L’excellent et très approfondi travail d’investigations, mené par le professeur Mohameden ould Meyne, sur les voyages entrepris par Ould Abdel Aziz, de son arrivée au pouvoir au 24 Avril dernier, a de quoi donner le tournis. Celui qui, pour justifier son coup d’Etat de 2008, avait reproché, au président Sidioca, de « voyager beaucoup », se retrouve tout nu devant une telle argumentation : la date des voyages, leur destination, la distance parcourue, la durée des vols, la consommation de kérosène et, même, les émissions de CO². Soit 168 déplacements (annoncés, précise l’auteur) à l’étranger, 16,8 voyages par an et 1,4 voyage par mois. Soit, environ, 1.400.000 km (35 fois le tour de la Terre et deux fois la distance entre la lune et notre planète bleue, aller-retour !). A quel coût pour le contribuable ? Plus de six milliards d’anciennes ouguiyas, rien qu’en kérosène ! Sans compter les autres frais : coût d’achat des avions et leur maintenance, frais de mission du personnel, frais d’hôtel, taxes aéroportuaires et autres « petits détails » inhérents à tout déplacement présidentiel. Résultat des vols : un président qui coûte cher, pollue beaucoup et se déplace, le plus souvent, inutilement. Qui peut bien nous expliquer, par exemple, à quoi servit le dernier voyage de notre guide éclairé au Swaziland, un pays avec lequel nous n’entretenons aucune relation, de quelque nature que ce soit ? Et en Afrique du Sud, Tanzanie, Azerbaïdjan ou Ouganda, il y a quelques années, pour ne citer que ceux-là? Par quel miracle tient-il encore la route, alors que la compagnie aérienne nationale (dont il a fait une compagnie privée) est au bord du gouffre et que les caisses de l’Etat sont vides ? Comment peut-on se permettre de dilapider, dans un pays aussi pauvre que le nôtre, autant de ressources en voyages aussi inutiles que coûteux ? Dès son accession au pouvoir en 2015, le président tanzanien John Magufuli interdit, systématiquement, aux ministres et hauts fonctionnaires, de voyager en première classe. Lui-même ne se déplace qu’en avion de ligne, pour ses voyages à l’étranger. Considérant, à juste titre, que les ressources du pays doivent être orientées vers quelque chose de plus utile, il donne l’exemple. Feu Mokhtar ould Daddah, qui ne voyageait qu’en cas de nécessité, avait son propre avion, offert par le président gabonais, et versait automatiquement, au Trésor Public, tous les dons qui lui étaient généreusement attribués par ses pairs. On est très loin de l’actuel président tanzanien et du père de notre Nation que Mohamed Ali Chérif, un de ses plus proches collaborateurs, n’hésita pas à comparer à Oumar ibn Abdel Aziz, le khalife le plus honnête que le monde musulman ait connu, depuis la disparition du Prophète (PBL). Ould Abdel Aziz ne rate, lui, aucune occasion, s’il ne la fabrique pas, de prendre le premier avion de la MAI (quitte à laisser des passagers en rade en tel ou tel aéroport étranger), pour aller inaugurer des chrysanthèmes, assister à une fête nationale ou un anniversaire, voire négocier une dette qui, finalement, n’aura pas été allégée d’un dollar.
N’aurait-il pas été plus rentable, économiquement parlant, de lui acheter ou lui louer, en permanence, un petit avion, pour ses déplacements, normaux et intempestifs ? Ou, plus efficacement encore, de lui rappeler que toute élévation commence, d’abord, par bien garder les pieds sur terre ? Il y aurait, probablement, gagné une estime populaire qu’il se croit, dans les nuages, bien à tort acquise, comme l’après 22 Juin se chargera de le lui démontrer. Il y aurait, en tout cas et plus certainement, soulagé beaucoup de misères de son peuple, en investissant, au ras des dunes et des marigots, tous ces milliards envolés en pure perte…
Ahmed ould Cheikh