Le premier tour des élections municipales, législatives et régionales a vécu. Et ses résultats n’ont été proclamés que samedi dernier, soit une semaine, jour pour jour, après la fin du vote. Certes, le scrutin était lourd : cinq consultations en une, plus de quatre mille bureaux de vote, près de deux mille deux cents listes en compétition et environ cent partis, pour un marathon où les recalés furent, et de loin, plus nombreux que les admis ! Un challenge presqu’impossible à relever, pour une commission électorale qui traînait un vice rédhibitoire, celui d’être plus politique que technique, et de ne pas avoir fait l’objet d’un consensus entre les partis, particulièrement ceux de l’opposition radicale qui considèrent, à juste titre, qu’ils en ont été exclus. La CENI a, malgré tout et tant bien que mal, tracé son petit bonhomme de chemin, essuyant, au passage, salves sur salves de critiques. Dont certaines, il faut le reconnaître, sont bien fondées. Des représentants choisis sur des critères qui furent tout, sauf objectifs, et dont certains étaient ouvertement engagés dans la campagne de l’UPR ; des présidents de bureaux de vote zélés, au profit du parti/Etat, excluant les représentants d’autres partis ou refusant de remettre des copies des PV du dépouillement ; des cas de bourrage d’urnes signalés, ici et là. Tout ceci, et autres « petits détails », ont-ils faussé, de manière significative, l’issue du scrutin ? « Oui », répond en chœur l’opposition pour qui la volonté des électeurs a été « usurpée », par la fraude massive et les manipulations généralisées des résultats. Au profit de qui, selon vous ? Du parti dont le président de la République est devenu le directeur officiel de campagne ; celui qui se prévaut de plus d’un million cent mille adhérents mais dont, chose bizarre, moins du cinquième a voté en sa faveur ; le parti des notabilités, des féodaux, des fonctionnaires et de l’administration territoriale ; le parti, qui raflera, comme le PRDS en son temps, la majorité des sièges, au Parlement, et des conseils municipaux, avant de se volatiliser, à la première secousse qui emportera son fondateur ; un parti qui, malgré tous les moyens légaux et illégaux dont il a usé et abusé, ne réussira pas à obtenir les fameux deux-tiers des députés de l’Assemblée dont Ould Abdel Aziz s’est fait une barrière psychologique. À moins de s’allier avec les autres partis de la majorité et autres qui auront obtenu des représentants à la Chambre, désormais unique, du Parlement. Pour faire quoi ? Tenter l’opération kamikaze des amendements constitutionnels et ainsi faire sauter le verrou des mandats présidentiels qui commence à hanter ses nuits.
Kamikaze : Personne qui se met délibérément en grand danger, à un niveau personnel, professionnel ou autre… On peut certes comprendre qu’Aziz joue le tout pour le tout, pour se maintenir au pouvoir, mais, en agissant ainsi, ne fait-il pas courir de plus graves dangers au pays ? La réponse, en fin de comptes, est bel et bien d’abord entre les mains des électeurs : ils ont encore la possibilité de faire élire plus d’un bon tiers d’opposants résolus à cette aventure. On peut, bien évidemment, parier sur la capacité du pouvoir à tout faire, y compris la plus grossière fraude, pour contrecarrer cette éventuelle volonté populaire. Mais l’important est que celle-ci se manifeste : même s’il la camoufle, le pouvoir saura parfaitement, lui, à quoi s’en tenir. Et mesurer, ainsi, l’exact danger de l’option kamikaze…
Ahmed Ould Cheikh