2008-2018: une décennie perdue (troisième partie)/Par MOUSSA FALL, président du mouvement pour le changement démocratique (M.C.D.) Configurer UNE DESASTREUSE POLITIQUE D’AFFECTATION DES RESSOURCES

6 September, 2018 - 02:38

Des secteurs sociaux sacrifiés

 

Les trois principales destinations de dépenses passées en revue plus haut représentent les priorités de la politique budgétaire des pouvoirs publics sur les dix dernières années. Le reste des ressources a été réparti entre l’ensemble des autres secteurs de l’activité du pays. Il n’est pas surprenant, dans ces conditions, que des secteurs réellement prioritaires tels que l’éducation, la santé, l’éradication de la pauvreté, l’unité et la cohésion nationales, aient été traités en parents pauvres durant toute cette période

 

  1. L’éducation nationale.

 

Tableau sur le budget de l’éducation nationale

 

 

 

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Budget éducation (en millions de MRO)

22784

34884

30180

33487

43229

47967

50515

48476

53094

52380

47187

 

 

Tableau sur les dépenses de l’éducation en % du PIB

 

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Dépenses Educ/%Pib

3,1%

4,1%

3,8%

3,3%

3,7%

3,1%

3,0%

3,0%

3,4%

3,2%

2,7%

                       

 

Le premier graphique montre que le budget de l’éducation nationale a augmenté en valeur nominale jusqu’en 2015, année à partir de laquelle on constate l’amorce d’un recul.

 

Le second graphique en revanche révèle que, en pourcentage du PIB – l’indicateur qui mesure l’effort réel consenti-, les dépenses publiques à destination de ce secteur ont amorcé depuis 2008 une courbe résolument descendante pour atteindre 2,7% du PIB en 2017.

 

Considéré comme étant la condition première du développement social et économique d’une nation, le secteur de l’éducation constitue la priorité de toute politique de bonne gouvernance. Il absorbe généralement le volume le plus élevé des dépenses budgétaires publiques. A titre d’exemple le Sénégal affecte 7,3% de son PIB et le Maroc 5,4% du PIB à l’éducation. (Http://data.uis.unesco.org/)

 

"Détruire un pays ne nécessite pas l'utilisation de bombes atomiques ou l'utilisation de missiles à longue portée. Il suffit d'abaisser la qualité de l'éducation ».  De toute évidence, c’est cette œuvre de destruction qui se déroule sous nos yeux, au vu des maigres ressources qui sont affectées au secteur de l’éducation et à l’indifférence des pouvoirs publics face à la dégradation criante de ce secteur.

 

Zone de Texte: NB : Toutes les données chiffrées et les tableaux ci-dessous sont tirés de l’Annuaire des Statiques Scolaires du ministère de l’Éducation Nationale (http://www.education.gov.mr/) et du Rapport d’État sur le Système Éducatif National (RESEN). (http://madrs.net/?q=content/rapport-détat-sur-le-systeme-éducatif-national-en-mauritanie-resen)

Le Rapport Final de la Commission Nationale des États Généraux de l’Éducation et de la Formation a identifié les problématiques majeures que confronte notre système que sont : (1) l’accès et l’équité ; (2) la qualité et la pertinence ; (3) la gouvernance

 

a) - Le taux brut de scolarisation, le niveau des élèves, l’égalité des chances à l’école :

La première étape vers la scolarisation passe par le préscolaire. Ce niveau, destiné aux enfants de 3 à 6 ans, a pour objectif de préparer l’enfant à aborder avec succès les l’apprentissages scolaires et joue un rôle essentiel parce qu’il met en place les bases de l’édifice, à savoir, toutes les dispositions et les potentialités que l’enseignement élémentaire aura à développer. Or ce niveau est très peu développé dans notre pays avec un taux brut de scolarisation (TBS) de 8 à 9% d’une part, très peu présent à l’intérieur du pays, et dispensé à 68% par le privé le rendant inaccessible aux enfants du monde rural et à ceux dont les parents sont incapables de financer les études.

La seconde étape est le cycle fondamental. A ce niveau, l’effectif des élèves est de 627710 pour l’année scolaire 2016- 2017. Le dernier Rapport d’État sur le Système Éducatif National (RESEN) fait état, d’une amélioration sensible des niveaux quantitatifs de scolarisation, mais met aussi l’accent sur :

  • L’importance du taux de déperdition. Le Rapport constate que 28% des enfants n’accèdent toujours pas à la dernière année du primaire et que sur 100 enfants qui entrent au fondamental, seuls 34 accèderont en 1ère année d’enseignement du secondaire et seuls 12 accèderont à la dernière année du second cycle du secondaire
  • La faiblesse des niveaux d’acquisition qui ne cessent de se dégrader. L’évaluation des acquis « a révélé un niveau très faible en langues et en mathématiques, faiblesse des acquis qui s’accompagne d’un niveau de variabilité très élevé entre élèves et wilaya. En effet, en moyenne un élève de 3ème AF n’arrive à maîtriser que 23% du programme d’Arabe et seulement, 13% du programme de Français. En 5ème AF, la maitrise des langues s’améliore légèrement avec 40% d’élèves maitrisant le programme d’Arabe, 16%celui du Français. Toujours en 5ème AF, le programme de Mathématiques n’est maitrisé que par 9% des élèves. » (RESEN)

Le tableau qui suit récapitule l’évolution des niveaux en arabe, en français et en mathématiques. On y note la faiblesse des niveaux en général entre 2003 et 2014, une légère amélioration en arabe, 40% au lieu de 32%, une stagnation à 16% en français et une dégradation en mathématiques de deux points de pourcentage.

 

 

Degré de maîtrise des contenus disciplinaires en langues et en mathématiques

 

3AF

5AF

% Réussite

2014

2014

2011

2003

Arabe

23%

40%

29%

32%

Français

13%

16%

18%

16%

Mathématique

 

9%

8%

11%

  1. Source :  Rapport d’État sur le Système l’Éducatif National (RESEN)
  • Le même rapport constate que « les élèves vivant en zones rurales sont par ailleurs moins nombreux à transiter vers les niveaux supérieurs que leurs homologues urbains. Par exemple, alors que 89% des urbains qui achèvent le fondamental transitent vers le secondaire, le taux de transition n’est que de 72% en milieu rural. Ainsi, les enfants mauritaniens issus des familles pauvres ne sont que 20% à achever le fondamental, et 13% à accéder au secondaire 1er cycle contre respectivement 67% et 52% pour ceux issus des familles les plus aisées. Par ailleurs, un enfant issu d’un ménage appartenant aux 40% des plus pauvres à 14 fois moins de chances d’accéder au second cycle du secondaire et 17 fois moins de chances de l’achever qu’un enfant issu d’un ménage appartenant aux 20% les plus riches. Ainsi, seulement 2% des enfants issus des familles pauvres peuvent espérer compléter un enseignement secondaire contre 34% pour les plus aisés ».

Au niveau du secondaire, l’effectif des élèves qui ont réussi à franchir l’étape du fondamental n’est que de 32,8% soit 209126 en 2016-2017. Sur cet effectif on dénombre 147651 élèves dans le premier cycle secondaire en 2016-2017, et seulement 61475 dans le second cycle. Une véritable hécatombe qui prive 90% des effectifs du primaire d’accéder au second cycle du secondaire.  En fin de parcours il ne restera que 49970 élèves pour se présenter au baccalauréat. Les taux de réussite à cet examen, essentiel dans la vie, tourne autour de 9%. Le tableau suivant tiré du Rapport d’État du Système Éducatif National de 2014 reprend les résultats du bac en série mathématiques dans les wilayas en 2014. Au final donc, seuls 4500 candidats ont obtenu leur baccalauréat soit 0,7% de l’effectif des élèves du primaire.

 

% de réussite des candidats en mathématiques (Bac 2014) par wilaya

Wilaya

SERIE MATHEMATIQUE

SERIE TECHNIQUE

HODH CHARGHI

9,24

 

HODH GHARBI

11

 

ASSABA

6,84

 

GORGOL

7,58

 

BRAKNA

 

 

TRARZA

8,8

 

ADRAR

9,27

 

NOUADIBOU

8,16

 

TAGANT

9,21

 

GUIDIMAGHA

5,48

 

T. ZEMOUR

7,47

 

INCHIRI

 

 

NOUAKCHOTT

8,25

8,73

 

 

 

 

 

b) - Les enseignants

Parmi les causes de la faiblesse des niveaux des élèves et de leurs résultats aux examens on retient le déficit en formation du corps enseignant.

Selon le Rapport d’État sur le Système Éducatif National, les tests en arabe et en français faits sur 3254 enseignants du primaire, répartis dans les différentes wilayas du pays ont révélé que 14% seulement des enseignants testés avaient le niveau requis pour enseigner l’arabe et 4% des enseignants avaient le niveau requis pour l’enseignement du français.

Le même rapport précise que « Le recrutement et la formation à l’ENS ne répondent ni aux besoins quantitatifs exprimés par la Direction de l’enseignement secondaire, ni aux exigences de qualité au sein du système. En effet, sur six ans, l’ENS n’a pu former que 219 enseignants dans les disciplines scientifiques sur un besoin exprimé de 720 enseignants, ce qui explique la pléthore des effectifs qui atteignent 130 élèves par enseignant. A cela s’ajoute un niveau de performance faible au niveau de l’enseignement des disciplines scientifiques, qui s’explique en partie par le niveau faible de ces enseignants en langue (Français particulièrement) ».

 

 

 

c)- L’encadrement

Un autre handicap majeur est soulevé. Il s’agit de l’efficacité de l’encadrement des élèves calculée par le ratio élèves-maitre.

Les renseignements consignés dans le tableau qui suit montrent que le ratio élèves-maître au fondamental s’est dégradé entre 2004 et 2014 passant de 39,8 en 2004 à 42 en 2014. Selon le (RESEN) « le pays n’a pas été en mesure de recruter des enseignants en nombre suffisant pour répondre aux objectifs d’encadrement prévus dans la stratégie éducative en vigueur qui prévoyait une baisse régulière du ratio de façon qu’il atteigne la valeur de 39 élèves par enseignant en 2015 ».

Évolution du Rapport Élèves-Maitres (REM) au fondamental entre 2010 et 2014

Année

Nombre d’enseignants du public

Nombre d’élèves du public

REM dans le public

2010

11 442

470 753

41

2011

10 901

476 415

44

2012

10 400

481 487

46

2013

11 111

488 144

44

2014

12 118

504 879

42

  1. Source : DSPC/MEN

Au niveau de l’école publique en général le ratio élèves/enseignant s’est dégradé de 2004 à 2014. On constatera dans le tableau suivant outre la détérioration déjà soulignée pour le fondamental, celle du premier cycle du secondaire où le Ratio élève-maitre passe de 27,2 élèves par enseignant en 2004 à 46,1 en 2014. Pour le second cycle du secondaire on constate par contre une amélioration dans la mesure où de 20,3 il tombe à 16,2 sur la même période (voir le tableau qui suit). Les ratios figurant dans le tableau constituent des moyennes nationales. Il est important de signaler que 44% des écoles fonctionnent avec un ratio élève-maitre de 36 à 80 élèves par enseignant et que dans 11% d’écoles, surtout en zones rurales défavorisées, le ratio élèves/Enseignant dépasse les 80 élèves.

Évolution des ratios élèves par enseignant par niveau d’enseignement au public entre 2004 et 2014

 

 

Élèves en 2014

Enseignants en 2014

Ratio élèves/enseignant en 2014

Ratio élèves/enseignant en 2008

Ratio élèves/enseignant en 2004

Fondamental

504 879

12 018

42,0

40,5

39,8

Secondaire général 1er cycle

95 630

2 076

46,1

25,8

27,2

Secondaire général 2nd cycle

29 797

1 839

16,2

23,1

20,3

Source : RESEN

d)- Les conditions de travail dans les écoles

Les conditions en équipements et en infrastructures dans lesquelles se déroulent les cours constituent un réel obstacle à l’apprentissage des enfants.

En dehors du déficit en salles de classes pour lequel les informations fiables sont insuffisantes, on pourra lire dans le tableau qui suit les données sur : la disponibilité des enseignants, des tables bancs et des équipements (latrines, point d'eau et clôtures).

En effet :

  • La proportion des écoles ne disposant d’aucun enseignant est de 6,8 % en 2014 ;
  • Le pourcentage des écoles ne disposant pas de tables bancs est estimé à 6,3% en 2014 ;
  • Des écarts substantiels subsistent quant à l’existence de latrines, de point d’eau et de clôture (3 % en 2008 et 10% en 2014 seulement).

Ces conditions, auxquelles il faut ajouter la présence massive du multigrade comme mode de fonctionnement de la classe, rendent compte des difficultés que rencontrent les élèves et leurs enseignants tout au long de leur parcours scolaire.

 

 

Variabilité des conditions d’enseignement entre écoles dans l’enseignement fondamental, année 2013-14

Caractéristiques des écoles

Proportion (%) 2008

Proportion (%)

2014

Publiques

93,6

88,7

Privées

6,4

11,3

Écoles ayant :

Aucun enseignant

7,3

6,8

Un seul enseignant

47,2

43,2

Moins de 11 élèves par enseignant

22,2

2,1

De 11 à 35 élèves par enseignant

59

35,6

De 36 à 80 élèves par enseignant

15,7

44

Plus de 80 élèves par enseignant

0,9

11,4

Tables – bancs

   Écoles sans table banc

30,9

6,3

   Écoles avec tables- bancs insuffisant s

48,9

73,3

   Écoles avec tables bancs complets

0,6

20,4

   Écoles avec excès de tables bancs

19,6

 

Équipement (latrines, point d'eau et clôture)

   Avec un seul équipement sur les trois

21,8

61,1

   Avec deux équipements sur les trois

10,2

38,8

   Avec les trois équipements

3

10,1

Classes multigrades

   Sans classe multigrades

32,4

28,7

   Moins de 40 % de classes multigrade

8,8

3,5

   Plus de 40 % de classes multigrades

53,1

67,8

Source : Donnés scolaires de la DSPC/MEN

 

e) -L’école et l’intégration sociale

Les données ci-dessus concernent plus particulièrement l’état général du secteur public et elles sont toujours d’actualité. L’école publique accueille 85% des élèves du primaire, 75% de ceux du premier cycle du secondaire et 60% du second cycle.

La responsabilité première de l’État est de construire un système éducatif compétitif et performant.

Or aujourd’hui, le secteur éducatif privé bénéficie relativement d’une meilleure qualité comparativement à l’enseignement public du fait justement de l’existence de conditions d’apprentissage décentes et de la présence parmi ses enseignants de ceux considérés les plus compétents du public. Il attire en conséquence les enfants de parents nantis laissant l’école publique aux plus pauvres. Ce phénomène est particulièrement dangereux à court et à moyen terme dans la mesure où il accentue les inégalités en supprimant le rôle de l’école en tant que creuset de l’unité nationale, et qu’ascenseur social d’autant qu’il ne favorise plus la mixité et la cohésion sociale sur les bancs de l’école.

f) - L’enseignement supérieur

Au niveau de ce sous-secteur, l’évaluation du Cadre Stratégique de Lutte Contre la Pauvreté (CSLP) constate « un manque d’efficacité interne qui constitue la caractéristique principale de ce cycle d’enseignement ». « Ce constat se manifeste par des taux d’échecs particulièrement élevés ». Et au plan de l’efficacité externe elle mentionne « des taux de chômage élevés parmi les sortants de l’Université de Nouakchott ».

A l’analyse de notre système éducatif faite sur la base de l’ensemble des données qui précèdent il n’est pas étonnant de voir que rapport du Forum Économique Mondial pour 2017 - 2018 sur l’éducation classe la Mauritanie au rang de 129 sur 130 pays évalués.  L’indicateur prend en compte plusieurs critères comme le taux d’accès à l’enseignement secondaire et supérieur la qualité de l’enseignement et l’efficience du système éducatif, la qualité de l’enseignement des sciences et des mathématiques, la qualité de l’administration des écoles et des établissements d’enseignement, la disponibilité de l’internet, l’organisation de stages pour la formation des compétences.

  1. La santé

 

Comme pour l’éducation nationale, les montants alloués à la santé ont augmenté en valeur nominale. En effort réel consenti, tel que mesuré par rapport au PIB, les dépenses en santé publique ont oscillé sur toute cette période autour de 1%, un niveau d’allocation faible au regard des besoins du secteur et de ceux pratiqués par les pays de la région : 2,2% au PIB au Maroc et au 2,5% Sénégal.                    

( http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/)

 

 

 

Tableau sur le budget de santé (en millions de MRO)

 

 

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Budget sante

4939

9271

8696

10490

11584

13010

16069

18115

20210

17598

21000

 

 

Tableau sur les dépenses de santé en % du PIB

   

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Budget Santé %Pib

0,7%

1,1%

1,1%

1,0%

1,0%

0,8%

0,9%

1,1%

1,3%

1,1%

1,2%

 

 

En dépit de l’appui des partenaires et de l’augmentation significative des effectifs du personnel médical, l’Audit organisationnel et institutionnel du secteur, achevé en novembre 2014 et l’Analyse de la Situation constituant la base du Plan de Développement Sanitaire 2017-2020 ont constaté de nombreuses défaillances, à la fois spécifiques au secteur mais aussi liées au contexte global de mauvaise gouvernance du pays. Les constats présentés ici sont pour l’essentiel tirés de documents officiels avec des commentaires et appréciations additionnels.

Si de nombreux plans et documents stratégiques sont régulièrement élaborés et mis à jour, leur application est en revanche très limitée. De nombreuses décisions stratégiques notamment dans le domaine de la construction des infrastructures, de l’acquisition des équipements et de l’allocation des ressources ne prennent pas en compte les priorités du Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) et en particulier celle accordée à la santé de base, à la prévention et à l’équité entre les régions et les zones urbaines et rurales. Il en découle de graves déséquilibres, des duplications et un gaspillage des ressources déjà limitées du secteur.

La gestion des ressources humaines souffre de nombreuses faiblesses en termes de planification, de suivi des carrières, de formation initiale et continue, de motivation, de transparence et d’équité. Il en découle une baisse généralisée de la motivation et des performances se répercutant sur la qualité des soins, et favorisant les pratiques illicites.

En raison du manque des ressources et des moyens logistiques, l’appui et la supervision apportés aux structures sanitaires locales s’est réduit comme peau de chagrin, aggravant la détérioration de la qualité des soins.

L’approvisionnement en médicaments et consommables est caractérisé par les pénuries dans le secteur public et l’anarchie dans le secteur privé entrainant une grave perte de confiance de la population dans la qualité de produits disponibles sur le marché national et un recours croissant aux produits vendus dans les pays voisins, la prolifération des faux médicaments ayant fait des ravages au sein de la population.

La décision brutale, illégale et non préparée de supprimer le remboursement des prestations sanitaires du secteur privé par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), alors que celle-ci rembourse les cliniques privées des pays voisins pour les soins de patients évacués, est une illustration supplémentaire de la gestion ad-hoc, non professionnelle et subjective qui prévaut dans le secteur comme dans la gestion générale du pays.

Les contreperformances du système de santé en Mauritanie sont reflétées par les tableaux qui suivent. Comme on peut le constater les résultats enregistrés en Mauritanie sont en deçà de ceux des autres pays de la région qui sont beaucoup moins nantis. 

 

 

Couverture Sanitaire Universelle Organisation Mondiale de la Santé / Banque Mondiale 2017

Pays

Indice de couverture Sanitaire universelle

Satisfaction demande Planification Familiale %

Consultations Prénatales (4visites et plus)

Vaccination de enfants DTP3

Traitement complet de la tuberculose

List d’hôpital pour 10 000 hbts

Nombre de médecins pour 10 000 hbts

Nombre de psychiatres pour 100 000 hbts

Nombre de chirurgiens pour 100 000 hbts

Assainissement de base

Gambie

46

28

78

97

64

11

-

0.2

0.6

42

Sénégal

41

43

47

89

55

-

0.2

0.3

48

48

Congo Démocratique

40

18

48

81

43

-

-

 

 

20

Burkina Faso

39

43

34

91

49

4

-

 

 

23

Guinée Bissau

39

40

65

87

25

10

0.1

0

0.4

22

Sierra Léone

36

36

76

86

51

4

-

 

 

14

Guinée

35

20

57

54

46

3

0.1

 

 

22

Libéria

34

38

78

52

31

8

-

 

 

17

Centrafrique

33

37

38

47

39

10

-

 

 

25

Mauritanie

33

30

48

73

38

4

0.1

 

 

45

Niger

33

41

39

65

44

2.8

 

 

 

13

Mali

32

38

64

23

32

1.0

 

 

 

31

http://www.who.int/healthinfo/universal_health_coverage/report/2017_global_monitoring_report.pdf

 

La Mauritanie a formellement souscrit aux Objectifs de Développement Durable (ODD) adoptés en 2015. L’ODD numéro 3 consiste à « permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge ». Pour atteindre cet objectif, l’OMS considère que la réalisation de la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) est une condition essentielle et le Rapport OMS/Banque Mondiale 2017 sur la CSU classe la Mauritanie au 155ème rang sur 161, en dessous de pays comme la Gambie, le Sénégal, la République Démocratique du Congo, le Burkina Faso, la Sierra Léone, la Guinée et le Libéria.

Les chiffres ci-dessus mentionnés indiquent de manière éloquente le retard patent de la Mauritanie en matière de couverture et de profil sanitaire des populations en comparaison avec les pays de l’Afrique sub-saharienne qui sont globalement considérés comme les moins avancés du monde.

 

 

 

Mortalité infanto-juvénile (pour 1000)

Pays

Mortalité des moins de 5 ans

Mortalité infantile

O-1 an

 

1990

2016

1990

2016

Burkina Faso

199

85(-57%)

99

53(46%)

Gambie

168

65(-61%)

82

42(49%)

Guinée

235

89(62%)

139

58(58%)

Liberia

258

67(74%)

172

51(70%)

Mali

254

111(56%)

130

68(48%)

Mauritanie

117

81(31%)

71

54(24%)

Niger

329

91(72%)

133

51(62%)

Sénégal

140

47(66%)

72

34(53%)

Sierra Léone

262

114(56%)

156

83(47%)

https://www.unicef.org/publications/files/SOWC_2017_ENG_WEB.pdf

 

Pratiquement tous les pays du monde ont connu une réduction significative des taux de mortalité infantile (moins d’un an) et infanto-juvénile (moins de 5 ans) entre 1990 et 2016. Il faut cependant noter que les taux de réduction sont en général bien plus faibles pour la Mauritanie que pour les pays ayant un niveau de développement comparable. Ainsi, par exemple, le taux de réduction de la mortalité infantile pour la période 1990-2016 est de 24% en Mauritanie contre 46% au Burkina Faso, 48% au Mali, 53% au Sénégal, 62% au Niger et 70% au Libéria. Quant à la réduction du taux de mortalité infanto-juvénile, elle est de 31% en Mauritanie, contre 56% au Mali, 57% au Burkina Faso, 66% au Sénégal, 72% au Niger et 74% au Libéria.

 

Mortalité maternelle (pour 100000 naissances vivantes)

Pays

Années

Réduction totale

%

 

1990

2000

2015

Burkina Faso

727

547

371

49

Gambie

1030

887

706

31

Guinée

1040

976

679

35

Guinée Bissau

907

800

549

39

Liberia

1500

1270

725

52

Mali

1010

834

587

42

Mauritanie

859

813

602

30

Niger

873

794

553

37

Sénégal

540

488

315

42

Sierra Léone

2630

2650

1360

48

https://www.unicef.org/publications/files/SOWC_2017_ENG_WEB.pdf

 

La même tendance à la baisse est également valable au niveau mondial pour la mortalité maternelle et, dans ce cas aussi, la baisse constatée pour la Mauritanie est nettement plus lente que pour les pays comparables. Elle est en effet de 30% pour la période 1990-2015 contre 37% au Niger, 42% au Mali, 42% au Sénégal et 49% au Burkina Faso

 

 (A suivre)