La clarification apportée récemment et qui a mis fin, espérons-le, aux velléités de viol des articles inviolables de la constitution (les articles 28,29 et 99) vient, quelle qu’en soit la motivation ou l’origine, conforter la probabilité d’une alternance au pouvoir, à l’occasion des élections présidentielles du mois de juin 2019.
Sans préjuger de l’issue de ces élections, se pose aujourd’hui la question de savoir quel destin attend le peuple mauritanien sous l’égide du prochain pouvoir présidentiel.
A cet égard, deux hypothèses sont envisageables :
- Soit que nous nous retrouvions confinés dans le même scénario qui a prévalu depuis maintenant une quarantaine d’années et dont les caractéristiques essentielles ont été jusqu’ici :
- Un pouvoir absolu concentré entre les mains d’un seul homme, le président de la République, détenteur unique de l’intégralité du pouvoir exécutif et, par la force des choses, seigneur et maître des pouvoirs législatif et judiciaire, dont la Constitution actuelle n’a pas su ou voulu renforcer l’autorité et assurer l’indépendance.
- Un Parti-Etat rassemblant, non par conviction mais par la crainte et l’intéressement, la quasi-totalité d’un peuple condamné, faute de liberté et de sécurité morale et matérielle de l’individu, à cultiver et à pérenniser la pratique obligée de l’opportunisme, de la flagornerie et de l’unanimisme mensonger.
- Une classe politique, une presse et une société civile enfermées, toutes tendances confondues, dans les redites de problématiques récurrentes, mal définies et mal envisagées, telles que :
- Les séquelles historiques, unanimement décriées, d’un passé esclavagiste aujourd’hui, heureusement, révolu.
- A l’intérieur de notre civilisation islamique commune, la présence de réalités culturelles spécifiques, propres aux composantes multiraciales de notre peuple et qui, toutes, concourent à la richesse et à l’originalité de notre patrimoine culturel national.
- L’existence d’ethnies et de tribus, indument instrumentalisées à des fins politiques, comme c’est l’usage au sein de tout pouvoir monopolistique.
- Le souvenir douloureux d’événements tragiques qui ont pu, au cours de la brève histoire de notre pays, affecter notre conscience nationale et pour lesquels des réparations définitives ont été, à plus d’une reprise, arrêtées ou envisagées.
- Soit que se réalise l’espoir de voir sortir des urnes un pouvoir caractérisé par :
- Une envergure intellectuelle et morale digne de la grande civilisation arabo-islamique de notre peuple et de son identité culturelle dans toute sa diversité.
- Une appréhension éclairée des données de notre environnement et du monde, à l’heure des grands ensembles économiques et de la globalisation mondiale.
Un tel pouvoir est seul capable, en effet, de concevoir et de conduire une stratégie de progrès politique, économique, diplomatique, culturel et social, à la mesure des ambitions de notre nation et des défis de tous genres auxquels elle se trouve confrontée.
Cette stratégie sera, alors, appuyée sur :
- Un Etat des droits véritable, régi par des institutions démocratiques rénovées garantissant la liberté et la sécurité de l’individu, l’indépendance de la justice et la revalorisation du pouvoir législatif.
- L’affirmation, dans la justice et l’équité, d’un libéralisme économique tempéré par les prescriptions de notre sainte religion et dégageant totalement l’Etat du secteur marchand.
- Une responsabilisation effective du gouvernement au sein de l’exécutif.
- Une scène politique intérieure apaisée et conviviale, propice à l’alternance pacifique au pouvoir et où les partis politiques, la presse et la société civile, associés dans une synergie républicaine marquée par l’élévation du débat et la hauteur de vue, pourront concourir aussi bien au dépassement des problèmes qui se posent encore aujourd’hui à nous, qu’à la formation du citoyen aux valeurs de la démocratie et de la citoyenneté, pour le plus grand bien de la coexistence harmonieuse et la cohésion fraternelle des différentes composantes de notre société.
Confiants dans la miséricorde divine et dans le génie de notre peuple, plaçons- nous résolument dans le second terme de l’alternative ci-dessus évoquée et préparons-nous, chacun en ce qui le concerne, à la définition et à la mise en œuvre des réformes et des mesures pratiques, institutionnelles, politiques et économiques, propres à en assurer le succès.
Le Président
Ahmed Ould Sidi Baba
03 Février 2019