I. Introduction
Le principe sacré des droits de l’homme repose sur le postulat qui dit que «tous les hommes naissent égaux en droits et en devoirs». En Mauritanie, la Constitution et les textes sectoriels (code du travail, convention collective, code pénal…) le consacrent. Les droits sont inaliénables, inaltérables, indivisibles. Ces droits se répartissent en trois (3) générations :
- droits civils et politiques (première génération);
- droits économiques, sociaux et culturels (deuxième génération);
- droit à un environnement sain, à la paix et au développement durable (troisième génération).
II. Islam et droits de l’homme
Bien avant la Déclaration Universelle de droits de l’homme (1948), et les différents pactes relatifs aux droits civiles et politiques, l’Islam a établi certains droits fondamentaux universels pour l’humanité tout entière, droits qui doivent être observés et respectés en toute circonstance que l’on soit ressortissant d’un pays musulman ou non, en paix ou en guerre avec l’Etat.
Les droits en Islam sont octroyés par Dieu et non par une assemblée ou autre institution politique. Donc, ils ne peuvent faire l’objet de modification ou d’abrogation.
Ils font partie intégrante de la foi islamique et, partant, doivent être appliqués et acceptés par tous les dirigeants musulmans à quelques niveaux que ce soit.
Parmi ces droits, on peut citer brièvement ceux qui concernent :
- la sécurité des personnes et des biens
- le droit à la dignité
- l’inviolabilité de la vie privée
- la présomption d’innocence
- le droit de manifestation contre la tyrannie
- la liberté d’expression, d’association, de conscience
- la protection des convictions religieuses
- la responsabilité
- le droit au maximum vital et la santé (droits économiques)
- l’égalité devant la loi, etc.
- en outre l’islam rejette le racisme, le favoritisme et l’esclavage car il a créé les hommes égaux
Tous ces droits figurent dans des sourates Coraniques donc révélés.
Il s’agit des dispositions impératives coraniques.
Bref, tout le monde est d’accord pour dire que l’Islam en tant que religion est, au-delà, une éthique, une civilisation qui se préoccupe à plus d’un titre, de la défense des droits de l’homme et condamne tout ce qui, de près ou de loin, peut porter atteinte aux droits – au sens large stricto sensu – de l’homme.
1. Droits civils et politiques
1.1. Les droits de l’homme en Mauritanie avant l’indépendance
Avant la colonisation, la Mauritanie était une vaste étendue habitée par des communautés ayant chacune son territoire plus ou moins délimité, mais entretenant des rapports souvent apaisés et parfois conflictuels.
Les émirats (Adrar, Tagant, Trarza et Brakna), l’Etat du Fouta Tooro… étaient les entités les plus structurées. Le droit divin (Charia) cohabitait avec le droit coutumier; les privilèges liés au statut faisant que les individus n’étaient pas égaux devant «l’autorité».
Dans toutes les communautés était apparue une classe d’asservis et de serviteurs (esclaves) victimes d’un rapport de force, conséquence d’une «seyba» (anarchie) qui caractérisait ces «Etats»…
Passée sous le régime de colonie, la Mauritanie continua de garder ses inégalités sociales, aggravées par le pesant joug du colon (réquisitions, impôts, enrôlement forcé…). Les Français – qui disaient lutter contre l’esclavage – n’hésitaient pas de caresser les puissants dans le sens du poil en fermant les yeux sur leurs agissements.
On ne peut, donc, pas parler de droits de l’homme en «Mauritanie» avant et sous la colonisation. Il s’agit d’une période sombre de l’histoire du pays qui a été conquis et intégré de force à l’empire français. Après une longue nuit coloniale qui s’étire sur un siècle au cours duquel les droits de l’homme ont été bafoués, la Mauritanie accède à l’indépendance le 28/11/1960.
1.2. Les droits de l’homme en Mauritanie après l’indépendance
1.2.1. De 1960 à 1978
Sous le régime du parti unique, le Parti du Peuple Mauritanie (PPM), la Mauritanie a connu une période relativement calme. Quelques mouvements à revendication politique (NAHDA, Kadihines, le manifeste de 1966 des élites négro-africaines) et syndicale venaient perturber de temps en temps la scène sociale.
1.2.2. De 1978 à 1992
C’est la page sombre de l’histoire de la Mauritanie. Venus pour, disaient-ils, «redresser le pays» (qui était en guerre contre le Polisario), les tombeurs de Maître Mokhtar Ould Daddah, le 10 juillet 1978, se retrouveront en butte à de nombreuses revendications à caractère nationaliste pour ne pas dire irrédentiste (Nassérisme, FLAM, Baathisme). La compétition à laquelle se livraient ces courants, «mal gérée» par les dirigeants militaires, donnera lieu à des purges – souvent sanglantes (arrestation et incarcération en septembre 1986 des leaders des FLAM dont certains mourront en prison; arrestation et révocation de militaires d’obédience baathistes soupçonnés de fomenter des coups d’Etat; arrestation, emprisonnement et exécution de 3 officiers négro-mauritaniens le 6 décembre 1987 après leur tentative d’octobre de la même année…). Un peu auparavant, les auteurs d’une tentative de putsch (mars 1981), venus du Maroc, avaient été passés par les armes…
Le climat délétère qui caractérisait le pays fera que la cohabitation entre les communautés nationales en prendra un sacré coup et verra son «épilogue» dramatique dans les évènements sanglants de 1989. Sous le régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, des milliers de négro-mauritaniens sont déportés au Sénégal et au Mali, et de graves violations des droits de l’homme seront exercées contre la communauté noire : exécutions extrajudiciaires, dépossessions, purges – souvent – sanglantes dans les corps constituées (armée, gendarmerie, garde, police…). La somme de ces violations est connue sous le nom de «passif humanitaire», même si, de façon plus ou moins simpliste, on a tendance à réduire ce «passif humanitaire» aux seules exécutions extrajudiciaires dont ont été victimes les militaires négro-mauritaniens entre fin 1990 et avril 1991.
1.2.3. De 1992 à nos jours
Bien que le multipartisme ait vu le jour, que des dizaines de partis politiques aient été créés et que des journaux indépendants soient édités, les droits de l’homme n’en furent pas pour autant respectés : censure de la presse indépendante, arrestations des leaders de l’opposition, procès politiques, harcèlement des défenseurs des droits de l’homme et non reconnaissance des ONG estimées être contre le pouvoir ; refus d’instituer le régime déclaratif en lieu et place du régime d’autorisation (en matière d’exercice des libertés).
Le régime de l’époque, contesté à l’intérieur et discrédité à l’extérieur, faisait la sourde oreille devant les revendications de ceux qui dénonçaient l’esclavage, et maniait le bâton contre ceux qui ramenaient au devant de la scène un passif humanitaire qui pendait au nez du pouvoir et que la loi d’amnistie de juillet 1993 n’arrivait pas à escamoter.
Ces deux questions (esclavage et passif humanitaire) furent même à l’origine de la dissolution par le pouvoir des deux plus grands partis d’opposition de l’époque : Action pour le Changement (A.C.) de Messaoud Ould Boulkheir et l’Union des Forces Démocratiques/Ere Nouvelle(UFD/EN) d’Ahmed Ould Daddah.
Sur le plan du processus politique, toutes les élections étaient contestables et contestées, critiquables et critiquées – d’ailleurs (tirs à balles réelles sur les manifestants de l’opposition à Nouadhibou après la présidentielle de janvier 1992; arrestation d’un candidat et son staff de campagne à la veille de la présidentielle de 2003…). Les droits de l’électeur et son avis étaient détournés : par intimidation ou achat de conscience. Il faut souligner que la construction démocratique se limitait à l’organisation d’élections alors qu’elle est d’abord l’expression de la culture citoyenne avec son corollaire : l’égalité des individus, l’égalité de chances. Elle doit être étayée par la notion de liberté et notamment la liberté de pensée, d’expression ouverte sur tous sur un même pied d’égalité.
Après la destitution de Ould Taya, ses successeurs (le CMJD présidés par Ely Ould Mohamed Vall, le président Sidi Mohamed O. Cheikh Abdellahi et l’actuel Président Mohamed Ould Abdel Aziz), s’attelleront, avec des fortunes diverses, à régler les grands problèmes du pays : amendement de la loi fondamentale, amnistie, loi criminalisant l’esclavage, retour des réfugiés, amorce de règlement du passif humanitaire…
2. Droits économique et sociaux
Comme partout ailleurs, en Mauritanie la hiérarchisation des diverses catégories des droits de l’homme a conduit à la marginalisation des droits économiques et sociaux, culturels par rapport aux droits civils et politiques. Et partout, le non respect de ces droits élémentaires a souvent constitué un obstacle à la jouissance effective des autres droits.
Le principe de l’universalité des droits de l’homme postule que tous les droits doivent être traités d’égale manière, notre Constitution dispose de façon formelle et sans équivoque que tous les citoyens ont doit à l’accès égal à l’éducation et à la culture.
En Mauritanie, les contraintes des programmes d’ajustement structurel conjugués avec la sécheresse et l’instabilité politique ont mis à rude épreuve l’effectivité du respect des droits économiques, sociaux et culturels : droit au travail, à la santé, à l’éducation et le respect du droit pour les personnes vulnérables : les femmes et les enfants, les handicapés, les réfugiés…
3. Droit à un environnement sain
Les citoyens mauritaniens à l’instar des autres citoyens du monde doivent jouir du droit à un environnement sain. A ce titre, et depuis plus d’une dizaine d’années, on parle d’une 3ème génération de droits auxquels sont associés le droit à la paix, à la sécurité, à l’environnement sain, droit au développement.
A notre connaissance, c’est la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui est actuellement le seul instrument juridique international à intégrer ces droits dans une convention internationale.
Cette audacieuse initiative a été consacrée par l’article 24 de la Charte « Tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant, propice à leur développement ». La Mauritanie est partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qu’elle a ratifiée.
III. Les défis à relever
1. L’esclavage / Les discrimination d’ordre «castal»
Certes une loi criminalisant l’esclavage a été prise, mais du formalisme du texte à la réalité sur le terrain il existe un énorme fossé. A plusieurs reprises, les activistes des droits de l’homme (entre autres SOS Esclaves, IRA-Mauritanie, etc.) ont eu à porter à la connaissance des autorités et de l’opinion des cas d’esclavage mais «ces affaires» ont presque toujours tourné en queue de poisson : peu de réactivité des autorités, rétractation des victimes, impunité des auteurs.
Néanmoins, quelques rares cas ont été jugés et leurs auteurs sanctionnés. Mais ce qui est le plus notable, c’est la répression systématique du pouvoir contre les militants anti-esclavagistes, notamment, ceux de IRA-Mauritanie qui, depuis plusieurs années maintenant, ont payé – et continuent de payer – un lourd tribut pour cette cause. Plusieurs des ses responsables ont été emprisonnés à plusieurs reprises ; Biram Dah Abeid, le leader du mouvement a fait des séjours presque contenu en prison où il se trouve jusqu’à nos jours, malgré qu’il ait été élu député lors des élections législatives de Septembre passé.
La détention de Biram, en dépit de la pression de la rue (réprimée avec violence par les forces de l’ordre) et celle de la communauté internationale, ne semble pas déranger le pouvoir en place…
Ceci étant, toutes les réformes dans le cadre du règlement du complexe problème de l’esclavage et ses séquelles demeureront insuffisantes tant que lesdites réformes ne s’attaqueront pas de manière frontale à l’ignorance et à l’extrême pauvreté, lits féconds qui font persister les séquelles de l’esclavage et freinent l’évolution du pays.
Il y a lieu donc de faire respecter le texte (nul ne devant être au-dessus de la loi) et de trouver une solution pour les victimes (aide à la réinsertion, sanction de ceux qui violent la loi et aussi ceux qui ne veulent pas l’appliquer)… d’autant plus que l’Etat, en plus de l’arsenal juridique incriminant et réprimant le crime de l’esclavage (ou actes assimilés), a déjà créé des tribunaux spéciaux voués au jugement des auteurs de ces crimes.
L’autre phénomène qui handicape le développement harmonieux de l’homme mauritanien et freine l’évolution sociale du pays ce sont les discriminations d’ordre «castal» qui font que les individus ne bénéficient pas du même statut, la stratification de la société les distinguant par la naissance. Le résultat est que, jusqu’à nos jours, se pose un problème de brassage entre citoyens : certains, adeptes d’un conservatisme à tout crin, voient mal, par exemple, les leurs convoler en justes noces avec des personnes de statut différent.
2. Les déportés / réfugiés
C’est beau de faire revenir les réfugiés, encore faut-il qu’à leur retour ils ne se retrouvent pas réfugiés dans leur propre pays. Or, depuis que le processus de leur a été enclenché, en 2008, avec la création de l’ANAIR (Agence nationale pour l’accueil et l’insertion des réfugiés), devenue quelques plus tard TADAMOUN (avec de nouveaux objectifs), un programme viable doit accompagner leur retour : réinstallation dans leur site d’origine (sinon installation dans un site convenu), établissement des papiers d’état civil (qui est un problème particulièrement compliqué pour ces « revenants »), restitution de leurs biens spoliés (en particulier leurs terres), infrastructures (centre de santé, eau, école, mosquée…).
Il faut reconnaître qu’un effort a été fait dans ce sens par les pouvoirs publics mais ils restent néanmoins insuffisants.
3. Les rescapés / Les employés licenciés
Les rescapés militaires et les victimes civiles (licenciés) ont été recensés; les premiers dans l’amorce du règlement du passif humanitaire initié sous le Haut Conseil d’Etat (HCE) et qui s’est poursuivi et les seconds par une Commission sous tutelle du Ministère de la Fonction Publique. Malheureusement, ni les premiers, ni les seconds, n’ont vu leur problème solutionné. S’agissant des militaires, la «Commission du HCE» – qui avait négocié avec le COVIRE (Collectif des Victimes de la Répression) – après avoir «bouclé le dossier» avait fait le dos rond : les veuves avaient reçu une petite compensation (un montant inférieur à 2 millions d’UM et un terrain pour chacune), les «purgés», avec des listes établies, cahin caha, ont bénéficié des montant symboliques variant entre 600.000 et 1.200.000 UM et une pension proportionnelle alors que ceux qui ont été victimes de sévices étaient devenus des handicapés à vie et que tous, après plus d’un quart de siècle ont du mal à survivre avec une pension dérisoire.
Pire, sur les milliers de victimes (morts, blessés, révoqués ou déportés), beaucoup ont été omis dans le règlement du passif humanitaire, malgré les recours qu’ils ont introduit pour être rétablis dans leurs droits.
Quant aux licenciés civils et assimilés, seul un nombre peu significatif d’enseignants ont été réintégrés (sans revalorisation salariale ni reclassement); les autres attendent toujours qu’une solution soit trouvée à leur problème.
Il y a lieu, très rapidement, de mettre un terme au calvaire de ces victimes par leur réintégration, leur indemnisation et une ouverture au bénéfice d’une pension de retraite pour ceux qui ont atteint l’âge.
4. Le problème des expulsés mauritaniens du Sénégal
Les douloureux évènements entre la Mauritanie et le Sénégal d’avril 1989 ont engendré de graves violations des droits de l’homme à l’encontre de Mauritaniens au Sénégal. Ces derniers ont subi d’énormes préjudices aussi bien moraux, physiques que matériels.
Certes, à leur retour, ils avaient bénéficié d’une certaine aide de l’élan de solidarité des citoyens. Certains avaient bénéficié des mini-projets dont la presque totalité n’a pu prospérer.
Il revient aux autorités mauritaniennes de chercher avec les autorités sénégalaises une solution adéquate à leurs problèmes (indemnisation).
5. Le passif humanitaire
Le passif humanitaire, malgré l’amorce de solution du temps du HCE (Prière de l’Absent par le Chef de l’Etat à Kaédi en mars 2009, octroi de terrains et une somme symbolique d’argent aux veuves), paiement de montant symbolique et bénéfice de pension proportionnelle, reste encore une épine dans le pied du pays, et mine le tissu de la cohabitation.
Il serait très prétentieux de penser le solutionner sans un large consensus national et la mise en place d’une Commission pour faire la lumière sur ce qui s’est passé et préconiser les moyens de dépasser le problème.
Quoiqu’il en soit – et quelle que soit l’issue – il ne serait pas seyant de faire l’économie d’un certain nombre de devoirs :
- devoir de Mémoire
- devoir de Vérité
- devoir de Justice
- devoir de Réparation
- devoir de Réconciliation.
A ce niveau il est normal que ceux qui ont subi les affres des années de plomb, qui ont vu les leurs souffrir ou disparaître soient plus sensibles sur cette question.
Tout comme il est normal qu’ils demandent que l’on fasse un geste dans leur direction avant d’exiger d’eux qu’ils tournent la page.
Et pourtant nous devons finir avec ce passé, nous en libérer définitivement et aller de l’avant.
Tous les pays ont eu leurs années noires, tous ceux qui ont eu la volonté politique, l’envie les ont laissées derrière.
Ne sommes-nous pas capables de trouver une solution qui privilège le dialogue, la négociation, la contribution collective et participation de la société civile pour refermer définitivement le dossier des cadavres, des ossements, des disparitions forcées, des tortures et des tortionnaires?
Pour toutes ces raisons, il y a lieu d’ouvrir un débat, en brisant les tabous qui entourent cette partie de l’histoire du pays ; chose importante qui n’a d’égale que la recherche d’un consensus avec la participation de tout le monde à une réflexion collective sur les années de plomb.
Notre but ici n’est pas de fabriquer un récit sur l’histoire mais de proposer un espace de débat pour une lecture plurielle, parfois conflictuelle mais salutaire pour permettre à la Mauritanie de mieux s’enraciner dans les valeurs communes, celles du vivre ensemble dans le présent et dans le futur.
6. La justice
La nécessité de la réforme de la justice est « revendication sociale » continue qui accompagne le processus de transaction démocratique et renforce les acquis des droits de l’homme.
S’agissant du milieu carcéral, les prisons sont pleines mais elles le sont parce qu’une tradition d’enferment inhérente à la culture de punition est aujourd’hui inscrite sur le fronton d’une certaine justice.
Il y a lieu de se soucier d’harmoniser la détention carcérale, le régime de garde-à-vue, la procédure d’instruction, le choix des juges et le principe de la présomption d’innocence.
Toutes les réformes que la justice a connues sont de forme et non de structure. Or, la complexité de plus en plus grande de la société mauritanienne exige une autre justice, une culture judiciaire adaptée qui s’inscrit dans le canon de la modernité et d’une vision prospective. Tout l’apanage des textes sur la détention préventive, la présomption d’innocence, la responsabilité pénale, les dérives, appellent à la vigilance structurelle.
La justice, pilier de l’autorité de l’Etat, est le fondement de la démocratie qui garantit les droits et libertés et assure la prééminence de la loi et la consolidation de l’Etat de droit à travers l’accès de tous à la justice et à l’égalité de tous devant la justice. Cela suppose :
- le respect de la présomption d’innocence pour tous les suspects, les inculpés, les prévenus et les accusés ;
- l’assistance effective d’un conseil à tous les stades de la procédure, notamment à partir de la garde-à-vue ;
- le droit à être jugé dans un délai raisonnable ;
- la réduction des coûts élevés de la justice qui exclut de fait l’immense majorité des Mauritaniens du droit devant le prétoire ;
- l’application diligente des jugements rendus.
Par ailleurs, la justice se devrait de couper avec la lourdeur et la lenteur qui la caractérisent.
Il faut tout de même louer la décentralisation, à Nouakchott, des tribunaux de wilayas (Nord, Ouest, Sud).
7. Les violations des droits de l’homme au quotidien
Ces violations concernent généralement le comportement des administrateurs, des forces de l’ordre à l’égard des personnes (iniquité entre les justiciables, gestion douteuse de la garde à vue…) et la situation des lieux carcéraux (engorgement des locaux, mauvaise nourriture, problème de santé…).
Il est évident que les droits de l’homme concernent à plus d’un titre les violations dont sont victimes les femmes, les enfants et les handicapés. Ils concernent aussi les problèmes liés à la torture à l’abolition de la peine de mort, le terrorisme, la corruption, l’impunité, etc.
Concernant la torture, une loi a été adoptée pour réprimer ceux qui s’y adonnent (loi n°2015-033 du 10 Septembre 2015) ; de même qu’une loi spécifique a été adoptée contre la corruption dont se rendent coupables les agents et fonctionnaires de l’Etat (loi n°2016-014 du 15 Juillet 2016).
Malheureusement, c’est surtout sur le plan des libertés, mais aussi institutionnel, que les droits sont le plus violés.
On se rappelle des amendements constitutionnels de 2017 portant, en particulier, sur la suppression du Sénat ; amendements votés par voie référendaire, en violation des dispositions de la Constitution. Cet épisode avait conduit à la mise sous contrôle judiciaires de plus d’une dizaine de sénateurs, de journalistes indépendants et à l’émission par les autorités mauritaniennes de mandats d’arrêt contre deux hommes d’affaires dont l’un a été, quelques années auparavant, poussé à l’exil.
Aussi, en plus de la répression contre les défenseurs des droits de l’hommes (notamment les militants d’IRA-Mauritanie) et le refus de délivrer des récépissés de reconnaissance à des ONG ou des partis politiques qui ne seraient pas en odeur de sainteté, le pouvoir s’est évertué à réprimer les manifestations organisées par les opposants politiques, en particulier, ceux regroupés autour du Front National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU).
La crispation sociopolitique et la contestation des dernières élections couplées (législatives, régionales, municipales) auxquelles l’opposition avait participé constituent des motifs d’inquiétude à l’approche de l’élection présidentielle de 2019, considérée à haut srisque.
IV. Conclusion
Dans l’ensemble, les choses évoluent dans le bon sens, si l’on se situe surtout sur le strict plan du cadre légal : Conseil Constitutionnel, Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA), Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), TADAMOUN, Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), Commissariat aux Droits de l’Homme, Institution de l’Opposition Démocratique, suppression de l’article 11 censurant la presse, loi sur la libéralisation de l’audiovisuel...
Néanmoins, il faut déplorer la suppression, lors du référendum du 5 Août portant sur les amendements constitutions, de la Médiature de la République et du Haut Conseil Islamique.
Malgré ces quelques avancées importances, le bilan des 58 ans des droits de l’homme en Mauritanie reste quand même contrasté.
L’essentiel maintenant est de consolider les acquis et d’aller de l’avant pour mieux pouvoir déceler les chantiers de l’avenir en comptant sur les apports de tous, loin des surenchères et des revendications maximalistes. L’essentiel c’est aussi et surtout de voir comment la Mauritanie peut à la fois faire face aux dérapages des uns et des autres et répondre positivement aux attentes des citoyens en matière de droits (de l’homme), en restant exigeant quant au respect du au droit.
Nouakchott, 10/12/2018
Maître Mine O. Abdoullah
Président de la L.M.D.H.