La scène politique reste morose, depuis la présidentielle de juin 2014. Calme plat sur le front. Hormis quelques bonnes intentions de renouer le dialogue, proclamées, çà et là, dans les media, et diverses piques assassines décochées, par les uns et les autres. Un calme qui commence, il faut le reconnaître, à inquiéter un certain nombre d’observateurs. Jusqu’où tiendra-t-il ? Jusqu’où le pouvoir va-t-il continuer à ignorer et à méprendre, même, son opposition ? Et jusqu’où, enfin cette dernière s’obstinera-t-elle à nier l’évidence ? La majorité des électeurs mauritaniens (du moins ceux, peu nombreux, qui se sont déplacés pour voter) a réélu Mohamed Ould Abdel Aziz. Pour qu’il continue, encore cinq ans, de jouir de la confiance et de l’appui de la Communauté internationale, tandis que ladite opposition est restée, du moins jusqu’à ce jour, dans l’incapacité de renverser le rapport de force en sa faveur. Elle s’est tout juste contentée de se féliciter de ce que son appel au boycott des élections a été suivi par les Mauritaniens. Maigre consolation.
De son côté, le principal soutien du pouvoir, l’Union Pour la République (UPR), qui vient de se doter d’un nouveau président, clame, sur tous les toits, que la Mauritanie ne s’est jamais mieux portée qu’avec le président Mohamed Ould Abdel Aziz au gouvernail. Un dialogue de sourds… en attendant celui, enfin des « entendants » ? Dans ces conditions, renouer le dialogue est-il possible ? Cela relève presque du défi. Et personne ne veut franchir, pour l’instant, le premier pas. Mais force est de reconnaître que cette situation de quasi ni paix ni guerre ne peut perdurer jusqu’aux élections de 2019. Que les uns et les autres se le tiennent pour dit : il ne sert à rien de s’entêter. Le pouvoir et l’opposition doivent comprendre qu’ils sont des interlocuteurs obligés, qu’ils doivent, forcément, se parler. Quand ? On ne sait pas mais l’heure viendra. C’est peut-être pourquoi quelques indiscrétions commencent-elles à poindre.
A les en croire, des choses auraient commencé à bouger, côté pouvoir. Des contacts établis, avec un certain nombre de personnalités, pour les amener à participer à diverses commissions, à mettre en œuvre l’examen des meilleures voies pour réussir, cette fois, à mettre en branle un processus de dialogue vraiment franc et sincère. Côté opposition, les rumeurs accusant l’UFP de vouloir dialoguer, seule, avec le pouvoir et démenties, la semaine passée, par son président Mohamed Ould Maouloud, participeraient, d’une certaine façon, à ces manœuvres et tentatives de renouer le dialogue. Interrogé sur ces « on-dit » Moussa Fall,, président du MCD et, par ailleurs, secrétaire exécutif du FNDU, prétend n’être au courant de rien, avant d’ajouter qu’il ne peut cependant nier qu’elles puissent exister, que le FNDU est disposé à aller au dialogue avec le pouvoir, à n’importe quel moment, mais que l’essentiel n’est pas d’y aller pour y aller, mais avec la détermination de parvenir à un résultat consensuel, accepté et respecté, donc, de tous. Pour sa part, le secrétaire à l’éveil politique de l’UPR, Mohamed Lemine Ould El Hacen, dit, lui aussi, n’avoir pas été informé de telles initiatives mais qu’on ne doit, pour aller au dialogue, poser aucun préalable, que les résultats du dialogue et leur mise en œuvre doivent en être les seules conditions. Toujours les mêmes refrains, donc ?
Saura-t-on tirer leçon des échecs précédents ?
En Mauritanie, le dialogue, entre l’opposition et le pouvoir, a toujours été marqué par la plus grande méfiance. Celui de 2011, même s’il a permis quelques avancées constitutionnelles, n’en a pas moins échoué à emporter l’adhésion de la majeure de l’opposition rassemblée au sein de la COD de l’époque, en dépit des efforts du président de l’ancienne Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheïr. La tentative de 2013 finit, elle, par foirer, les protagonistes divergeant, non seulement, sur les questions à débattre, à la veille des élections municipales et législatives de Novembre et Décembre derniers, mais, surtout, sur la durée du conclave. La majorité présidentielle, qui entendait dérouler son agenda, refusa d’y revenir, n’admettant qu’un report maximal de quinze jours. Pour l’opposition, cette attitude équivalait, tout bonnement, à un refus de dialoguer, dans la mesure où il fallait convenir d’une feuille de route, avant de fixer la date des élections. Les pourparlers qui venaient à peine de commencer furent donc suspendus, avant d’être interrompus, sine die. L’opposition, qui doutait de la crédibilité du scrutin, finit par le boycotter.
Autre pommes de discorde, la refonte de la CENI, l’audit de l’Agence d’enrôlement et le fichier électoral. Des sujets sans aucun intérêt, aujourd’hui, à moins que le pouvoir ne se décide à organiser des élections anticipées en 2015, afin de permettre, à l’opposition, de revenir dans les espaces démocratiques que sont les conseils municipaux et la Chambre basse du Parlement. Ce geste politique permettrait, au président de la République, de couler, dans la sérénité, son dernier mandat à la tête du pays et de préparer le terrain, pour son parti en pleine restructuration. Les politiques feraient ainsi montre d’une réelle maturité politique et la démocratie mauritanienne en sortirait fortement grandie.
DL