Le Calame : Commençons par la célébration, le 28 nombre, des festivités de notre 58e anniversaire de notre pays. Quelle appréciation vous faites du dernier discours à la Nation, du président Mohamed Ould Abdel Aziz ? Est-ce un discours d’adieu ou d’au revoir ?
Hamidou Baba KANE : Le discours du Président Mohamed Abdel Aziz sonne à la fois comme un discours d’adieu en tant que Président de la République ; et d’au revoir comme homme politique. Il traduit à l’envi le dilemme, j’allais dire, cornélien, dans lequel il est placé : « Comment quitter, sans partir ? ». Au pouvoir, il a surtout fait peur. Hors du pouvoir, il devra tenter de plaire. Comment plaire, quand on fait peur ? Telle est l’équation qu’il devra résoudre.
-Ce discours intervient au lendemain d’un réaménagement gouvernemental, après les dernières élections municipales, régionales et législatives et quelques nominations à la tête de certains corps d’armée et de sécurité. Pensez-vous qu’Ould Abdel Aziz prépare son départ, voire son éventuel retour aux affaires dans 5 ou 10 ans, comme il l’a laissé entendre sur RFI, il y a quelques jours ?
Je ne suis pas dans le secret du Président de la République pour connaitre ses plans et projets. Ce que je sais, c’est qu’un retour aux affaires ne se fera jamais plus aux sommets de l’Etat. La constitution ne le permet pas. Nous ne sommes pas la Russie, ni dans la lettre et l’esprit de notre loi fondamentale, ni dans nos prédispositions culturelles. L’échafaudage mis en place au lendemain de ces fameuses élections n’est pas solide. Il ne résistera pas à l’épreuve du départ.
Si j’avais un conseil à lui donner, il ferait tout à fait autre chose ! Il ressemble à un artiste qui a raté sa scène, à l’entrée comme à la sortie ! Il devrait plutôt se soucier de mettre en place des institutions qui puissent survivre aux hommes. Mais, cela se fait dans la concertation, le vrai dialogue et le consensus. Tout le reste, ne peut conduire que vers des lendemains incertains !
-Après toutes ces manœuvres, peut-on penser que l’option du 3e mandat d’Ould Abdel Aziz est définitivement abandonnée ? La majorité dont il dispose à l’Assemblée Nationale ne serait-elle pas légitime pour lui offrir l’opportunité ?
- Ne soyons pas plus royaliste que le roi. Mohamed Abdel Aziz a fait son deuil d’un 3ème mandat. Dans le contexte arabe et africain, il faut le féliciter. Cela épargne à notre peuple bien des convulsions. Mais, aucune majorité parlementaire, fut-elle unanime, ne peut modifier cette disposition sur la question du mandat présidentiel renouvelable une seule fois. Il s’agit là d’une clause d’éternité que le peuple mauritanien s’est donnée. J’ai déjà eu l’occasion de dire que sur cette question, notre constitution est la plus verrouillée du continent.
En vérité, que d’arrière-pensées chez ceux qui versent des « larmes de crocodile » sur l’éventuel départ de Mohamed Abdel Aziz ! Il méditera sans doute sur la célèbre phrase de Napoléon : « Que Dieu me préserve de mes amis… ». Pour le reste, il se charge bien de ses ennemis considérés comme tels, alors même qu’il a l’une des oppositions, des plus pacifiques et des plus démocrates !
-Pensez-vous que pour réussir l’alternance démocratique en 2019, une candidature unique au sein de l’opposition démocratique soit la solution ? L’opposition a-t-elle oublié la déclaration du président de la République depuis Néma, dans laquelle il avait affirmé qu’il n’y aura pas d’alternance en faveur de l’opposition ?
- Nous n’avons oublié aucune des déclarations de Mohamed Abdel Aziz, souvent à l’emporte-pièces, faites ça et là, davantage pour sortir ses propres troupes de leur torpeur, que pour intimider l’opposition. Mais, ces déclarations, même prononcées sous le sceau de la sentence, ne constituent pas une boussole pour nous. Elles relèveraient du « GUIZAANI ». Plus sérieusement, seul le peuple, s’il est libre, décidera en faveur de qui l’alternance va s’opérer.
Quant à la candidature unique de l’opposition, elle n’a de sens que par rapport à un programme commun de l’opposition démocratique ! Nous devons nous concentrer d’abord sur la formulation de notre offre politique pour passer d’une force de dénonciation en une force de propositions. Et les sujets d’intérêt national qui divisent la société mauritanienne ne manquent pas. Le FNDU travaille à cela. Mais, dans quelle mesure le programme commun du FNDU pourrait-il servir de projet collectif à l’ensemble de l’opposition démocratique ? Il faut l’espérer.
Il nous faut aussi tirer les leçons de l’expérience des dernières élections. Mathématiquement, si le report des voix avait été conséquent, l’opposition sortirait largement gagnante du Conseil régional de Nouakchott. On entrevoit là, les limites d’une candidature unique. Je crois plus à un effort tendant vers une candidature unifiée, rationalisée, autour d’un programme commun, en ayant à l’esprit que dans une élection à deux tours, au premier tour on choisit, au 2ème tour on élimine !
Programme commun et candidature unique n’ont de sens que si les règles du jeu sont équitables avec une CENI consensuelle, un fichier électoral audité, un système d’observation technique fiable, un conseil constitutionnel crédible ; en bref, si les élections présidentielles sont libres et transparentes. Dans le cas contraire, la paix et la stabilité du pays seront menacées.
-Revenons aux dernières élections municipales, régionales et législatives. Nombre d’observateurs n’ont pas compris pourquoi le MPR n’a remporté, ni mairie, ni conseil régional, ni un poste de député. Que s’est-il passé ? Un mauvais casting, une mauvaise campagne, une fraude massive côté CENI…. ? Pourtant lors de la campagne, vous nous aviez parlé de la montée d’une lame de fond ?
-Vous avez raison de ne pas comprendre. Les résultats de ces élections ne reflètent pas la valeur du MPR, ni en termes de potentiel, ni d’effectivité ! Mais, ils ont une explication : Il y a d’abord le jeu de certains segments du pouvoir qui ont tenu à nous rendre gorge de notre indépendance dans nos prises de positions et le choix de nos candidatures ! Nous avons été ciblés bien avant les élections, en raison même de cette lame de fond que vous évoquiez tout à l’heure. On ne pardonne pas au MPR sa politique de main tendue en direction de toutes nos communautés. L’adhésion du Manifeste Haratine au MPR a provoqué l’ire de ces segments du pouvoir, qui se sont lancés dans de vaines tentatives de débauchage. Je pourrais vous citer des noms, des dates et des lieux… mais le message a été reçu 5 sur 5 !
La CENI, parlons-en ! Elle a été l’instrument du pouvoir. Nous l’avons saisie collectivement avec le Forum et individuellement en tant que Parti sur des cas de fraudes, de falsification avérées, mais la réaction a surtout versé dans le dilatoire et la distraction. Il ne fait guère de doutes, à nos yeux, que le principal allié de la fraude fut les manipulations informatiques dont la CENI fut coupable et/ou victime. Nous détenons les résultats officiels qui nous ont été transmis par la CENI pour les législatives à Nouakchott. La lecture de ces résultats, que nous pouvons mettre à la disposition, pour qui le souhaite, indique clairement que le nombre de voix obtenues par notre parti (3036), nous donnait largement plus qu’un siège. Nous avions officiellement saisi la CENI sur ce cas précis, mais la réponse fut orale, reconnaissant une simple erreur de leur service informatique !
En ce qui concerne les réclamations à l’intérieur, la CENI s’est montrée prompte à y envoyer des missions d’enquête lorsque ces réclamations venaient de l’UPR, mais jamais quand ça venait de l’Opposition, du MPR en particulier. Le cas de Tekane illustre bien cette dérive. Là encore, nous détenons les deux PV établis par la Commission de dépouillement communal. Celui de minuit et demi nous envoyait au second tour et celui de 7h du matin nous rétrogradait à la 3ème place. Et que dire de ce Président de la Commission communale de Lekseiba I au Gorgol ayant déguerpi les lieux, refusant de remettre à nos représentants de bureaux de votes leurs PV ?
Ce contexte d’hostilité explique largement nos résultats. Une certaine dispersion de nos efforts et le manque de moyens ont fait le reste !
- Certains négro-africains se demandent pourquoi les leaders de cette communauté qui puisent essentiellement dans un seul vivier électoral ne parviennent pas à s’entendre autour de l’essentiel et d’unir leurs forces pour peser. Certains leaders politiques ont été élus uniquement grâce au poids de leur tribu?
-Une telle affirmation n’est pas inexacte, mais un peu courte. Sur la centaine de partis politiques existant dans notre pays, on en compte une dizaine à leadership négro-africain. En principe, les alliances politiques doivent se faire sur des bases politiques. Ce qui est cependant vrai c’est que nous avons deux communautés (négro-africaine et Haratine) qui sont exclues, et opprimées en tant que telles. Cette exclusion, qui crève les yeux des plus naïfs, a aujourd’hui un caractère structurel. Il n’est que de constater le décalage entre notre représentation nationale et le pays réel ! Ne parlons pas des autres institutions de l’Etat. Nous ne tombons pas cependant dans la facilité qui consiste à stigmatiser ou à indexer la communauté arabe, même si tant d’injustices ont été commises en son nom par ses propres fils ! D’ailleurs, tout système fondé sur l’exclusion finit par exclure ceux-là mêmes qui s’adonnaient à l’exclusion. Il faut sortir de cette impasse !
Quant au vivier que représenterait l’électorat négro-africain, il est permis de se demander s’il ne s’agit pas d’un mythe. En tout cas, c’est un vivier dans lequel les partis de la Majorité ont surtout puisé. Outre le fait, que cet électorat a été impacté par les conséquences directes d’un enrôlement discriminatoire, le contexte de pauvreté dans lequel il a été durablement installé, fait que les demandes sociales sont plus importantes que la demande démocratique. Enfin, sociologiquement parlant, et sans préjuger, en bien ou en mal, de ce que cela représente, le mode d’organisation tribale est plus apte à exercer une influence sur le vote. Il ne vous échappe pas, que dès l’entame du processus démocratique dans notre pays, le découpage électoral, comme la répartition des bureaux de votes faisaient une large place à la variable tribale.
- Le MPR se défend d’être un parti d’obédience négro-africaine, son ambition est de refonder le pays sur d’autres bases. Quelle évaluation vous faites de ce projet?
Le MPR est un Parti à leadership négro-africain, mais pas d’obédience négro-africaine. Dirait-on des partis dirigés par les arabes qu’ils sont d’obédience arabe ? Certains, mais pas tous. Dans la phase historique de développement de notre pays, et du fameux « diviser pour régner » orchestré par les pouvoirs successifs, on a dressé les communautés les unes contre les autres. Cela a conduit à un certain recroquevillement communautaire. Le recul des idéologies à grande portée a accentué ce phénomène. Cela dit, lorsqu’une communauté est victime en tant que communauté, ce qui est bien le cas en Mauritanie, nous perdrions notre âme à ne pas prendre sa défense.
Mais, nous comptons au sein du MPR les ressortissants de toutes nos communautés. Nous sommes unis autour d’une vision, d’un programme et ce ne sont pas les contingences électorales qui vont nous détourner de cette ambition de refonder la Mauritanie. J’observe d’ailleurs que la Refondation a de plus en plus d’adeptes. Notre projet vise à mettre en place un Nouveau Pacte de confiance entre l’Etat et les communautés (questions nationales et sociales) ; et entre l’Etat et le citoyen (Question de la démocratie). Nous aurons l’occasion de revenir sur les détails.
- Les observateurs avaient noté avec intérêt l’alliance électorale que vous avez scellée avec une partie du Manifeste des Haratine, mais à l’arrivée, elle ne semble pas avoir prospéré. Elle n’a rien apporté au MPR ? Certains ne comprennent pas pourquoi le MPR a préféré Ould Handeya à Ould Beibacar (colonel) dont le nom avait été cité, pour la liste régionale de Nouakchott. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
- Permettez-moi d’abord de remercier et de féliciter l’un et l’autre qui ont renouvelé leur attachement et fidélité au Parti, malgré les péripéties électorales, démontrant par là-même qu’ils n’étaient point guidés que par des considérations purement électoralistes. Ensuite, je voudrais souhaiter un prompt rétablissement à Oumar O/ Beibacar qui est alité depuis quelques mois.
Ce que nous avons scellé avec ce que vous appelez une partie du Manifeste Haratine dépasse le cadre d’une simple alliance électorale. Il est donc inexact de dire « qu’elle n’a pas prospéré », ni de formuler un jugement hâtif. Seul l’avenir nous le dira. Je vous expliquais tantôt l’hostilité de certains segments du pouvoir et les manipulations de la CENI, y compris à Nouakchott et dont d’autres formations ont également été victimes. Nous aurions donc mis Oumar O/ Beibacar, il aurait certainement connu le même sort.
Cela dit, nul n’ignore les qualités émérites de Oumar O/ Beibacar pour lequel nous avons la plus haute estime. Mais, il s’était retiré à l’intérieur du pays durant la pré-campagne pour des raisons de santé. Les positions d’éligibilité étant limitées avec la proportionnelle, nous avons eu à opérer des choix difficiles. Je ne le remercierais jamais assez pour sa compréhension.
- Pour les veuves et les rescapés des années 89 -90, le 28 novembre est devenue synonyme de deuil parce que c’est dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990, 28 officiers, sous-officiers et soldats négro- africains avaient été pendus par leurs frères d’armes maures dans la garnison d’Inal. Depuis lors, ils continuent à réclamer justice pour faire leur deuil. Que pensez-vous de ce combat et la loi d’amnistie qui protège les auteurs de ces exactions?
- J’observe d’abord que les manifestations du 28 novembre ont pris cette année un tour particulier, d’une ampleur exceptionnelle, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de notre pays. Tandis que les officiels paradaient à Néma, d’autres battaient le macadam à Nouakchott, dans quelques villes de l’intérieur du pays et dans la diaspora. Nombreux sont ceux qui, dans la solitude de leur intimité, ont vécu ce 28 novembre dans le recueillement et le deuil. Notre fête de l’indépendance restera pour encore très longtemps diversement célébrée, souillée qu’elle est par cette tragique nuit, qui n’est pas sans rappeler celle « des longs couteaux » sous le régime Nazi !
Les exemples ne manquent pas pour montrer que d’Europe, jusqu’en Amérique Latine avec « les folles de Lima qui réclamaient, à cor et à cri, leurs maris victimes d’exécutions extra-judiciaires», en revenant sur notre continent, pour savoir que nous continuerons à traîner le passif humanitaire comme un boulet à nos pieds, aussi longtemps qu’on fera semblant de l’oublier. Il va sans dire que la loi d’amnistie, fondée sur aucun jugement, est illégale dans sa forme et inopérante à terme. Sa révision, dans le cadre d’une justice transitionnelle, ouvrirait les voies d’une vraie réconciliation nationale. Le pardon ne se décrète pas. Il se construit.
- Les forces de l’ordre ont bloqué, le 28 novembre, la marche vers le siège de Nations-Unies, des veuves, orphelins, rescapés et autres membres de la société civile. Au cours de cette marche, ils ont accusé le pouvoir actuel de les avoir trompés, à travers, un protocole d’accord signé en catimini et la prière de Kaédi, le 25 mars 2009, date considérée par le pouvoir comme journée nationale de réconciliation. Qu’en pensez-vous ? Pensez-vous qu’il y a une volonté de la part du pouvoir d’Ould Abdel Aziz à trouver une solution à ce qu’on appelle le passif humanitaire ?
- Cette marche a été bloquée, comme celle de l’année dernière à Kaédi qui fut sévèrement réprimée. D’autres marches suivront. Il en sera d’autant plus ainsi que les devoirs de vérité, de mémoire et de justice ne seront pas rendus aux victimes et à leurs ayants droit. On a géré de manière clandestine ce qu’on a appelé d’un voile pudique le passif humanitaire, alors qu’il s’agit d’un problème national. Quant au Président Mohamed Abdel Aziz, il a déjà donné « le meilleur de lui-même ». Ce n’est point au crépuscule d’un mandat que l’on règle un problème dont a pris soin d’annoncer officiellement qu’il est définitivement clôturé.
- Cette plaie continue à affecter l’unité nationale dont tout le monde se dit le chantre depuis quelques années. Et récemment, l’opposition a tenu à dénoncer publiquement ce qu’elle a appelé l’exclusion ou la marginalisation de la composante noire du pays des institutions de ce pays. Comment avez-vous trouvé cette attitude du pouvoir et de la réaction de l’opposition, puisqu’il s’agit, semble-t-il d’une première ? Qu'est-ce qui explique, à votre avis cette espèce de "méfiance" entre les communautés noires et Beidanes? Quelle conception le MPR se fait de l’unité nationale ou de ce que d’autres appellent la cohabitation entre les différentes communautés en Mauritanie ?
- Force est de constater, qu’aujourd’hui sur l’ensemble des institutions à mandats, aucune n’est dirigée par un négro-africain ! Cette communauté est exclue de la haute hiérarchie militaire, et ne garde que des positions symboliques dans la haute administration et la diplomatie. On pourrait en dire autant de l’économie. Le constat est là, massif, imparable. Les faits sont têtus !
Mohamed Abdel Aziz n’a fait que couronner la longue « descente aux enfers » de la composante noire de la Mauritanie. Il n’a pas compris que la Mauritanie dont il a héritée ou annexée avait un double problème à résoudre : les aspects conjoncturels de l’unité nationale (problèmes des déportés, passif humanitaire, questions foncières) ; et la dimension structurelle de l’unité nationale. Sur le premier, il est passé à côté du sujet, non sans avoir posé quelques actes symboliques (prière de Kaédi à l’absent), mais sans cadre de cohérence ; d’où cette impression de fugacité, presque de futilité !
Sur le second problème, il a fait dans le cosmétique, tandis que seules de vraies mesures de rattrapage auraient pu atténuer les effets. D’une certaine manière, malgré son élan réformiste quant aux institutions, il a conservé les fondements du système, de l’injustice et, finalement de la marginalisation de la composante noire du pays (négro-africains et Haratines confondus).
Quant à la réaction de l’Opposition face à la marginalisation de la composante noire du pays, on serait tenté de dire : mieux vaut tard que jamais ! Il faut simplement espérer, que cela ne soit pas un discours de circonstance, mais l’expression d’une prise de conscience réelle pour que le VIVRE ENSEMBLE soit une réalité.
Enfin, la « méfiance » que vous évoquez entre les communautés noires et Beidanes, n’a aucun fondement historique. Il y avait moins de guerres entre Beidanes et négro-africains, qu’au sein des beydanes et négro-africains eux-mêmes. Un brassage multiséculaire, en revisitant les royaumes qui ont essaimé notre espace, les alliances durant la guerre de Char Babah, puis les régimes des Satigui, mais surtout des Almamyats et des Emirats, a produit le peuple que nous avons. Insulter l’histoire, c’est insulter l’avenir !
Il est vrai cependant que la cohabitation au sein du même Etat post-colonial, entre communautés historiquement autonomes, pose de nouveaux défis, que les hommes ordinaires que nous sommes devront bien tenter de résoudre. Sous peine, d’une sanction collective de l’histoire. Le MPR entend prendre sa part de responsabilité, en faisant de l’intégration nationale une ardente obligation.
- Que pensez-vous de la guerre que le pouvoir livre au parti Islamiste Tawassoul, menacé même de dissolution. Dans son discours à la nation, la veille du 28 novembre, le président Aziz a même parlé de lutte contre les marchands de religion?
- Dans son mode de fonctionnement, TAWASSOUL est le parti le plus démocratique du pays. Voici un parti qui organise ses congrès, qui change et investit démocratiquement ses dirigeants. Ce serait une grave méprise que de dissoudre un tel parti. On a vu ce qui est advenu en Algérie durant les années 90 avec la dissolution du FIS, qui n’avait rien d’extrémiste au départ.
Quant aux « marchands de religion », ils se recrutent dans les cercles du pouvoir, ballotés entre populisme et obscurantisme. Ce sont bien ces cercles qui ont monté et amplifié l’affaire M’khaytir, narguant toujours la décision de la justice de le libérer!
- Le député Biram Dah Abeid croupit en prison depuis le mois d’août dernier. Les militants de son mouvement qui manifestent pour réclamer sa libération sont violemment réprimés. Récemment, une image de Biram portant des menottes a circulé dans les réseaux sociaux. Que pensez-vous de ce combat contre IRA et son leader ?
- Quoiqu’on pense de Biram Dah Abeid, de son Mouvement et de son combat, il est le miroir d’une certaine réalité sociale. Comme notre société n’est pas naturellement portée à se regarder en face, plutôt que de jeter un coup d’œil sur sa partie hideuse, on cherche à briser le miroir.
Cette image désastreuse d’un Député de la nation, mais descendant d’esclave, malade et menotté, qui a fait le tour du monde, aura plus d’effet sur la conscience universelle que toutes les justifications et/ou dénégations sur le phénomène de l’esclavage en Mauritanie.
Dans d’autres circonstances, alors que j’étais à la Majorité présidentielle, j’en avais- publiquement- appelé à sa libération. Je le réitère aujourd’hui.
Propos recueillis par DL
Faites un petit tour à Nouakchott : allez de la plage des pêcheurs au Port de l’Amitié ou de cette infrastructure vers le carrefour dit Bamako ; partez d’Atak El Kheir 2 en direction de l’Est ; promenez-vous en divers quartiers de la capitale… Rassurez-vous, il ne s’agit pas de villégiature !