Le principal parti de la majorité présidentielle, l’Union Pour la République (UPR) a décidé de « marcher pour défendre l’unité nationale et la cohésion sociale », dit-elle. Une marche pour l’unité nationale ? Une de plus, serait-on tenté, de dire. Depuis quelques années, l’unité nationale fait en effet jaser la classe politique tout entière. De l’opposition démocratique à la majorité présidentielle, chacun s’est emparé du sujet pour en faire son apanage personnel. Poussé par l’opposition et, surtout, par les organisations de défense des droits de l’homme comme IRA, SOS Esclaves, Le Mouvement El Hor, Le Manifeste des Haratines, Touche pas à ma Nationalité, le Conseil représentatif des Soninko ou le Manifeste Wolof, et certains partis politiques, comme les Forces Progressistes du Changement (non reconnu) qui ont réclamé le règlement des questions de l’esclavage, de ses séquelles et du passif humanitaire des années 89-91, le pouvoir s’est, lui aussi, saisi de la question, en organisant plusieurs séminaires et conférences-débats. A l’arrivée, rien de nouveau, si ce n’est un nouvel arsenal juridique, important, pour la question de l’esclavage et de ses séquelles, ce qui n’a pour autant pas empêché les organisations de défense des droits humains d’exhiber des cas avérés. Les textes sont bons mais leur application peine à se matérialiser.
Aujourd’hui, on nous ressasse des « discours haineux et discriminatoires », pour mobiliser toute la République, à travers une marche, un jour ouvrable. Une espèce de mépris pour le fonctionnement des structures de l’Etat et de leur rentabilité. Les organisateurs de ces manifestations se sont-ils seulement demandé pourquoi la question nationale continue à troubler le sommeil des gouvernants et des patriotes du pays ? Pourquoi n’ont-ils pas cherché des solutions à ce problème qui ne date pas d’hier ? Elles existent pourtant et figuraient déjà en bonne place, dans les recommandations du dialogue de 2016. Mais elles dorment, depuis, dans les tiroirs de la commission de suivi dudit dialogue. Avec l’unité nationale, on s’était juste contenté de « vacarmer» ou de s’égosiller dans les hôtels et autres salles de réunions. Pas plus. Or le mal est profond et le premier responsable est tout désigné: l’Etat, du moins ceux qui nous ont gouverné ou gouvernent et n’ont pas voulu prendre le taureau par les cornes. On organise, comme pour faire diversion, des rencontres, on tient des discours ou l’on menace tout celui qui réclame les plus élémentaires droits. Tout celui qui a le culot d’évoquer les questions qui fâchent est vilipendé, traité d’extrémiste et de raciste. Les pouvoirs publics se pressent d’envoyer les forces de l’ordre pour mater les manifestants, au lieu de privilégier le dialogue, l’écoute et la concertation.
La Marche du 9 Janvier, avec, à sa tête, le président de la République est certes un acte fort, symbolique même. Une initiative à saluer, donc, pour autant qu’elle s’en tienne à son propos. Car la tentation du coup du pub est particulièrement forte, en cette période préélectorale. Coïncidant avec diverses initiatives appelant à un troisième mandat, pour l’actuel président de la République en passe de finir son second et dernier, en Juin prochain. Amalgame ? Certains redoutent en effet que cette marche ne serve de prétexte à la promotion du dit troisième mandat, ce qui risque de fausser la manifestation, voire de la détourner carrément de son objectif affiché. On espère, a contrario, qu’à son lendemain même, les pouvoirs publics prennent des mesures vigoureuses, pour régler la question nationale… Pourquoi pas à travers des journées de concertations nationales, comme en 2006 ? De sorte que chaque mauritanien se sente mauritanien à part entière, qu’il puisse profiter des opportunités de développement de son pays (partage équitable des ressources, égalité de chance, justice sociale, droit à la justice …). Nous connaissons les risques que fait courir une unité nationale vacillante. Lui rendre son assise sera un gros chantier, pour les cinq prochaines du Président à élire en Juin 2019. Nous ne devons pas rater l’occasion, passer à côté de l’essentiel : organisation d’une présidentielle inclusive, transparente et apaisée. La Mauritanie ne supportera pas un lendemain d’élection contestée. Le Rwanda, le Burundi et la RCA sont là pour nous interpeler.
DL