Surprenante, c’est le moins qu’on puisse dire… L’image du Maroc en a pris un sérieux coup. Le royaume chérifien n’avait pas la réputation d’accepter qu’on lui dicte quelque conduite à tenir et ses amis en Mauritanie – ils sont nombreux… – sont tombés des nues, après la publication du communiqué de son ministre des Affaires étrangères accusant – sans, évidemment, la moindre preuve – un homme de la trempe de Bouamatou d’avoir diffusé, sur le Net, des photos de passeports marocains présumés appartenir à Ould Abdel Aziz et à son fils. Un jeu d’enfants que n’importe quel technicien maîtrisant un tant soit peu l’informatique peut aisément réaliser.
Rediffusé, devrait-on dire, puisque ces montages furent déjà publiées sur la Toile, il y a deux ou trois ans de cela, sans que personne ne leur accordât la moindre importance. Mais, aujourd’hui, le Maroc est engagé dans une course effrénée avec l’Algérie, pour obtenir les faveurs de notre potentat local. L’occasion était trop belle de montrer patte blanche, en tombant, à bras raccourcis, sur un opposant déclaré, quitte à l’accabler de la plus ridicule des accusations. L’avocat d’Ould Bouamatou n’a d’ailleurs pas tardé à réagir, indiquant que son client s’inscrit en faux contre ces allégations, déclare sans équivoque n’avoir jamais diffusé de telles images et défie quiconque de démontrer le contraire.
En le citant nommément, le communiqué du ministère marocain (qu’on pourrait mettre sur le compte de l’inexpérience du ministre) a cependant donné, à l’affaire, juste ce qu’il fallait de caractère officiel pour qu’Ould Abdel Aziz estime avoir obtenu gain de cause et que son ennemi intime soit désormais persona non grata sur la terre de leurs ancêtres communs. Bouamatou y a vécu plus de six ans, y a investi, y dispose d’un capital relationnel non négligeable et a toujours respecté ses lois. Opposant résolu et déclaré au pouvoir de Nouakchott, il s’est pourtant abstenu, durant son séjour marocain, de toute déclaration ou communiqué qui aurait pu nuire aux relations entre les deux pays. C’est depuis l’Europe qu’il a lancé, en Août dernier, un appel pour combattre la tyrannie d’Ould Abdel Aziz, après avoir décidé de quitter le sol marocain, afin de retrouver de franches coudées, dans sa lutte contre celle-ci.
La décision chérifienne va-t-elle permettre, aux relations entre les deux pays, d’enfin se décrisper ? Ou faire monter plus encore les enchères ? Car ce que prouve surtout cette pantalonnade, c’est que la Mauritanie est devenue très importante, pour son voisin septentrional, notamment du fait de sa position géographique – elle dispose de la seule route reliant le Royaume au reste du Continent – et pour la question cruciale du Sahara. Mais rien n’indique que cette course (Harwala pour reprendre un terme en vogue lors de l’établissement de relations diplomatiques de certains pays arabes avec Israël) portera ses fruits. L’Algérie veille au grain et ne se laissera pas doubler facilement.
On attend donc le prochain caprice de l’Azizanie. Et le nouveau pliage en quatre du Maroc, contraint à satisfaire l’orgueil démentiel de celui qui se veut l’alter ego de leur roi. Mais il est vrai que la honte ne tue pas. Elle est simplement plus dure – et beaucoup plus durable – que la pauvreté…
Ahmed ould Cheikh