L’ethnicisme et le racisme forment un drame social, dressant son manteau d’un drap rouge écarlate et couvrant la terre toute entière, comme un cancer métastasique, envahissant les poumons, les intestins, le cerveau, l’utérus, les seins et ne laissant nulle place pour les mains expertes du chirurgien appelé à l’extirper. Notre société est comme cela, malade, viciant notre pensée, notre savoir, savoir être et savoir-faire. La grande connaissance, la dignité, le dévouement, la dextérité et la conscience sont devenus de grosses tares. Ce monde fait peur aux clairvoyants. Faut-il faire semblant d’être sourd, lorsque tout le monde ne veut plus rien entendre et faire l’aveugle, lorsque personne ne veut voir ? Mais s’il n’y a plus rien à voir, il n’y a plus d’espoir.
L’espoir est parti, vidé, plat-mort, parce que les aînés ont trahi. Chacun surélève son ethnie, comme si c’était la meilleure. Mais Seul Allah connaît le meilleur d’entre nous. Pour nous, les meilleurs sont toujours ceux qui ont disparu, pour toujours, partis pour l’éternité. Le désespoir nous envahit, lorsque notre peuple, jadis épris de paix, de fraternité et de solidarité, se découvre aujourd’hui divisé et meurtri, ne s’exprimant plus que pour la violence, la terreur et le drame. La division, l’exclusion, le racisme, sont plus dramatiques qu’Ebola, Crimée-Congo et choléra réunis.
Que reste-t-il pour nous sauver du cataclysme ? Lorsque notre cacochyme nous monte au nez et que tout s’effondre autour de nous ; courrons vers nos amis ou, plutôt, confions-nous à nos ennemis, cherchons la solidarité des autres ! Ne jamais haïr, ne jamais désespérer. Aimez les autres comme votre propre âme et chassez, en vous, tout esprit de haine, de revanche et de mépris. Vous n’en serez que plus sereins, plus forts, plus parfaits et en bon état de santé. Oui, le bonheur des autres renforce le vôtre et vous transporte vers la félicité. Trouvez la force de les aimer ! Solidarisez-vous, les uns les autres : ainsi rendrez-vous le monde ici-bas hospitalier et paradisiaque. Votre raison d’être doit être le bonheur des autres, leur bien-être, le devoir suprême ; votre unité, le tréfonds de la solidarité nationale.
Unissez-vous, comme le recommande notre sainte religion. A toute prière, dans les mosquées, cette recommandation est rappelée : « Rangez-vous et unissez-vous », disent souvent les imams, « jambe contre jambe, épaule contre épaule ». Unissons nos cœurs en face de notre Créateur, le Tout-Puissant. Même hors des mosquées, continuez à vous unir, à vous soutenir et solidarisez-vous, comme « les briques d’un même mur ». Comme il est écrit. Telle est la recommandation divine, dans le Saint Coran. Nous devons être comme l’œil où la partie noire est enchâssée dans la blanche, tout parfaitement homogène. En revanche, si ces parties se disloquent, désunies, l’œil devient glauque, terne et aveugle. C’est dire, que les Noirs et Blancs de notre peuple devraient être comme les parties d’un même œil, s’ils voudraient être parfaits, heureux, prospères et vaillants.
Notre déception est immense et nous sommes écœurés, inquiets et profondément meurtris, en voyant les Arabes tirer haut leur arabité, les Négro-africains soulever encore plus leur africanité et les harratines brandissant leur hartanité. Chacun crie plus fort que l’autre, dans un tohubohu infernal, personne n’écoute l’autre et ne voit plus son voisin. Dans cette cacophonie, on se demande si la démence ne s’est pas emparée de notre société, si sage, naguère, et courtoise. Aujourd’hui, tout s’effiloche, s’effrite, s’écroule, disparaît et nous laisse pantois, dans un climat de désolation, de désarrois et de forte inquiétude.
Dans une telle atmosphère, rien de bon, de productif, de fructueux et de positif ne peut se construire. Alors que nous avons tellement de choses à faire, à transformer, à partager et à échanger. Chacun peut s’enrichir de ce que l’autre a et qu’il n’a pas, de ce que l’autre est et qu’il n’est pas. Cherchons la valeur, le bien précieux. La richesse peut s’envoler, la beauté s’enlaidir, le bonheur disparaître mais la dignité demeure, la bonté se fructifie, la valeur s’enracine, l’honneur grandit et protège, la solidarité renforce, la paix développe, l’équité et l’égalité rehaussent et glorifient.
N’ayez jamais peur de votre semblable. Notre Créateur pouvait nous rendre tous verts aux yeux globuleux comme des crapeaux. Chacun de nous est ce qu’il est, mais non ce qu’il voudrait être. Blanc ou noir, nous n’avons pas eu le choix de notre teint. Chacun a ses valeurs que l’autre ne possédera jamais et qu’il ne pourra lui ravir. Qu’on le veuille ou non, c’est ainsi que Le Suprême a fait le Monde.
Tuer votre frère, vous serez comme Caïn, malheureux dans la vie et malheureux pour l’éternité, pour avoir assassiné Abel. Vous avez tué, vous voilà comme Caïn, tant envotre éphémère séjour ici-bas qu’en l’éternité de l’Au-delà. Etat ou pas, demandez pardon aux victimes de votre ignoble crime. Vous avez détruit ce que notre Seigneur a créé de plus complet, de plus raffiné, de plus beau et le bien le plus précieux. Même si vous vidiez toute l’eau de votre corps, en pleurant vos larmes, cela ne réduira pas pour autant vos péchés ni ne les effacera, jamais. Lavez cette souillure immonde, nauséabonde et fétide, qui vous colle à la peau, jusqu’au fond de votre âme. Si vous ne le sentez pas, les autres à côté de vous suffoquent, à cause de cette puanteur qui émane de vous, de tout votre être. Demandez pardon, on vous pardonnera ou pas, mais, au moins, faites-le. Ainsi Allah absoudra, Lui, vos péchés, c’est Lui Le Miséricordieux, Seul Grand Rédempteur, qui vous vous accordera tout Son Pardon.
Allons-nous laisser la peur et la stigmatisation de l’autre continuer à dramatiser notre vie sociale et envahir notre noble terre de Mauritanie ? Lorsque tout s’écroule autour de vous, le silence devient coupable et le sourire, une folie. Si le toit de votre voisin brûle, il est utopique de garder l’eau de votre canari et de se dire « Yoobonemoon, haadtoomoon », c’est à dire « que votre malheur reste là-bas » (chez vous). C’est en ce moment qu’il convient, plutôt, de s’unir, pour combattre la catastrophe.
Unis nous vaincrons ; désunis, nous ne serons que tas de brindilles fragiles, écrasables, bons à piétiner et à éparpiller à tous les vents. Alors, qu’attendons-nous pour nous tendre les bras et nous tenir main dans la main, en nous soutenant les uns les autres, en nous solidarisant et nous renforçant, pour la paix et le bonheur de tout notre peuple fraternisé ? Dans notre élan de solidarité, il est essentiel de se départir de toute forme d’ethnicisme, de clanisme et de racisme, qui mine l’unité, la fraternité et la parfaite cohabitation et constitue, pour notre société, un drame national et un frein à tout développement.
Ba Saïdou
Consultant en santé publique