Après une longue attente et beaucoup de supputations, le candidat de la majorité présidentielle, Mohamed Cheikh Mohamed Ahmed Ghazwani, a désigné son directeur national de campagne. Il attendait, semble-t-il, la confirmation de sa candidature, par la Cour constitutionnelle, fait acquis, vendredi dernier. La gardienne des lois a retenu une liste provisoire de six postulants.
Mais selon diverses sources concordantes, cette attente serait plutôt due à des divergences, entre le candidat et le palais de la République, quant au choix des hommes chargés de piloter la campagne. Toujours selon les mêmes sources, Ould Abdel Aziz entendait garder la main sur le directoire, alors que Ghazwani tenait à avoir toute latitude pour composer son équipe. Obstacle apparemment levé, avec la désignation de Niang Djibril, directeur du port de l’Amitié de Nouakchott et ancien candidat UPR malheureux à la mairie de Kaédi.
Le choix de ce haut cadre négro-africain est significatif à plus d’un titre. Ould Ghazwani adresse un message à cette composante qui a, pour la première fois, réussi à former une coalition (Vivre ensemble) et à se donner un candidat à la présidentielle de Juin prochain. Les négro-africains veulent peser sur l’arène politique, en attirant l’attention de l’opinion nationale et internationale sur sa « marginalisation » de plus en plus criante. « Vivre ensemble » est un vaste programme qui ne vise pas moins qu’à « refonder la Mauritanie sur des bases justes et égalitaires ». Et de sonner en ce sens la mobilisation de cette composante, en faveur de son candidat, Kane Hamidou Baba. Un pari que n’hésiteront pas à essayer de saper les négro-africains de la majorité présidentielle.
Le message de Ghazwani s’adresse également à ceux-ci qui se sentent à l’étroit, eux aussi, au sein des institutions de la République (gouvernement, forces de sécurité et de défense…) et, même, de leur parti. Une situation qui a fait l’objet d’une plateforme, remise au cours d’une rencontre avec le candidat, le 10 Mai, à son QG de campagne. « La communauté peulh de Mauritanie », y interpelle le candidat Ghazwani sur sa « marginalisation », à tous les niveaux de la République, et sur les injustices criantes dont elle est l’objet, depuis plusieurs années ; sans manquer cependant de le féliciter pour son engagement, lors de son discours d’investiture, le 1erMars dernier, à combattre les injustices, sous toutes ses formes, à consolider l’unité nationale et la cohésion sociale. Les doléances formulées dans la plateforme vont de la réorganisation de l’état-civil, l’instauration de la discrimination positive, le reflet de la diversité culturelle du pays dans les médias publics, les problèmes liés au foncier rural, le règlement du passif humanitaire, l’administration territoriale… Des protestations formulées, depuis des années, par divers partis de la coalition Vivre Ensemble qui se sont vus, en conséquence, taxés d’extrémisme. Voilà donc une nouveauté que les négro-africains de la majorité les fassent leur. En réponse à ce discours, le candidat Ghazwani s’est montré prudent, se contentant de déclarer qu’il a « pris bonne note de ces revendications ». En tout cas, le choix de Niang Djibril Hamady paraît un premier pas, pour les cadres négro-africains et autres de la majorité, d’une stratégie visant à contrecarrer « Vivre Ensemble ». Ghazwani sait bien que la présidentielle se jouera aussi dans la Vallée. Belles empoignades en perspective !
DL