A moins de six mois d’une présidentielle décisive pour l’avenir du pays, la situation est tout, sauf claire. Ould Abdel Aziz, qui achève son second et dernier mandat, ne cesse de s’empêtrer dans des déclarations parfois contradictoires. Un jour, il respecte la Constitution et se retirera à la fin de sa délégation ; un autre, il y reviendra, dès que le texte fondamental le lui permettra. Avec, tout dernièrement, cette trouvaille : « je ne quitterai pas le pays, je continuerai à y jouer un rôle politique et, pourquoi pas, diriger mon parti et organiser ma majorité ». Ou l’art de s’ingénier à garder le pouvoir, tout en le quittant formellement. De quoi donner le tournis au plus intrépide des laudateurs. Son dauphin ? Il n’a toujours pas choisi. Ould Ghazouani ? Un ami fidèle parmi d’autres. Pourtant celui qu’on présente comme son alter ego paraît le mieux placé – au sein de l’actuelle majorité, en tout cas – pour reprendre les commandes. Réputé calme et pondéré, il bénéficie d’une image favorable dans l’opinion publique, y compris dans l’opposition envers laquelle l’actuel président n’affichait guère de respect et ne manquait aucune occasion de le lui faire savoir, en termes à peine voilés. Cela dit, Ould Abdel Aziz n’entend pas lâcher prématurément le moindre lest. Annoncer un peu tôt vers qui penchent ses préférences, c’est risquer voir ses flancs se dégarnir. Il en est conscient, et habitué, militaire dans l’âme, à vivre entouré de ses troupes, compte rester maître du jeu, jusqu’à la dernière minute. Mais il arrivera bien un jour où lui faudra rendre tablier. Et les comptes avec ?
C’est déjà ce que sous-entend Boubacar Sadio, commissaire de police à la retraite, dans son pamphlet a priori réactif à la publication, par le président Macky Sall, de son auto-satisfecit : « Sénégal au cœur » ; mais dont on peut aisément entendre le caractère transnational… comme en témoignent les divers sous-titres qu’il a donnés à sa diatribe : des contre-vérités et des mensonges ; de la fourberie et de la tromperie ; des reniements et des abjurations ; de la parole donnée et trahie ; des promesses mutilées et des engagements oubliés ; des détournements de deniers publics ; de la vassalisation de l’Assemblée nationale ; de l’instrumentalisation de la justice ; de l’éloge de la transhumance ; des faux rapports de présentation ; du délit d’initiés dans l’attribution de blocs pétrolifères ; du favoritisme et du clanisme ; de l’ethnicisme dans les nominations ; de la politisation outrancière de l’administration ; du bradage des réserves foncières ; de la négation des valeurs positives ; de la répression comme mode de gestion ; de la restriction des libertés publiques ; de l’impunité et de la non-redevabilité ; de l’arrogance et de l’indécence ; de l’achat de conscience ; des délinquants économiques protégés ; de l’insécurité grandissante ; de l’éducation chahutée et de la santé méprisée ; des intellectuels et des patrons de presse stipendiés ; des populations réduites en bétails électoraux ; du processus électoral vicié et vicieux ; des marchés de gré à gré sur des montants astronomiques ; de l’incompétence et de la médiocrité.
Mauritanie et Sénégal, même combat ? En tout cas, l’ardoise s’annonce, ici et là, particulièrement salée. Et si l’on ne compatit pas forcément aux soucis de ses débiteurs, on comprend leur obstination à garder, tête baissée, les mains sur le guidon… jusqu’à quel mur ?
Ahmed Ould Cheikh