La nouvelle a fait sensation et ne cesse de faire le buzz dans les media et les réseaux sociaux. Un comité interministériel de sept ministres, présidé par le premier d’entre eux, a attribué, le 5 Octobre dernier, une concession de trente ans, portant sur le financement, la construction et l’exploitation d’un terminal à conteneurs et d’une jetée pétrolière, au port autonome de Nouakchott, à la société ARISE-Mauritanie dont le représentant local ne serait autre que… le beau-fils du président de la République. Deux jours plus tôt, le Comité permanent de la Commission nationale du contrôle des marchés publics, s’était réuni, avec une célérité qu’on ne lui connaît qu’en matière de marchés « sensibles », pour déclarer qu’il n’avait pas d’objection audit projet. La ficelle était pourtant trop grosse. Pourquoi ladite Commission, censée vérifier la régularité de tous les marchés, n’a-t-elle pas pris le temps d’étudier le dossier, demander plus de précisions, se renseigner sur la société et exiger, pourquoi pas, un appel d’offres international, histoire d’attribuer le marché à la société la plus disante, en termes d’investissements, production d’emplois et de retombées financières sur le pays ? Pourquoi OLAM, une société indienne spécialisée dans l’agro-alimentaire, si elle n’a pas bénéficié d’un bon coup de piston ? Partout sur la planète, les ports sont devenus, depuis quelques années, l’objet de luttes acharnées, entre multinationales prêtes à tout pour obtenir leur gestion. Celui de Nouakchott ne déroge pas à la règle. Dans ces conditions, pourquoi n’avoir pas fait jouer la concurrence, si le gouvernement veut en privatiser une partie et n’a que l’intérêt du pays en ligne de mire (CQFD) ? La convention, passée, comme une lettre à la poste et pour cause, ne tarde pas à être exposée sur la place publique. Dans un pays normal, où les gouvernants entretiennent un minimum d’éthique, ce genre de marché donnerait lieu à des démissions en cascade, des procès à la pelle et ses auteurs livrés à la vindicte populaire, pour le restant de leur vie. Mais, en Mauritanie nouvelle, tout est permis – seulement à certains – comme vendre une centrale électrique trente millions d’euros plus cher que ses concurrents, parce qu’on est adossé à un membre du clan, piller les sociétés d’Etat (comme la SNIM qui croule sous le poids de la dette et qui risque de mettre la clé sous le paillasson) ; en fermer certaines, effaçant ainsi toute trace de pillage ; fonder des sociétés ex nihilo et leur attribuer autant de marchés qu’on veut. On pourrait multiplier les exemples à l’infini, tant le pays est en coupe réglée, depuis une décennie. Face au tollé provoqué par l’affaire et en l’absence de réaction officielle, Ould Djay, le ministre de l’Economie et des Finances, l’un des signataires de la convention, donne certaines précisions sur sa page Facebook. Selon lui, la société paiera, au port autonome, cinquante dollars, pour chaque conteneur vingt pieds, et soixante-quinze, pour celui de quarante ; plus deux dollars par mètre cube d’hydrocarbures débarqué. Ce qui permettra, au PANPA, d’engranger cinq cent cinquante millions de dollars en trente ans, soit deux milliards d’anciennes ouguiyas par an. La société réalisera un investissement de trois cents quatre-vingt-dix millions de dollars et créera sept cent cinquante emplois pendant les travaux et cinq cents permanents. Clap, clap ! Tout ceci est bien beau mais… il y a anguille sous roche. C’est-à-dire, toujours la même lancinante question : comment peut-on attribuer marché d’une telle ampleur sans faire jouer la concurrence ? Monsieur le ministre, dites-vous bien qu’il arrivera un jour – imminent, on l’espère – où vous aurez, tous, à rendre comptes. Ils font les bons amis, dit-on. A condition, bien sûr, qu’ils soient eux-mêmes bons…
Ahmed Ould Cheikh