Calam(ités)

21 March, 2019 - 01:27

Après plusieurs mois au cours desquels tous les Mauritaniens ont retenu leur souffle, les partis de l’opposition ont encore une fois déçu, incapables d’accorder leurs violons sur un unique candidat susceptible de gêner – difficilement – le candidat de la majorité, à défaut de le battre et assurer, enfin, une transmission pacifique du pouvoir. Finalement et comme le présageaient beaucoup d’observateurs, cette opposition ira, en rangs dispersés, contre un candidat foncièrement puissant qui bénéficie du soutien de toute l’administration nationale et des lobbies d’affaires qui influencent et canalisent, d’habitude, les votes populaires, surtout en la Mauritanie des profondeurs, réservoirs électoraux qui ont toujours fait la différence,en toute consultation électorale. Comme le disait je ne sais plus qui, l’opposition se révèle, encore et toujours, le plus grand allié du pouvoir, par ses tergiversations et son incapacité à dépasser ses petites querelles de minarets, sur fond de mesquins calculs. Ses principales formations politiques, notamment le RFD et Tawassoul, idéologiquement presqu’aux antipodes l’une de l’autre, soutiendront respectivement, au premier tour, le docteur Mohamed Ould Mouloud,  président de l’UFP, et un ancien Premier ministre, Sidi Mohamed ould Boubacar. Avec cette stratégie à peine commune de soutenir le candidat qui aurait éventuellement à croiser le fer avec celui du pouvoir, au cours d’un très improbable second tour. Comme si le spectre de l’élection de la présidentielle de 2009 avait disparu ou que ce qui vient de se passer, il y a moins d’un mois au Sénégal, ne devait pas nous alerter sur la volonté des pouvoirs sortants de ne prendre aucun risque. Entre l’enclenchement du processus démocratique (1992) et aujourd’hui, au moins cinq à six élections présidentielles furent organisées. Par deux fois, au moins (1992 et 2007), l’opposition  prétendit, à tort ou à raison, avoir été flouée. En un, par le refus du système à reconnaître sa défaite et, de deux, par la compromission d’un des imminents dirigeants de ladite opposition avec le candidat imposé par les généraux qui avaient conduit le coup d’Etat mettant fin aux vingt-et-un ans de règne de Maouiya ould Sid ‘Ahmed Taya.

Maintenant que l’opposition a échoué à s’entendre sur un candidat unique, il ne lui reste plusqu’à transformer ce retentissant et anéantissant fiasco, en une stratégie d’éparpillement proposant, aux électeurs, plusieurs profils au premier tour, dans l’espoir d’en communautariser les forces, en l’éventualité d’un second. Ainsi les militants et sympathisants de l’opposition et ceux de toutes les autres tendances qui aspirent enfin à un changement n’ont plus que l’embarras du choix : entre un cacique de l’opposition des premières heures aux pouvoirs qui se sont succédé, sans jamais tremper ni dans le compromis ni dans la compromission –un véritable progressiste dans l’âme qui a fondé, avec beaucoup d’autres, quasiment tous les mouvements de contestation, du PKM au MND, avant l’UFP – et un haut commis de l’Etat qui a gravi tous les échelons de l’administration, jusqu’au poste de Premier ministre qu’il a occupé deux fois, avec Maouiya– Vivent les nostalgiques ! – et avec les militaires de la Transition – Vivent les rectificateurs ! –sans oublier Birame Dah Abeid et deux autres candidats qui ne devraient plus tarder à se déclarer. Les contours de la liste des postulants au fauteuil présidentiel se précisent davantage. Si, comme l’ont dit Ould Abdel Aziz et sa majorité, à qui veut l’entendre, tout leur monde est bien rangé derrière leur candidat Mohamed ould Cheikh Ahmed Ghazwani, avec armes, bagages, infanterie, artillerie, BASEP, DGSN, ministère de l’Intérieur et de la décentralisation, députés, notables, présidents des conseils régionaux, maires, conseils d’administration des entreprises publiques, administration centrale et régionale, tribus, gens de l’Est et autres organisations de la société civile… aucun des autres candidats « n’entendra la balle », dès le premier tour. Mohamed OuldG hazwani remplacera, sans coup férir, Mohamed ould Abdel Aziz à la tête de la magistrature suprême. Mais si, comme le supputent des rumeurs persistantes, ce qui se fait en haut n’est pas ce qui se mijote en bas, au sein des forces de la majorité, toutes les hypothèses sont envisageables et pourraient conduire à de grosses surprises… aux conséquences imprévisibles.

El Kory Sneiba