On connaissait « Le jour le plus long », film réalisé par Ken Annakin et Andrew Marton, avec John Wayne, Henry Fonda et Bourvil, une fresque historique monumentale et spectaculaire, d'après le livre éponyme de Cornelius Ryan. Sorti sur les écrans en 1962, il relate, par le menu, le débarquement allié du 6 Juin 1944 sur les côtes normandes. Mais on ne s'imaginait pas alors que ce titre connaîtrait, 75 ans plus tard, un étonnant remake, plus exactement élongation, quelque part dans une contrée balayée par les vents de sable et qui subit, depuis onze ans, un calvaire sans nom : « Le mois le plus long ». Un navet de chez navets, assurément, qu’aucun réalisateur ne s’aventurera à filmer. Pesant des tonnes de lassitude, ce mois de Juillet 2019, que tout le monde, en Mauritanie, veut voir finir le plus tôt possible, s’étire indéfiniment. Pour la majorité, sinon la totalité de ce peuple, Août sera celui de la délivrance, de toutes les attentes, de tous les espoirs. Espoir de voir l’actuel Président, dont l’impopularité atteint des records, céder à la place à son dauphin, sans trop de casse. Espoir de voir le pays tourner la page de la crise politique qu’il vit depuis plus de dix ans. Espoir de voir un Président « normal », dirigeant sa majorité avec tact et respectant son opposition, présider à notre destinée. Espoir d’une justice non inféodée à l’Exécutif. Espoir de voir une éducation abandonnée à son sort et une santé publique à l’agonie se relever et marcher normalement. Espoir, pour les opérateurs économiques, d’être tous traités sur un même pied d’égalité. Espoir de ne pas voir une parentèle boulimique faire main basse sur le pays et ses ressources. Espoir d’une égalité de chances entre tous les citoyens. Espoir de ne voir ni épouse, ni fils, ni fille, ni beau-fils du Président aux premières loges, comme une famille régnante. Espoir de voir toutes les composantes de ce pauvre pays vivre en symbiose, sans haine ni rancune. Espoir enfin d’avoir un Président qui écoute, explique, justifie ses choix, s’excuse s’il le faut, n’en faisant pas qu’à sa tête et ne se prenant pas pour un superman qui veut tout régenter, même les plus petits détails. Un rêve ? Allons donc ! Jusqu’à présent pacifique, ce peuple ne demande pas la lune. Il veut, tout simplement, être respecté ; que ses richesses ne soient pas dilapidées et que l’Etat remplisse ses obligations à son égard ; que les meilleurs de ses fils, les plus compétents, les plus dévoués au bien, soient aux premières loges pour le servir et non se servir ; qu’il soit sécurisé et que la moindre route ou école de brousse ne soit plus comptabilisée en « grandiose » réalisation. Que la « Direction nationale » ne soit plus le seul point cardinal vers lequel tous s’orientent, pour jouir du moindre petit droit. Bref, que l’Etat chargé, par notre peuple souverain, d’administrer notre bien commun, s’y emploie vraiment, en élaborant et partageant celui-ci avec équité, justice, sens élevé du service, à l’écoute réelle de tous, fussent-ils opposants.
Ahmed Ould Cheikh