Public. Privé. Affaires publiques. Choses privées. Deniers publics. Vie privée. Un vrai jonglage. Et, du coup, l’antithèse privé/public perd de sa superbe et ne signifie plus rien, tellement les éléments du couple ont été galvaudés. Or, que je sache, quelque chose de privé est quelque chose qui appartient à quelqu’un, nommément désigné, qui peut en faire ce qu’il veut. En user selon sa volonté. Pas en abuser, puisque tout excès est nuisible. Propriété privée. Vie privée. Ferme privée. Et tutti quanti. Mais quelque chose de public, c’est quelque chose qui appartient à tous. Donc, impossible d’en user, sans être valablement mandaté, par tous ou une partie de tous. En abuser conduit, directement, normalement, irrémédiablement (excusez cette bousculade adverbiale), aux problèmes, c'est-à-dire, si tout ne va pas bien, en prison. Un homme privé, c’est un homme dont personne ne parle. Un homme public, un homme que tout le monde regarde, suit, écoute. La publicité a un prix. La notoriété aussi. En plus, le droit à l’information sur la vie d’un homme public. Ses mouvements. Ses temporisations. Ses feintes. Ses escapades longues ou courtes. Ses fugues. Nationales ou internationales. Un homme public n’a pas d’intimité. N’a pas de week-end. Pourtant, ce n’est pas ce que croit un collègue à moi qui m’expliquait pourquoi, en octobre 2012 (en ce moment-là, pas maintenant), le président n’a pas voulu expliquer, au peuple, en quelles circonstances il avait accueilli une petite balle amie en plein ventre. Selon mon ami, « si le président l’avait reçue au cours d’une visite au centre d’oncologie ou des travaux de l’aéroport de Nouakchott, ah là, oui, il aurait été obligé de s’expliquer au peuple. Mais comme il était en privé, à Toueïla, alors, il n’avait rien à dire à personne ». Donc, selon la logique de mon ami, comme le président était en visite officielle, en position donc d’homme public, il devait alors expliquer, aux Mauritaniens, les vraies raisons qui lui firent rater le rituel de la prière de la fête d’Al Adha. Cela d’autant plus que, de mémoire de mauritanien, jamais président de la République Islamique de Mauritanie ne trouva quelconque bonne ou mauvaise raison pour ne pas y prendre part. Et, comme la ligne droite reste toujours le plus court chemin, il est plus facile d’aller directement de Paris à Ibn Abbas que d’aller de Paris au palais Gris puis à Banjul. Cette fois, l’opposition n’a rien dit. La majorité aussi. Il paraît qu’ils étaient comme nous. Y compris le Premier ministre. A quand la Fin du Monde ? Celui que l’on demande n’est pas plus renseigné que celui qui demande ! Maintenant, sur la santé du président, c’est encore une question d’affaires nombreuses. En réalité, chaque fois que le Président est un peu fiévreux, en quoi est-ce utile que toutes les rues de Mauritanie, de Fassala à Ndiago, le sachent ? Le Président tombe souvent malade mais même le BASEP n’est pas au courant. Ni l’EMGFA (Etat-Major Général des Forces Armées). Il faut au moins attendre que ça soit quelque chose d’utile à la propagande ou l’intoxication. Pourquoi, à chaque fois que le président décide de rester seul en France, ce devrait être une opération, une convalescence, un contrôle médical ? Doucement, frères. Mais, aussi, ça coûterait quoi, au Président, de dire, à son peuple, tout ce qui ne va pas chez lui ? Juste du côté de sa santé. Autrement, c’est du privé. La nuit, un cauchemar ? Communiqué, le lendemain. Tombé du lit, le soir, petite égratignure ? Communiqué, le lendemain. Maux de tête, à minuit ? Communiqué, le lendemain. Manques d’appétit ? Communiqué. Crise d’ulcère ? Communiqué. Rage de dent ? Communiqué. Bulletin complet de santé, avec toutes les opérations subies. Analyses de sucre, de thé vert et de zrig, tension, acuité visuelle, poids, taille, test ADN, groupe sanguin, prochains rendez-vous médicaux… En quoi cela avance ou recule-t-il ? Nada. Circulez, il n’y a rien à voir. Le Président préside. Publiquement ou privativement, c’est tout kif-kif : nous sommes en Mauritanie.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».