Nouakchott a abrité, les deux premiers jours de Juillet 2018, le trente-et-unième Sommet de l’Union africaine. Les retrouvailles, entre les dirigeants du Continent, pimentées d’une rencontre avec leur homologue français, Emmanuel Macron, sont consacrées à la lutte contre la corruption en Afrique, une pratique qui lui coûte la bagatelle de cinquante milliards de dollars par an, mais aussi à la question du terrorisme au Sahel, justification officielle de la présence du président français au sommet. Une occasion pour échanger, avec les pays membres du G5 Sahel, sur la manière de rendre opérationnelle et, surtout, efficace, la force conjointe de cet organisme. Depuis qu’elle a été lancée, début 2018, elle peine à se déployer et à lutter contre les groupes terroristes qui écument le Mali, y semant malheur et désolation. Les discussions à ce sujet se déroulent au lendemain de la sortie, sur France 24, du président mauritanien qui a reconnu, au lendemain de l’attaque contre le quartier général de cette force basée à Sévaré au Mali,l’existence de sérieuses failles à corriger.
Pour accueillir le sommet de l’UA, Nouakchott n’a pas été regardant à la dépense. Un Palais des congrès flambant neuf, avec une capacité de plus de trois mille places et un coût estimé à près de vingt milliards d’ouguiyas est sorti de terre. Des hôtels privés ont également fleuri, autour de ce joyau construit à quelque vingt-cinq kilomètres de Nouakchott et dix de l’aéroport international Oum Tounsy, sans être achevés. Ould Abdel Aziz semble avoir gagné le pari d’assurer de bonnes conditions d’accueil. Mais ces investissements colossaux ont été effectués sur le dos du peuple mauritanien qui se demande si le jeu en valait la chandelle, dans un contexte de morosité économique et de sécheresse qui décime le cheptel, alors que le plan d’urgence ou programme Emel, réputé avoir mobilisé quarante-quatre milliards d’ouguiyas, peine à répondre aux attentes des éleveurs et agriculteurs.
Deux visages de Nouakchott
Le Sommet de l’UE aura cependant été l’occasion, pour les habitants de la capitale, de (re)découvrir qu’il existe deux Nouakchott. Celle des quartiers huppés : Tevragh Zeïna et extensions ; et celle des banlieues, abandonnée à elle-même. Au fur et à mesure que l’événement approchait, on a pu en effet constater combien Tevragh Zeïna et ses annexes embellissaient. Rues, avenues et ruelles agrandies ; diverses maisons profitant de ce que des aménagements (goudron et abords) ont été réalisés, pour desservir quelques résidences louées à l’occasion ; des immeubles ont fait peau neuve, coups de peinture et autres enduits.
Côté sécurité, les accès et devantures des hôtels, auberges et résidences privées réquisitionnées ont été investis par les forces de sécurité. Stationnements interdits en certaines avenues où le Groupement pour la sécurité routière (GSSR) s’est mis à briller de tous ses gilets rouges. Les pauvres commerçants ambulants qui squattaient le grand marché Capitale et ses alentours ont été « aimablement » priés de déguerpir et forcés, en conséquence, de rester à la maison, alors qu’ils n’ont pourtant d’autre choix que de se battre, quotidiennement, pour faire bouillir la marmite.
Le gouvernement entendait réussir le pari de la sécurité, à l’heure des attaques terroristes gagnant en intensité, notamment au Mali, membre du G5 Sahel. On est tenté de se demander si les efforts déployés, par les pouvoirs publics, pour donner, aux hôtes du pays une belle image qui est encore bien trop loin d’être la sienne, ne méritent pas d’être poursuivis. Car, pendant que le côté Nord de Nouakchott se fait beau, le reste de la capitale croule sous le poids des ordures qui envahissent même les pistes, occasionnant odeurs nauséabondes et mouches, vecteurs de maladies. Des tas d’immondices sur lesquelles fourmillent des désœuvrés en quête de plastiques, ferrailles, haillons etc. Citons, ici, l’axe menant du carrefour Foire au grand cimetière du PK 7 ou celui menant au wharf. Au vu de ce spectacle hideux, il n’y a rien d’exagérer à dire que les pouvoirs publics et leur Communauté urbaine de Nouakchott (CUN) qui brassent des milliards ont complètement démissionné de leur rôle régalien. Faute de sociétés de ramassage des ordures, les citoyens sont obligés de recourir aux charretiers pour se débarrasser des leurs. Lesquels charretiers balancent celles-ci, faute de décharges de transit, dans les rues et les maisons inhabitées, au vu et au su des mairies et des structures déconcentrées de l’État (wilaya et moughataa). Pendant que d’autres profitent des marchés publics pour se remplir les poches, nos charretiers, profitent, eux, du laxisme et l’absence de l’État. Chaque jour, des tas – pour ne pas dire des montagnes – d’ordures s’amoncellent. Dieu sait les conséquences que cela peut engendrer à Nouakchott. Il ya quelques jours, les pluies diluviennes qui se sont abattues à Abidjan, en Côte d’Ivoire, ont provoqué une terrible insalubrité, occasionnant des morts : non seulement les maisons étaient bâties sur des zones marécageuses mais les canaux d’évacuation étaient obstruées par des ordures. Que dire de Nouakchott où le plan d’assainissement et d’évacuation des eaux usées et de pluie peine à voir le jour ? Est-il même conçu ? Quand on voit les aménagements de nouveaux trottoirs à Tevragh Zeïna, on peut déjà sérieusement en douter. Quant aux non-aménagements ailleurs, la cause est malheureusement entendue…
DL