Tout Nouakchott ne parle que des indélicatesses que des diplomates et assimilés auraient commises dans les ambassades de la Mauritanie aux émirats, Qatar et Sénégal. Le verdict est vite tombé. Deux ambassadeurs démis et remplacés. Un chargé de mission et deux comptables mis en demeure et instruits de restituer les centaines de millions volatilisés, indûment, des comptes des chancelleries. Tout aurait commencé par la dénonciation d’un proche du président, des agissements peu orthodoxes de la gestion des frais des opérations d’enrôlement, dans les pays où les ressortissants mauritaniens sont particulièrement nombreux. Une descente improvisée de l’Inspection générale d’Etat a permis de découvrir le pot aux roses. Et comme la nouvelle diarrhée fait « soulever » l’ancienne, un rapport du temps où l’ambassadeur relevé du Qatar était consul général à Las Palmas l’a fait « venir sur sa corne ». Des affaires de mauvaise gestion et de mal gouvernance, comme on en voit tous les jours. Parfois, c’est maîtrisé, parfois, ça déborde. C’est comme la vie, quoi ! Sinon, comment ne pas avoir poursuivi ceux et celles qui ont fait perdre, au pays, une dizaine de millions de dollars, pour faux et usage de faux, dans la ténébreuse affaire de l’Université de Nouakchott ? La Banque mondiale a suspendu ce montant, lorsqu’elle découvrit que les hommes d’affaires chargés de l’exécution du projet avaient fait valoir des références techniques falsifiées. Et les voilà partis les « talons forts », comme si de rien n’était. Au dernier conseil des ministres, le Président, tout furieux, a parlé crûment à ses ministres. « Celui qui volerait les deniers publics », les aurait-il prévenus, « les restituerait et irait en prison ». Evidemment, ce n’est pas la première fois que le « chantre » de la rectitude et de la moralité profère de telles menaces. D’ailleurs, sa levée de boucliers contre les voleurs et la promesse de les combattre sont pour beaucoup dans sa première élection, en 2009. Mais, depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Et la lutte contre la gabegie ne revient plus que circonstantiellement, à l’occasion de quelque scandale financier ou d’une campagne électorale. Pourtant, les organes de contrôle ne manquent pas. L’inspection générale d’Etat, la Cour des Comptes, les inspections internes des ministères, notamment l’Inspection générale des finances et la direction de l’Audit et du contrôle interne. Théoriquement, tout va. Mais pratiquement, rien ne marche. Quasiment, rien n’a changé dans le fond, aux pratiques qui prévalaient d’avant 2005. Les fonds spéciaux et les notifications financières des directions et services centraux et régionaux continuent à être dilapidés, exactement comme au plus sombre des périodes de malversation. Les prestations de plusieurs ministères sont très en-deçà des substantiels budgets qui leur sont annuellement affectés. Ce qui devrait constituer, en principe, une raison suffisante pour alerter leurs services de contrôle interne et les organes nationaux d’inspection, procéder à de régulières vérifications, afin de s’assurer que les fondamentaux de la bonne gouvernance sont respectés. Les fameuses caisses noires dont sont dotés certains départements aux missions douteuses existent toujours et leur gestion reste à la seule discrétion de leurs responsables. Les grandes boîtes nationales sont loin d’être un exemple d’orthodoxie, en termes de gestion et de moralité. C’est pourquoi, chaque année, les rapports des institutions internationales comme Transparency international sont accablants, plaçant les pays, sur la base de leurs « passables » prestations, dans des positions peu honorables, voire déshonorantes. L’espoir que la lutte contre la gabegie avait suscité a commencé à s’estomper quelques mois à peine après son lancement. Certainement que des descentes ont permis de restituer quelques importants montants. Mais il va sans dire que la chasse aux « gabegistes » n’est pas allée au fond des terriers. Autrement, ses retombées auraient été beaucoup plus intéressantes, financièrement parlant. Certains vont même jusqu’à accuser ladite campagne d’être particulièrement sélective. Selon les tenants de cette thèse, le système n’aurait visé que ses détracteurs. La mise en cause de quelques proches ne serait qu’une opération de diversion, pour faire bonne impression. Deux facteurs essentiels sont cités, comme indices de mauvaise gestion : l’impunité et la richesse « spontanée » de certains milieux proches du sérail. Vieille polémique de plus de six ans, sur l’utilité ou non d’une vaste campagne de lutte contre les prédateurs. Mais si, comme on dit, la première chose par laquelle doit commencer celui qui se purifie est sa tête, le président Mohamed Ould Abdel Aziz ne cesse, à chaque fois, de déclarer, à qui veut l’entendre : « Tu ne voleras point ». Sous-entendu : sauf à tes risques et périls.
Sneïba El Kory