Monsieur le Président,
La famille du défunt s’apprêtait à écrire au chef de l’Etat sortant à la lumière de faits nouveaux apportés par les frères du disparu. Mais elle a décidé de surseoir à cette démarche en raison de la campagne présidentielle qui a occupé, plusieurs mois durant, tout le microcosme politique. Cette consultation électorale terminée, elle s’adresse, aujourd’hui, à vous.
Monsieur le Président,
Voilà, déjà, plus de deux ans qu'une chape de plomb recouvre les circonstances de la mort, pour le moins mystérieuse, du docteur Cheikh Ould Hormatallah. A ce sujet, deux thèses, diamétralement opposées, s'affrontent. Pour la police et le parquet, l'intéressé s'est suicidé. En revanche, pour les témoins de la scène du crime, pour les médecins et pour le bon sens le plus élémentaire, il a été assassiné.
Les tenants de la première thèse font, curieusement, abstraction de faits matériels irréfutables qui, pourtant, infirment, sans l'ombre d'un doute, le suicide. Et pour cause! "L'enquête" a été exclusivement menée à charge.
Cette enquête – si enquête il y a eu – a été conduite sur fond d'approximations, de contre-vérités, d'incohérence et d'affirmations gratuites. Cette enquête a commencé et s'est arrêtée sur un préjugé, une idée fixe : l'intéressé s'est suicidé. Tout ce qui ne corrobore pas cette hypothèse – que dis-je, cette "certitude" – a été écarté.
Une enquête qui a commencé et s'est arrêtée sur une idée fixe: l'intéressé s'est suicidé
Ce que les témoins ont vu ou entendu ne rentre pas en ligne de compte. Les constats les plus élémentaires:
* La position du corps;
* L'emplacement de l'impact de la balle dans la partie gauche de l'os occipital;
* L'emplacement de l'impact de l'objet contondant qui a poignardé l'oreille droite;
* L'absence de sang sous le corps et sur les habits du défunt;
* L'examen des gouttes de sang trouvées à proximité du corps – gouttes écrasées sur le sol et éparpillées qui montrent que le disparu a été transporté et déposé sur place;
* Le pistolet enfoui dans les plis du pantalon;
* les empreintes digitales soigneusement effacées sur la petite arme;
* Un chargement de sable, déversé par un camion, sur l'emplacement du corps, quelques heures seulement après l'assassinat;
* Les suspects au signalement très précis qui n'ont fait l'objet d'aucun avis de recherche;
* La voiture Avensis grise, sans plaques d'immatriculation, aperçue sur les lieux;
* Les échantillons prélevés pour être analysés à l'étranger qui ont pourri sur place sans jamais quitter l'hôpital;
* L'exéquatur (jugement) que le défunt devait faire exécuter en France et pour lequel il avait sollicité un visa auprès des services consulaires français à Nouakchott et ce, tout juste, deux semaines avant sa mort;
* Les requêtes insistantes faites par la famille auprès du parquet pour exhumer cet exéquatur qui doit se trouver au ministère de la justice sont restées, jusqu’à ce jour, sans suite ;
* Le témoignage capital d'un témoin (avocat et ancien ambassadeur) qui a entendu les propos tenus par le disparu au préposé des visas à l'ambassade de France au sujet de cet exéquatur. Ce témoin que la police n'a jamais voulu entendre malgré les relances répétées de la famille auprès de celle-ci et du parquet;
* L’explication pour le moins surprenante de la police, arguant qu’elle n’a pas trouvé ce témoin alors que la famille lui a fourni son numéro de téléphone et son adresse ;
* La santé mentale "défaillante" du défunt qui, pourtant, n'a jamais fait l'objet d'aucune suspicion de la part de sa famille ou de son entourage professionnel,…Tout cela doit être jeté par-dessus bord.
Des "preuves" qui sont un déni du déroulé réel des faits
Pour arriver à cette conclusion pour le moins surprenante du suicide, les enquêteurs ont, sans doute, estimé que leur appréciation de trois éléments à savoir l'usage du pistolet du défunt, l'autopsie et la santé mentale du disparu constituaient des "preuves" suffisantes pour conclure à un acte suicidaire.
Ainsi, ces trois éléments ont été jugés, à tort, comme autant d'"éléments probants" pour étayer ce constat pour le moins hâtif du "suicide".
Il est vrai qu’en mettant en exergue les trois éléments précités et en les détachant de leur contexte, tout un chacun qui ignore les différentes parties du puzzle, aurait abouti à la même conclusion.
Mais là où le bât blesse, c'est qu'aucune de ces trois affirmations des autorités concernées (police et parquet) ne tient la route. Pire, elles ne sont, ni plus ni moins, qu'un déni du déroulé réel des faits.
Pour bien s'en rendre compte, passons, brièvement, en revue, l'une après l'autre, ces trois affirmations:
- L'usage du pistolet
Ce petit pistolet a été découvert dans le pantalon du disparu au moment où le médecin de garde à l'hôpital national procédait à l'examen du corps. Les empreintes digitales sur l'arme avaient été soigneusement effacées. Seules les empreintes du député de Tichit qui a transporté le défunt aux urgences ont été retrouvées. En voyant la petite arme tomber de la table d'examen, le parlementaire a eu la présence d'esprit de prendre celle-ci par le bout du canon. On conviendra facilement qu'en se tirant une balle dans le cerveau – sans parler d'une oreille droite poignardée -, le disparu ne pouvait plus effacer les empreintes digitales de son arme et la ranger méticuleusement dans son pantalon. Soutenir le contraire relève d'une simple vue de l'esprit.
- L'autopsie
L'un des médecins qui procédaient à cette autopsie a eu ces mots sous forme de boutade: "Un homme rasé d'aussi près ne peut pas s'être suicidé. Il faut chercher ailleurs la raison de sa mort". Au cours de cette macabre opération, les toubibs présents dans le bloc sont tombés d'accord sur le fait qu'il s'agit d'un acte criminel. Parmi cette équipe qui a procédé à l'autopsie, il y avait un médecin, cousin du défunt, qui représentait la famille.
Un médecin neurochirurgien, qui était à l'hôpital et qui a vu le scanner a conclu, sans l'ombre d'une hésitation: "Il s'agit d'une exécution".
Un autre médecin qui se trouvait, lui aussi, sur place a jeté un coup d'œil sur la conclusion du rapport du légiste. Il a pu lire écrit, noir sur blanc, la mention suivante: "فعـل فـاعــل". Cette expression consacrée désigne un acte criminel. Ce médecin se dit prêt à témoigner et ce quelles qu'en soient les conséquences. La famille a donné le nom et le numéro de téléphone de ce praticien à la police, mais plus de deux ans après, ce témoin n'a toujours pas été convoqué pour faire sa déposition.
Est-ce que le rapport de l'autopsie a été par la suite "revu et corrigé" pour qu'il soit plus nuancé et moins catégorique? Dieu seul puis les enquêteurs le savent…
- La santé mentale du défunt
La santé mentale du disparu n'a jamais été pour lui, pour sa famille, ses amis et son entourage professionnel, l'objet d'aucune suspicion. Nous disons bien aucune.
Mais comme la question se pose et qu'elle devient, pour certains, un élément constitutif du "suicide", alors abordons-la.
Le défunt a subi en Tunisie une importante opération chirurgicale en rapport avec une hernie. Depuis son retour de Tunisie, il s'est aperçu que les séquelles de cet acte chirurgical n'ont pas disparu et que, au contraire, elles l'ont un peu affaibli sur fond d'un état pré-diabétique. Il en souffrait. Il n'arrivait plus à dormir que trois ou quatre heures par nuit. Pour l'aider à trouver un sommeil profond, il a continué à prendre, comme il le faisait, déjà, depuis trente-cinq ans, alors qu'il était encore étudiant en France, des "tranquillisants’’. Il faut bien noter qu'il s'agissait bien de combattre non pas un stress psychiatrique mais bien d’un problème physique. Comme il s'est aperçu que le dosage qu'il prenait d'habitude n'avait plus beaucoup d'effet, il se rendait, parfois, chez le docteur Dia pour son ajustement ou pour la prescription d'un médicament de substitution.
Ses rares visites chez ce médecin ont apparemment, contribué à transformer un assassinat en suicide: car les deux fameux éléments étaient réunis: la balle du petit pistolet et le docteur Dia. Que cherche-t-on de plus? En somme, il s'agit bien d'un acte de démence. Car en Mauritanie, consulter le docteur Dia, est souvent, pour ne pas dire toujours, associé à un état de démence.
Ce qu'on ne sait pas, en revanche, c'est que le disparu appartenait à l'ancienne école où les gens ne voulaient être consultés que par des praticiens qui ont pignon sur rue avec l'expérience et les compétences requises. Ils s'accommodaient difficilement des jeunes médecins frais émoulus.
Face au stress de la vie de tous les jours, nombre de mauritaniens prennent, quotidiennement, des tranquillisants, (antidépresseurs, anti-anxiolytiques). Selon les statistiques, le pourcentage des français qui font usage de ce genre de médicaments est de 45% de la population. C'est dire que la prise de ces tranquillisants n'a rien à voir avec la psychiatrie.
La lucidité du défunt était totale et ses facultés de discernement intactes. Totalement intactes.
D'ailleurs, il suffisait d'observer son comportement au quotidien, d'interroger sa famille, ses étudiants, ses collègues et toutes les personnes qu'il fréquentait pour s'en rendre compte. La veille de son assassinat, il donnait, non seulement, le plus normalement du monde, son cours à la Faculté de droit, mais en plus, il prolongea celui-ci d'une heure supplémentaire pour rattraper un cours perdu.
Mieux encore, il venait d'accepter une responsabilité qu'il a toujours refusée: la supervision d'un troisième cycle en droit (master). Le jour de son assassinat, il avait un programme chargé: rendez-vous avec des amis, avec des librairies… Tout cela pourra, facilement, être vérifié et recoupé. C'est dire que le suicide n'était pas, loin s'en faut, à l'ordre du jour.
Les faits et indices, eux, ne se sont pas "suicidés" et ils sont parlants
Nonobstant tous les arguments probants développés plus haut et qui infirment, totalement, la thèse du suicide et si la police et le parquet maintiennent, pour des raisons qu'on ignore, cette affirmation que le bon sens le plus élémentaire récuse, alors nous répondrons: qu'à cela ne tienne!
Supposons – simple hypothèse de travail – que l'intéressé s'est suicidé. Mais les faits et autres indices matériels, eux, ne se sont pas "suicidés". Ils sont là et ils sont parlants. La position du corps, l'absence de flaques de sang sur la scène du crime, le pistolet rangé dans le pantalon, les empreintes digitales soigneusement effacées, etc., etc.
Ces indices sont des objets inanimés, par définition "neutres" qui ne peuvent pas interférer dans le déroulé des faits. Qu'il s'agisse d'un suicide, d'un meurtre ou d'un assassinat, ils restent incontournables pour expliquer la réalité de ce qui s'est passé. Dans toute mort, de surcroît violente, ils restent des éléments indispensables pour reconstituer le puzzle. Une fois de plus, ce sont eux qui livreront aux limiers de la police scientifique et technique les secrets du drame.
Ainsi si d'aventure, cent psychiatres venaient à certifier par écrit, qu'une personne est dans un état dépressif aigu et qu'elle est sur le point de mettre fin à ses jours, il n'en demeure pas moins que seuls les indices concordants relevés sur la scène du crime ou sur le corps pourront confirmer ou infirmer la véracité d’une telle affirmation.
Dans le cas qui nous intéresse ici, prenons un exemple, parmi tant d'autres: comment peut-on accréditer un seul instant le fait que le défunt se soit tiré une balle dans la tête, se soit poignardé l'oreille par un objet contondant provoquant une sévère hémorragie, puis soit revenu à la vie pour effacer ses empreintes digitales de l'arme puis la ranger soigneusement dans son pantalon?
Si tel avait été le cas, le pistolet aurait été automatiquement éjecté de la main et la victime serait tombée sur le sol de façon désordonnée et certainement pas retrouvée couchée, "gracieusement" sur le dos, les pans du boubou bien repliés et les mains croisées sur la poitrine.
Il n'y a pas de maladie sans symptômes
Pas de méprise. Au-delà des médicaments, le seul critère d'évaluation de la santé mentale du défunt est son comportement, au quotidien, à la veille du drame. C'est là le seul critère fiable, vérifiable et incontestable de nature à couper court à toutes les supputations et autres extrapolations.
Un médecin peut dire une chose. Un autre, une autre. La famille peut avoir un avis différent. Tout cela reste subjectif s'il n'est pas dûment constaté, dans la réalité, par des faits concrets.
Ainsi, si quelqu'un veut se suicider, cela doit se refléter dans son comportement de tous les jours. Il n'y a pas de feu sans fumée, comme il n'y a pas de maladie sans symptômes. Or, pour la famille, les amis, les étudiants, et l'entourage professionnel du disparu, ce comportement, au quotidien, était, une fois de plus, parfaitement normal
Le jeudi, soit quelques heures avant sa mort, intervenue le vendredi à l'aube, le disparu donnait son cours magistral à la Faculté de droit.
Voici, à ce sujet, le témoignage, sous forme d'une attestation officielle, signée et cachetée, du doyen de cette faculté. L'original de ce document a été remis, contre décharge, à la police (TVZ2). On peut y lire: "Je soussigné, Monsieur Mokhtar FAll Mouhamedou, atteste que feu le professeur Cheikh Hormatallah a dispensé la veille de son décès son cours normalement dans la période requise. Il a en plus ajouté une heure supplémentaire à son dernier cours. Aucune attitude ou comportement anormal n'a été remarqué par l'administration.
Cette attestation est délivrée à la demande de la famille".
Pour sa part, madame Muriel Siegenfuhn, directrice de la GEU / L'ACADEMIE (université privée) où le défunt dispensait, en tant que vacataire, des cours de droit, écrit, dans une attestation également remise à la police (TVZ2):
"J'atteste qu'à la veille du décès de M. Hormatallah, celui-ci est venu faire cours au sein de l'établissement que je dirige, tout à fait normalement. Aucune attitude ni parole échangée ne sont sorties de l'ordinaire".
Signature et cachet de l'établissement.
La famille du défunt a remis un autre document à la police (TVZ2). Il s'agit de la déposition qui suit:
"Je soussigné, Mohamed Abdallahi Daddah, ami et promotionnaire de feu Cheikh Ould Hormatallah, atteste par la présente, que j'ai convenu avec le défunt, sur sa demande, à la veille de sa mort, de rendre visite ensemble, à un vieil ami commun monsieur Moussa Ould Cheikh Sidiya. Ce rendez-vous a été fixé pour samedi soir, soit le lendemain de son décès intervenu le vendredi à l'aube".
Il faut noter que monsieur Ould Daddah s'est rendu au commissariat TVZ1 pour la légalisation de sa signature. Mais curieusement, le commissaire lui a répondu que cela n'est pas du ressort de la police et qu'il faut s'adresser à un notaire. Ce qu'il finit par faire.
La même réponse a été faite, auparavant, par le commissaire du Ksar1 à un frère du défunt qui s'est présenté avec maître Cheikh Ould Baha qui désirait, lui aussi, légaliser sa signature concernant son témoignage au sujet des propos tenus, devant lui, par le disparu au service des visas de l'ambassade de France à Nouakchott.
A croire que le mot d'ordre est de ne pas se mêler à tout ce qui touche cette affaire. Pourtant, il est de notoriété publique que l'autorité qui légalise un document n'a rien à voir avec son contenu. Son rôle consiste simplement à s'assurer que la personne qui se présente devant elle est bien l'auteur de la signature en question.
Des témoins qui ne se sont pas laissé abuser par la thèse du "suicide"
Plusieurs témoins de la scène du drame ne se sont pas laissé abuser par ces affirmations sur "le suicide" de l'intéressé. On peut en citer, entre autres :
* Bouya Ahmed Ould Chrif, député de Tichit qui fut l'un des tous premiers à découvrir le corps et à le transporter à l'hôpital, déclara, publiquement, devant plusieurs témoins: "Cet homme a été assassiné! Il serait impardonnable de coller à sa mémoire cette infamie du suicide. Personnellement, et quelles qu'en soient les conséquences, je le proclamerai haut et fort!"
* Dahane Ould Ahmed Mahmoud, ancien ministre des Affaires Etrangères, homme posé qui n'a pas l'habitude de parler à la légère et qui fut, lui aussi, l'un des premiers prieurs à découvrir le corps, dira devant témoins: je suis personnellement, convaincu de 3 choses:
* "L'intéressé ne s'est pas suicidé;
* Il n'a pas été tué devant la mosquée;
* Son pistolet n'est pas la cause de sa mort!"
Après avoir "hiberné" pendant plus de deux ans, l'enquête a été réactivée
Après avoir "hiberné" pendant plus de deux ans, l'enquête a été réactivée récemment à la lumière de faits nouveaux apportés par la famille du disparu.
Parmi ces faits nouveaux, un témoignage, pour le moins troublant, recueilli par un inspecteur d'une société d'État qui a pris en auto-stop trois femmes, visiblement, des étrangères qui parlaient un hassania avec un accent très prononcé, dont l'une, assise à côté du chauffeur, de teint clair, avait le visage et les bras fortement pigmentés de points noirs, des marques, probablement, dues aux séquelles d'une maladie dermique. Il a entendu l'une d'elles parler d'un trafiquant de drogue qui serait impliqué dans "l'assassinat de l'avocat des Oulad Ebeïri".
Le père de ce trafiquant aurait demandé à un membre du gouvernement d’intervenir pour la libération de son fils…
Le fonctionnaire en question se dit sûr et certain de reconnaître les trois femmes dont l'une porte des marques saillantes. Par ailleurs, il dit savoir l'endroit précis où il les embarquées et l'endroit où il les a déposées. Ce fonctionnaire se dit prêt à faire une déposition en bonne et du forme.
Doit-on rappeler, qu'au-delà des apparences, la piste mafieuse n'est pas, jusqu'à preuve du contraire, la seule qui doit être privilégiée. Même si elle semble la plus plausible. D'autres pistes pourront, éventuellement, être explorées, pour élucider les circonstances de cet horrible assassinat. Le tout est de prendre cette affaire à bras le corps et de lui consacrer les moyens et le temps nécessaires. Sans préjugés.
Le scanner montre clairement que le défunt a été assassiné
En résumé et comme le montrent les développements qui précèdent, les multiples indices que la police scientifique et technique est censée avoir récupéré sur la scène du crime et sur le corps, les témoignages parfaitement clairs et concordants des personnes qui se trouvaient sur le lieu du drame, l'enquête de proximité, tout cela écarte, une fois de plus, la thèse du suicide.
Mieux encore, la lecture du scanner du crâne du défunt est on ne peut plus parlant.
D'après ce scanner, le disparu a été victime de deux agressions bien distinctes. L'une au niveau de la nuque (os occipital gauche), causée par une balle, l'autre au niveau de l'oreille droite causée par un objet pointu.
Les médecins excluent totalement tout rapport entre la trajectoire de la balle et la profonde blessure de l'oreille droite. Pour eux, il s'agit de deux impacts qui n'ont rien à voir, l'un avec l'autre.
Ce constat implique deux choses:
1. Soit le défunt s'est tiré une balle dans la tête puis s'est poignardé l'oreille, soit il s'est poignardé l'oreille puis s'est tiré une balle dans la tête. Dans un cas comme dans l'autre, cela reste, totalement, invraisemblable.
2. Le scénario le plus plausible est que le ou les assassins sont les auteurs de ces deux agressions.
Nota bene
Plutôt que de reproduire ici les clichés du scanner, que le commun des mortels aura du mal à lire, nous avons demandé à un médecin spécialiste, expert agréé auprès des tribunaux, de représenter sur des croquis les principales informations qui figurent sur ce scanner. Pour cet expert la thèse du suicide est exclue.
Il est à noter que les annotations anatomiques sur ces croquis ne sont pas écrites en français.
Figure I
1. La croix, au niveau de la nuque (os occipital gauche), indique l’emplacement de l’impact de la balle.
2. La croix, au niveau de l’oreille droite indique l’emplacement de l’impact causé par l’objet pointu qui a poignardé cette oreille.
Figure II
Ce croquis montre la trajectoire de la balle. Point d’impact la nuque (os occipital gauche). Puis, la balle est venue se loger dans la partie gauche du cerveau.
Remarques:
Un médecin, orthopédiste et traumatologue a affirmé que le tir qui a traversé l'os occipital gauche pour venir se loger dans la partie correspondante du cerveau est parti, selon toute vraisemblance, de la main d'un gaucher. Or, le défunt, lui, était droitier.
Par ailleurs, il est à préciser que pour la police, le coup de feu a été tiré à "bout portant", ce qui explique les cheveux brûlés autour de l'impact de la balle. Pour mémoire, s'agissant du "bout touchant", l'arme est, soit collée à la cible ou, tout au plus, située à 2 cm de celle-ci.
En revanche, pour le tir à "bout portant" (le cas qui nous intéresse), l'arme est distante de 20 cm environ de la cible.
Si on met bout à bout les 20 cm du "bout portant", plus les15 cm environ (longueur du pistolet), on a 35 cm. Ajouter à ces 35cm, la longueur du bras et essayer de viser l'os occipital gauche de la nuque. Il s'agit d'une contorsion quasi impossible à exécuter, surtout pour un homme âgé et affaibli par les séquelles d'une opération chirurgicale.
Même l'acrobate le plus agile aura du mal à réussir ce tour de force. Dans une telle position, on tirera au jugé. La balle pourra venir se loger dans le cou, la tête ou le haut de la poitrine ou même se perdre en l'air sans atteindre la cible. Pourquoi le défunt se serait-il livré à un exercice aussi compliqué alors que le moyen le plus rapide et le plus sûr aurait été de se tirer une balle dans la tempe ou la bouche?
Enfin, il faut souligner que le jour du drame, un médecin a entendu, à l'hôpital, un commissaire de police, accompagné d'un substitut du procureur dire, au pied levé: "c'est un suicide". Un toubib a rétorqué timidement: "Ce n'est pas ce que dit le scanner".
Mais qu'importe! Le commissaire a parlé. Le couperet est tombé: c'est un suicide. Circulez, il n'y a rien à voir…
La seule conclusion qu'on peut tirer de tout cela, est qu'on aurait infligé au disparu, à titre posthume, une double peine: la non arrestation de son ou de ses assassins et une souillure de sa mémoire, en lui collant, injustement, cette infamie de suicide.
Est-il besoin de rappeler que la famille du défunt reste traumatisée par cette angoissante attente devant ce mur implacable qui cache la vérité sur les tenants et aboutissants de cet assassinat ?
L’ultime recours qui reste à cette famille est de s’adresser, directement, par la présente, au Président de la République pour lui demander de bien vouloir donner ses hautes instructions pour reprendre cette enquête à la lumière des faits et indices probants qui ont été passés, délibérément, sous silence. Car toute enquête objective devra, naturellement, avoir pour seul ressort la manifestation de la vérité.
Haute et respectueuse considération.
Nouakchott, le samedi 17 août 2019
Pour la famille, les frères du défunt :
-Moussa Hormat-Allah, professeur d’université, Lauréat du Prix Chinguit.
-Mohamed El Khamess ould Sidi Abdallah, juriste,député à l’Assemblée Nationale.