellement mais par le nombre limité de leurs zones d’intervention et la faiblesse des moyens alloués, eu égard au poids financier exorbitant des consultants internationaux sur l’exécution des programmes. L’Etat mauritanien est conscient de cette réalité mais force est de constater qu’il ne réagit pas. Pour de multiples raisons dont, essentiellement, le manque de législation solide assurant le bon fonctionnement de la Société civile locale et l’absence d’un répertoire national des OSC actives et pérennes, facilitant leur sélection en fonction des domaines d’intervention et de l’expérience acquise.
Il est également vrai que la manière dont les partenaires traitent la Mauritanie diffère de celle avec laquelle ils traitent ses voisins, notamment le Sénégal et le Mali. Ce n’est plus acceptable, notre pays avance sur tous les plans, notamment en celui de la Société civile. Une part importante de celle-ci réclame justice face à ce regard décevant des partenaires et à la négligence manifeste de l’Etat mauritanien. Son rôle et de sa contribution doivent être notablement valorisés. Sera-ce une priorité du nouveau régime, notamment dans les directives assignées au Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la Société civile ? La plupart des activistes de celle-ci sont optimistes. Les partenaires, quant à eux, se défendent des accusations portées à leur encontre par l’immense vague d’indignation mais les chiffres n’en sont prouvent pas moins l’importance de la part de leurs dotations budgétaires consacrées aux prestations fournies, sans impact visible sur la vie des citoyens, par les consultants internationaux.
Pour terminer, je m’adresse à son Excellence monsieur le président de la République, Mohamed Mohamed Ould Cheikh El Ghazwani, en le priant de prendre les dispositions garantissant, aux populations, plein profit de l’aide qui leur est adressée par les partenaires au développement et les coopérations des pays frères et amis du Monde entier. Je l’invite aussi à orienter la politique du gouvernement vers une collaboration constructive avec la Société civile en lui permettant de pleinement jouer son rôle, pour l’intérêt aussi bien de l’Etat que des populations. Des dispositions sans lesquelles le pays devra encore attendre avant de connaître un vrai développement durable.
Maître Mohamed Vadel El Hady
Expert judiciaire et activiste de la Société civile