Le nouveau Messie est arrivé ! Devant une foule des grands jours, au stade de la Capitale, vendredi dernier, le candidat – du système, d’abord, puis du consensus national, dixit Ould Maham et les laudateurs – est enfin apparu au grand jour. Ould Ghazwani, puisque c’est de lui qu’il s’agit, organisait, ce jour-là, un meeting monstre, pour y annoncer, officiellement, son intention de briguer la magistrature suprême, lors de la prochaine présidentielle. Dans un discours en arabe classique, prononcé sans emphase et sans hésitation, il a dévoilé les grandes lignes de son programme de gouvernement. Il plante le décor : « la prochaine présidentielle sera une échéance décisive qui devrait produire les conditions favorables à un débat sérieux sur ce qu’est devenu le pays, après soixante ans d’indépendance, et sur la vision de chacun d’entre nous, sur ce qu’il devrait être à l’avenir. » Il promet, ensuite et entre autres, de réformer le système éducatif, booster l’essor économique et multiplier les chances pour toute composante du peuple qui connut, dans son histoire, la moindre injustice économique ou sociale. Il lance, enfin, « un appel général à se regrouper autour de ce projet, dans un sursaut national sincère, afin d’opérer le changement auquel nous aspirons. » Vous l’aurez sans doute remarqué : contrairement aux politiques, il n’a pas trop promis, se contentant de mettre le doigt là où ça fait mal, insistant, au final, sur la nécessité du changement. Un changement dont ce pauvre pays a tant besoin après dix ans de gabegie, malversations, népotisme, laisser-aller et pillage deses ressources. Il est donc bien conscient que l’aspiration au changement n’a jamais été aussi vive. Premier geste fort : il se démarque, d’entrée, du parti au pouvoir, adressant l’invitation en son nom. Premier clou pointé au cercueil d’une formation politique devenue moribonde. Preuve de cette asthénie, son deuxième congrès ordinaire, organisé au lendemain de la susdite cérémonie d’investiture, n’a suscité aucun enthousiasme, comme si l’on s’apprêtait, déjà, à l’enterrer, après le départ de celui qui l’a fondé. Ce parti, qui prétendait, il y a quelques mois, compter plus d’un million d’adhérents et dont la mise en place des unités de base avait donné lieu à une concurrence effrénée entre ses gros bonnets, semble se déliter. Comme ce fut le cas de tous les partis au pouvoir qui le précédèrent. A peine quatre ou cinq délégations étrangères ont répondu à l’invitation et tout fut expédié, à la hâte, en une seule journée. Grandeur et décadence. Dans la vie, tout est précaire. Ceux qui, hier, réclamaient un troisième mandat et n’imaginaient pas la Mauritanie sans Ould Abdel Aziz, en sont à faire la danse du ventre devant Ould Ghazwani. Et, au rythme où vont les choses, ils ne tarderont pas à s’attaquer, ouvertement, à leur bienfaiteur. Ces gens, comme disent les Ivoiriens, sont nés avant la honte. Ould Ghazwani tombera-t-il dans leur piège, comme tous ceux qui l’ont devancé? C’est, en tout cas, un de ses premiers chantiers. Le pays a besoin de sang nouveau. Il regorge de cadres qui ont autre science que remuer du nombril. Le Messie s’en prit, dit-on, aux marchands du Temple, bonimenteurs de profession. Alors, Ghazwani, nouveau Messie ? Chiche !
Ahmed Ould Cheikh