Sidi El Mokhtar Ndiaye est-il mauritanien ?

19 June, 2014 - 17:25

« Je n’ai jamais déjeuné avec l’Etat », dit, un jour, un éminent constitutionnaliste français, Gaston Jèze, en l’occurrence. Il disait ainsi, en mots simples, que l’Etat est, en soi, une notion abstraite et ne se manifeste qu’à travers ses dirigeants et institutions.

Dans l’histoire récente de notre pays, un homme a été « occulté » par les différents pouvoirs publics : Sidi el-Mokhtar Ndiaye, Père fondateur, de facto, de la Mauritanie, quand Mokhtar Ould Daddah en est le Père bâtisseur. Je dis donc Père fondateur en pesant chaque lettre de cet attribut.

Sa signature, apposée sur l’acte officiel proclamant la fondation de la RIM (délibération N°284 du 28/11/1958), en tant que président de l’Assemblée constituante, et son invite au gouvernement formé, suite à cette proclamation, à considérer le 28 Novembre de chaque année comme fête nationale de la Mauritanie, en souvenir de cette proclamation, lui confère, incontestablement, le statut de Père fondateur, nonobstant les objections « subjectives » ou « partisanes » qui ne manqueraient pas.

Alors, est-il normal qu’aujourd’hui, aucune structure, édifice, avenue ou même ruelle de notre immense territoire national ne porte son nom, afin que les générations actuelles et futures n’oublient jamais ce pan, capital, de l’histoire de leur pays et du rôle, central joué par cet homme, dans son essor ? Si cette auguste figure a été omise ; son œuvre, son combat, sa contribution à la naissance de notre Etat, rangés dans les placards officiels de l’oubli ; qu’en sera-t-il de nous autres, citoyens anonymes ?

Cet aveuglement sera-t-il un jour guéri ou faudra-t-il supporter, longtemps encore, la politique de l’autruche, tête enfoncée dans le sable, comme si de rien n’était ? Quel sera notre avenir, si l’on passe au tamis notre jeune passé ? Quelles seront nos références ? Que voulons-nous, que pouvons-nous, que devons-nous léguer à la postérité ?

Héritiers de Sidi El Mokhtar Ndiaye, nous n’avons jamais bénéficié des services de l’Etat. Mais, grâce à Dieu, on a toujours vécu dans la dignité et la discrétion, partageant, comme nous l’a appris notre père, le peu qu’on a avec les autres. Mais, entre ne bénéficier d’aucune faveur – nous ne nous y attendions pas – et se voir privés de nos droits, il y a un monde. L’Etat nous a, ainsi, exproprié de notre TF N°23 de l’Inchiri, sans aucune compensation, et aucun responsable ne semble s’en émouvoir, tout au moins officiellement. En cette occurrence, nous ne réclamons aucun traitement de faveur, aucun passe-droit mais l’application, stricte, de la loi.

Instinctivement tout cela nous amène à nous poser les questions suivantes : si Sidi el-Mokhtar ne portait pas le nom de Ndiaye, sa mémoire aurait-elle subi le même traitement ? Y’aurait-il, dans notre pays, les uns… et les autres ? Nous en appelons à l’équité et au respect des Anciens qui ont fait, de ce vaste territoire qu’est la Mauritanie, une réalité. Il faut leur rendre la place qui leur sied dans la société et veiller sur leur héritage, au sens large du terme.

Pour un devenir cohérent et respectueux de la diversité de notre chère nation, c’est une urgence, pour les autorités, de prendre, à bras-le-corps, les problèmes latents qui bloquent la marche en avant de notre société. Celle-ci doit être le creuset où allier ses différentes composantes, afin de former une même nation, animée d’une manifeste envie de vivre ensemble, où tous, sans distinction, se reconnaîtront.

 

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Mohamed Mahmoud Ndiaye