Monsieur le président ;
Je vous adresse la présente lettre à l’occasion de votre visite en Mauritanie, pour participer aux travaux du 31ème sommet de l’Union Africaine de Nouakchott.
Je me présente d’abord en tant que professeur de mathématiques et artiste-peintre mauritanien, maisje me présente surtout en tant qu’ami de la France.
Je connais très bien votre beau et charmant pays pour y avoir effectué des séjours à plusieurs reprises, dans le cadre de résidences d’artistes et d’expositions organisées grâce à votre tissu associatif actif et performant. Je le remercie ici infiniment et lui renouvelle ma reconnaissance.
Je l’ai aussi connu à l’occasion de passages d’éminents ambassadeurs qui ont séjourné parmi nous et que j’ai personnellement connus. Je l’ai aussi découvert lors de passage de fonctionnaires et coopérants distingués, que j’ai connus et qui ont été pour moi de grands amis.
Le Centre Culturel français de Nouakchott (CCF) Antoine de Saint-Exupéry, aujourd’hui devenu Institut Français de Mauritanie (IFM) passe pour être le premier campus de la culture française, mauritanienne, francophone et internationale, que j’ai longtemps fréquenté en même temps que des générations de mauritaniens.
Le Lycée Français Théodore Monod (LFTM) de Nouakchott qui est un établissement d’enseignement de qualité et un pôle d’excellence, affilié au réseau de l’Association de l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE), est l’un des plus grands établissements du genre dans la sous-région avec plus de 1.000 élèves inscrits au titre de l’année 2018. Ce lycée est un phare qui rayonne et diffuse dans le pays. J’y compte des amis et collègues.
Tout cela pour vous dire en quelques mots, que j’apprécie infiniment la culture française, ses hommes de lettres, ses penseurs, sa langue sublime.
L’objet de ma lettre est de partager avec vous un ensemble de données et d’idées, que vous connaissez déjà sans doute. Il s’agit de partager à l’occasion du sommet africain de Nouakchott, nos compréhensions de certains problèmes propres à notre pays, et au continent africain.
Ce sommet se tient à un moment où, nos pays (les pays africains et le vôtre) sont confrontés aux mêmes menaces et défis ; d’insécurité, d’incertitudes géopolitiques et économiques et de migration illégale.
Il est question dans notre monde actuel de repenser nos modes d’existence en réfléchissant et en traitant avec la plus grande lucidité et le plus de sérieux un ensemble de problématiques liées et inter-agissantes.
Le déficit en éducation et de la baisse des niveaux d’instruction dans les rangs des jeunesses africaines viennent en première position. Les crises alimentaires périodiques qui se déclarent par-ci ou par-là. Le chômage endémique des jeunes. Les risques environnementaux. Les transformations économiques qui tardent à se concrétiser, 60 années après les indépendances.
Un cocktail qui est malheureusement alimenté et aggravé par un autre cocktail, une forte croissance démographique. Une mal gouvernance et des carences en démocratie participative. Un cocktail de cocktails qui pénalise tout effort volontariste de développement et qui est de nature à favoriser et entretenir le sous-développement. Les instabilités politiques. La prolifération des inégalités, de l’illégalité et des zones de non droit, terreaux fertiles de l’extrémisme et du terrorisme.
En conséquence, le continent africain est menacé d’implosion, et par voie de ricochet, le continent européen de submersion par un flux de migration illégale sans précédent.
Vous avez été conscient de toutes ces problématiques, dès votre brillante élection à la Présidence de la République française. Les difficultés du continent africain, vous les avez comprises et vous les avez fait vôtres, en créant pour la première fois un Conseil présidentiel pour l’Afrique.
Vous vous êtes démarqués –et c’est une bonne chose –des pratiques de la ‘’Françafrique’’, et ses pratiques paternalistes envers ces colonies d’hier, devenues aujourd’hui Etats souverains du Continent africain. Dans le même temps, vous ne manquez pas au sein de l’Union européenne et du Conseil de sécurité des Nations-Unies, aux engagements et aux responsabilités qui sont ceux de la France, envers cette partie du monde.
Monsieur le Président ;
Fort de ces remarques et constations, et en référence à votre déclaration de Ouagadougou, où vous avez déclaré que ‘’l’avenir de la jeunesse africaine, doit se jouer sur le Continent africain’’, nous apercevons donc tous, que le Continent africain qui est un continent jeune par sa population et, riche de ses potentialités et ressources naturelles, a besoin d’un cap, et d’une boussole pour garder ce cap. Ce cap, c’est la réalisation de son développement humain et économique, dans le cadre d’une démocratie participative. Sa boussole c’est le respect des droits de l’homme, des valeurs d’équité, dans un esprit de bonne gouvernance et d’alternance politique.
Les africains doivent certes se prendre en charge, et prendre leur destin en main, mais pour cela, ils ont besoin du soutien de la Communauté internationale encore pour quelque temps.
Il est dans l’intérêt d’un monde meilleurs, et afin que l’Europe ne subisse plus les assauts de l’émigration clandestine, d’aider les africains à se prendre en charge, en réalisant le développement et la plénitude chez eux, en exerçant des pressions sur les dirigeants de ce continent pour les amener à respecter leurs engagements en matière de bonne gouvernance, de développement, de démocratie participative, de respect des droits de l’homme et d’alternance pacifique. En barrant la route à leurs dérives autocratiques. En poursuivant juridiquement ceux d’entre eux qui pillent les biens de leurs populations, par les multiples voies de corruption et de malversation.
Dans la région du Sahel, l’instabilité, le terrorisme et les trafics en tous genres, en particulier le trafic de stupéfiants et d’armes, risquent de venir à bout des Etats, et de faire basculer toute la région dans un chaos indescriptible. L’origine de ce mal est bien connue. C’est surtout et avant tout, -comme vous l’avez souligné dans votre discours à l’occasion de la journée de la Francophonie en mars dernier –le déficit en éducation auquel nos Etats doivent remédier le plus rapidement possible, sinon, c’est toute la région sahélo-saharienne qui se transformera en une poudrière.
Monsieur le Président ;
La jeunesse du Continent tente quotidiennement de franchir le grand désert africain et la Méditerranée au péril de sa vie dans des embarcations de fortune, non –hélas -sans des drames regrettables, pour gagner l’Europe. Cette jeunesse sans aucune perspective chez elle, est poussée par la force du désespoir, et fuit essentiellement pour deux raisons. D’une part, elle fuit la misère, le chômage ou les conflits, tantôt les dictatures et l’oppression, la plupart du temps, elle fuit tout cela à la fois. D’autre part, elle part à la recherche d’une vie meilleure. Vous aurez constaté comme tout le monde, que parmi les migrants qui arrivent vivants en Europe, il y a des diplômés, qui auraient pu se rendre utiles dans leurs pays d’origine. Les anatomies des régimes politiques en place caractérisés par le tribalisme, le régionalisme et le clientélisme, ne leurs ont offert ni chance, ni opportunité.
On voit malheureusement que certains gouvernements africains s’entêtent à ignorer les souffrances de leurs peuples et continuent à mépriser leurs peines et leur détresse, en les maintenant dans une logique de sous-développement.
Ceci est inacceptable et ne peut pas continuer indéfiniment. La patience a des limites, les frustrations accumulées ont des conséquences incalculables et imprévisibles.
Les souffrances et le martyr de la jeunesse africaine ont besoin d’être reconnus et soulagés, et cette jeunesse-là compte sur des hommes jeunes comme vous, et sur leur position au sein des grandes démocraties de ce Monde, pour plaider sa cause dans l’espoir de jouir d’un avenir meilleur chez elle.
Notre inaction est une trahison.
Monsieur le président ;
Les raisons qui me poussent à vous écrire, sont multiples. Mais, c’est surtout en raison de la folie de certains dirigeants, qui nous met tous en danger. La France membre permanent et agissant au sein du Conseil de sécurité des Nations-Unies qui symbolise notre conscience universelle, a –j’en suis conscient, un rôle majeur à jouer.
Je vous remercie infiniment.
Mohamedene MEYNE