LES « REALISATIONS »DE LA DECENNIE (II)
Dans le domaine hydro-agricole
11- Les aménagements hydro-agricoles
- s’est engagé à allouer 11 milliards d’ouguiyas pour la période 2010-2013 destinés à l’aménagement de 4.260 ha et la réhabilitation de 2.067 ha. L’État s’est engagé également à financer dans le cadre de ce programme les études pour l’aménagement de 7.000 autres ha dans le cadre du Programme de Développement Rural Intégré (PDRI : 2013-2018). La réalisation des études de ce vaste programme d’investissement et le contrôle des travaux ont été confiés à la Direction de l’Aménagement Rural (DAR) et non à la SONADER qui dispose normalement de plus d’expérience et d’expertise dans ce domaine.
- programme a connu beaucoup de retards dans son exécution en raison, notamment, de la qualité très insuffisante des études sur la base desquelles les marchés de travaux ont été conclus. Par ailleurs, les coûts des projets réalisés sont particulièrement élevés et la qualité des travaux exécutés est douteuse, eu égard aux capacités limitées de la DAR en matière de contrôle des travaux. Par ailleurs, la plupart des marchés de travaux ont été confiés à la Société Nationale des Aménagements et Travaux (société d’état créée en 2007) dans le cadre de conventions avec la DAR. La SNAT, qui ne dispose pas d’expérience suffisante en matière d’aménagement, a sous-traité l’essentiel des travaux à la Société des Travaux Agricoles du Maroc (STAM) connue pour être bien introduite dans les hautes sphères du pouvoir.
- projets initialement prévus ont été retirés du programme, en raison de l’insuffisance des études pour être inclus dans le programme PGIRE 2 financé par la Banque Mondiale.
- une fois, la dimension politique très prononcée de ce programme, a contribué à en limiter l’efficacité et l’efficience, et risque de remettre en cause sa durabilité alors qu’il aura coûté plus de 11 milliards d’Ouguiyas.
12- Projet de canal de l’Aftout Es Saheli
Les travaux du Canal d’Aftout Saheli ont été engagés en 2013 dans l’improvisation et sans études préalables. D’une longueur totale de 55 kilomètres, il est financé sur fonds propres de l’État mauritanien pour un coût global de 13 milliards d’ouguiyas (environ 36 millions de dollars US).
Le Canal d’Aftout Saheli, devrait permettre, à l’origine l'irrigation de 17.000 hectares de terres agricoles. Réalisé par le groupement SNAT/STAM et le Génie Militaire, 15 kilomètres de ce canal ont été calibrés et approfondis, tandis que les 40 autres ont été creusés. Le projet comporte également la construction de 6 ponts destinés à faciliter la circulation dans la zone et la mise en place d’une installation de drainage.
Ce projet suscite les questions suivantes :
- Un tel investissement est-il rentable ?
- Selon quelles procédures ont été attribués les marchés et sur quelles bases ont été évalués les coûts de projet ?
- Ce projet se situant dans une zone deltaïque sensible, pourquoi les études d’impact environnemental nécessaires n’ont-elles pas été réalisées ?
13- Projet sucrier de Foum Gleita
Le Projet sucrier de Foum Gleita a été annoncé en 2010 à l’issue d’un voyage présidentiel au Soudan, qui s’est concrétisé par un Protocole Cadre de Coopération entre la Mauritanie et le Soudan, au titre duquel il a été décidé de confier à KETS qui est le bras technique de la société KENANA (Société privée spécialisée dans la réalisation et la gestion de complexes sucriers, basée au Soudan) le soin de réaliser l’étude de faisabilité complète du projet.
Le projet proposé par l’étude de KETS comporte : (i) l’aménagement d’un périmètre sucrier irrigué gravitairement à partir du barrage de Foum Gleita d’une superficie de 11 352 ha dont 9 460 ha réservés à la production de la canne à sucre ; (ii) la construction d’une usine de sucre d’une capacité de production de 106 000 tonnes de sucre blanc qui sera équipée d’une distillerie pour la transformation des sous-produits (éthanol, et bagasse) ; iii) la construction de deux cités dotées de services de base, l’une pour les employés du complexe et l’autre pour rassembler les différents petits villages et hameaux éparpillés à travers la zone d’exploitation du complexe. Le coût total du projet avait été estimé à 364 millions dollars soit environ 105 Milliards d’Ouguiya.
Selon le planning d’exécution de l’étude KETS, le projet devait être construit au cours de la période 2012-2014, et commencer la production de sucre en 2014 pour atteindre son régime de croisière en 2016.
Un contentieux, relatif au paiement des honoraires, a provoqué à la suspension de la coopération de la Mauritanie avec la KETS. Les autorités ont alors créé une nouvelle société d’économie mixte dénommée : « Société Sucre de Mauritanie (SSM-sem) ». Le montage financier retenu par l’État pour mobiliser le capital de cette société a mis à contribution des entreprises parmi lesquelles : la SNIM, la CNAM, le PANPA, des banques nationales. Les nouvelles études d’Avant-Projet Détaillé (APD) engagées par la SSM-sem ont révélé des contraintes insurmontables remettant en cause la validité des conclusions de KETS. parmi lesquelles : (i) l’insuffisance des eaux du barrage qui ne peuvent irriguer, en plus des 3.600 ha, qu’un maximum de 4.000 ha (ii) l’étroitesse des superficies pédologiquement aptes à la canne sucre dans la zone attribuée au Projet, qui ne dépassrnt pas 4.000 ha environ ; et sur les zones à aménager seule une superficie de 1.000 ha environ pourra être irriguée gravitairement à partir du barrage, la superficie restante nécessitant le recours au pompage qui engendrera des coûts additionnels et des frais d’exhaure. Ces nouvelles données ont remis en cause la faisabilité du projet. Les autorités envisagent, à présent, de déplacer ce projet, avec l’aide de la coopération chinoise, dans la zone du walo du Gorgol pour creuser un canal d’irrigation à partir du fleuve Sénégal.
Ce fiasco illustre, une fois de plus, les méfaits de la politisation à outrance des décisions d’investissements prises sans consulter les experts et services techniques compétents dont les avis sont indispensables pour s’assurer de la faisabilité et de la pertinence des projets. On estime que dans le cas du présent projet, des dépenses d’environ 5 milliards d’ouguiyas ont été engagées, en pure perte dans des pépinières, des études, des formations de techniciens, et des frais de fonctionnement de la Société chargée du Projet qui, avant le démarrage de ses activités, compte plus de trois cents employés. Aucune intention ne s’est encore manifestée pour arrêter ces dégâts.
14- Le complexe laitier de Néma
Le complexe laitier de Nema est composé d’une unité centrale de transformation et de trois (3) centres de collecte à travers la région. Il est d’une capacité de production journalière de : 30.000 litres de lait frais ; 9000 litres de lait pasteurisée et 2000 litres yaourt.
On ne pouvait raisonnablement lancer un tel projet sans étude préalable. Malheureusement, comme à son habitude, le régime a choisi l’effet d’annonce au détriment de la viabilité du projet. Réalisée à un coût de 17.8 millions de dollars, l’usine qui fut inaugurée en 2015, fût très vite confrontée à des problèmes majeurs, en particulier, l’impossibilité de collecter les quantités de lait frais nécessaires à son fonctionnement.
En effet, les volumes quotidiens de lait nécessaires au fonctionnement de l’usine étaient impossibles à trouver, et ce malgré l’implication des autorités administratives dans les opérations de collecte. On s’est alors rabattu sur la production de lait longue conservation (UHT) à partir du lait en poudre importé de l’extérieur et acheminé à Nema pour être retraité et ramené à Nouakchott pour y être vendu. Pour faire face à cette déconvenue, quelle solution envisager ? Le choix s’est porté, maintenant, l’importation de vaches laitières pour un élevage intensif à Nema afin d’approvisionner l’usine en lait. A cet effet, il est prévu une ferme d'amélioration génétique avec des espèces importées d'Europe ainsi que des cultures fourragères sur des dizaines d'hectares, non loin de la ville de Néma. Les inséminations, destinées à « l'amélioration génétique » des espèces mauritaniennes, devraient se faire sur une année, dans une première phase, à raison de 300 vaches productrices tous les trois mois.
Pour assurer l’aliment de bétail, il a été par ailleurs décidé de construire à Néma une usine de décorticage du riz paddy en provenance de la vallée du fleuve.
L’entêtement à persister dans l’erreur se manifeste ici comme ailleurs.
Dans le domaine de la pêche
15- Poly Hongdong
La société Poly Hondong Pelagic Fisheries a bénéficié d’une convention d’établissement en 2010. Le projet fut présenté comme un complexe de transformation des petits pélagiques destinés à créer 2300 emplois.
En lisant la convention on se rend compte déjà qu’il s’agit d’une opération qui interroge sur les points suivants :
1- La durée de la convention. La convention a une durée de 25 ans ; une première dans les annales de la pêche
2- L’octroi de licences pour les céphalopodes. La société a bénéficié de licences de pêche pour les céphalopodes avec des engins destructeurs (chalut en bœuf), et ce au moment où tous les organismes scientifiques chargés de la gestion et du suivi de la ressource halieutique (IMROP, FAO) appelaient à une diminution drastique de la pression sur la ressource céphalopodière étant donné le niveau de surexploitation inquiétant qu’elle avait atteint
3- L’exonération. La société bénéficie d’exonérations fiscales et douanières injustifiées d’une ampleur sans précédent
4- L’exemption du passage par le SMCP. La société n’est pas soumise au monopole de la SMCP pour la commercialisation, ce qui lui permet de pratiquer des prix qui perturbent le marché.
Les 2300 emplois promis n’ont évidemment pas été créés, les effectifs actuels ne dépasseraient guère 1200 employés.
16-Usines de farine de poisson
Entre 2011 et 2015 le Gouvernement a autorisé environ 40 usines de farine de poisson qui n’ont bénéficié qu’à des proches. En fait d’usines il s’agit d’épaves destinées au démantèlement ailleurs en raison de leur vétusté et de leur danger pour l’environnement. Cette opération a été conçue, pour permettre aux proches du régime de profiter du secteur de la pêche et bénéficier d’emplacements dans un domaine public maritime très convoité.
Dans le document de la stratégie adopté par le Gouvernement pour la période 2015-2019 ce dernier reconnaît lui-même le désastre occasionné par ces usines. On peut ainsi lire à la page 9 : « Le développement incontrôlé de ces usines minotières pose également des problèmes d’ordre environnementaux et des conflits d’occupation du domaine public maritime ».
17- Politique des quotas :
La politique des quotas est supposée préserver la ressource par la détermination des quantités prélevables annuellement après déduction des autorisations déjà accordées, en partant de données scientifiques. Il s’est avéré malheureusement que les critères et les normes suivis pour ce système n’ont pas été respectés. Et ce pour les raisons suivantes :
- La détermination de ce potentiel, notamment pour les céphalopodes, l’a été de façon erronée : si les rapports de l’IMROP, seule référence scientifique, avaient été pris en considération il n’y aurait tout simplement pas eu de quotas à distribuer parce que la ressource céphalopodière est en état de surexploitation aigus. L’IMROP dans ses recommandations appelle d’ailleurs à une diminution de 17% de l’effort de pêche pour cette ressource
- L’affectation de ces quotas, qui n’auraient pas dus être attribués, ne s’est pas faite de façon transparente loin s’en faut : tous les quotas distribués n’ont bénéficié qu’aux proches du régime en contradiction flagrante avec le code des pêches et les règles édictées par l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Halieutiques à laquelle notre pays a adhéré.
(A suivre : Cinquième partie : Les indicateurs internationaux de la gouvernance)