Depuis la visite en 2014 de la rapporteuse spéciale des Nations Unies, Gulnara Shahinian qui s’occupe des nouvelles formes d’exploitation, notamment les séquelles d’esclavage et le travail des enfants, le gouvernement mauritanien est pris d’une frénésie autour de tout ce qui a trait à l’esclavage. L’interminable débat sur les pratiques ou les séquelles ne semble plus d’actualité. Depuis, une agence dénommée TADAMOUN ayant pour mission entre autre de réinsérer les victimes de l’esclavage à travers des programmes structurants a été créée. Une feuille de route de vingt neuf points a été adoptée en conseil des ministres du 6 mars 2014 et un comité interministériel présidé par le Premier ministre a été mis sur pied ayant pour mission de la mettre en œuvre dans les plus brefs délais. Un tribunal spécial a été prévu pour juger les pratiques esclavagistes élevées depuis le dialogue d’octobre/novembre 2011 au « grade» de crime contre l’humanité à la suite d’un amendement constitutionnel. Il y a deux à trois semaines (15 et 16 septembre 2014) le ministère des affaires islamiques et de l’enseignement originel a organisé une rencontre inédite d’hommes de religion pour parler de la problématique de l’esclavage. De vastes campagnes de sensibilisation auxquelles prendraient part ces érudits, seraient même prévues à travers toutes les wilayas du pays afin de combattre les préjugés et anachronismes liés au phénomène de l’esclavage. Dernièrement, la Mauritanienne (la TV officielle) a organisé deux débats sur la question. Chaque fois Boubakar Messoud, président de SOS Esclaves, Cheikh Ahmed Ould Zahav, ancien ministre et Me Bilal Ould Dik, nouvellement promu directeur administratif et juridique de TADAMOUN ont été convié aux débats. Autant le vieux militant des droits de l’homme n’a pas changé d’un iota sur la question, continuant à accuser les autorités judiciaires de protéger les esclavagistes, autant Ould Zahav semble avoir mis beaucoup d’eau dans son zrig essayant avec habileté de raisonner objectivement sur un terrain particulièrement glissant. Par contre, le jeune avocat Bilal Ould Dik semble encore dopé par sa promotion au point de ne pas comprendre qu’une dizaine de forages, une vingtaine de diguettes, quelques dizaines de salles de classes et quelques points de santé ne constituent pas un si grand bilan pour une institution comme TADAMOUN doté d’un budget d’un peu moins de dix milliards d’ouguiyas. Officiellement, la Mauritanie ne reconnaît que l’existence des séquelles de l’esclavage, malgré l’existence d’un dispositif juridique pour combattre les pratiques esclavagistes. Ce point de vue officiel dont le président Mohamed Ould Abdel Aziz est le premier « promoteur» pose problème en terme d’applicabilité de la loi 048/2007. Les magistrats sont à ce titre dans un véritable dilemme. Contredire le président en qualifiant correctement les dizaines de dossiers souvent bien ficelés qui pendent au niveau de leurs tribunaux ou continuer à jongler avec la loi en attendant une véritable volonté politique sans laquelle les symposiums, toutes les lois du monde, les programmes de toutes les agences possibles et imaginables, les débats à tout va et les professions de foi ne seront qu’une épée dans l’eau et ne serviraient strictement à rien dans l’éradication de l’esclavage.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».