300 jours ! 307 jours, plus précisément, que Mohamed ould Ghadda croupit en prison. 307 jours qu’il est privé de sa liberté de mouvement. 307 jours qu’il n’a pas vu ses enfants, en signe de protestation contre les restrictions décidées, unilatéralement, par ses geôliers. 307 jours de détention arbitraire, sans procès, malgré la clôture, depuis plusieurs mois, de l’instruction. 307 jours d’incertitude. 307 jours qu’un dossier vide, sur la base d’accusations fallacieuses, est ouvert, contre des sénateurs, des journalistes et des syndicalistes, dont le seul tort est d’avoir dit non. Le dossier de la honte. Une affaire montée de toutes pièces, par le pouvoir, où la justice s’est, encore une fois, fourvoyée. Et qui n’a fait qu’écorner son image, déjà ternie par une soumission aveugle à l’exécutif, alors qu’elle est censée jouir d’un minimum d’indépendance. Mais 307 jours de combat, de lutte acharnée contre l’arbitraire et l’injustice, de sacrifice et de défis.
Chacun de nous peut être, demain, Ould Ghadda : embastillé pour rien, gardé au secret, torturé physiquement et psychologiquement. Quand la machine répressive se met en branle, épaulée par une justice impuissante, elle peut tout broyer sur son passage. Ould Ghadda n’est que la partie visible d’un énorme iceberg, d’une comédie qui ne fait rire personne et dont les actes se jouent dans les commissariats, les brigades de gendarmerie et les dédales de la justice. Il ne se passe pratiquement pas un jour sans arrestations, détentions, tortures. Dernier épisode en date, celles infligées à des jeunes auxquels on a voulu faire porter le chapeau du dernier braquage d’Attijari Bank, la semaine dernière. La police, la gendarmerie et, au-delà, tout le système n’arrivent toujours pas à se départir des réflexes hérités des régimes d’exception. Pour eux, quand la liberté d’expression ou d’association desservent le pouvoir en place, il faut sévir. Ce n’est pas pour rien qu’on essaye de faire payer, aux sénateurs, leur indocilité ; de mettre des bâtons dans les roues des syndicats et de tenter de bâillonner la presse. Quitte à utiliser les moyens, même les plus illégaux, comme, par exemple, saisir, sans mandat, les téléphones d’un sénateur encore en exercice, l’ordinateur d’un homme d’affaires, placer des écoutes téléphoniques et intercepter des messages privés. Une justice normalement constituée devrait normalement rejeter ce genre de preuves et non s’en servir de base, pour engager des poursuites, envoyer en prison ou placer sous contrôle judicaire. Les juges sont persuadés, en leur intime conviction, qu’il ne s’agit que d’un montage mais ils sont obligés de jouer le jeu, pour ne pas faire de vagues. La justice sous nos tropiques s’accommode mal de rébellion.
Un exemple qui nous vient de loin devrait, cependant, faire méditer ceux qui aujourd’hui, se croient intouchables. Un mandat d’arrêt international a été lancé il y a deux ans contre l’ancien président panaméen, Ricardo Martinelli (2009/2014), qui avait espionné illégalement, grâce à des fonds publics, les communications de plus de cent cinquante personnes, dont des opposants politiques et des journalistes. Il fait aussi l’objet d’une dizaine de plaintes pour sa gestion passée. Son extradition par les États Unis vers son pays d’origine n’est plus qu’une question de jours. À quand chez nous ?
Tôt ou tard, les « écoutés » porteront certainement plainte contre Ould Abdel Aziz et les « écouteurs ». Mais pas seulement : contre aussi les équipementiers. Car leurs outils n'ont pas été utilisés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme mais bel et bien contre des opposants politiques pacifiques. Quand on se prétend démocratie, il faut assumer ce qui la fonde : l’assurance donnée, à tout un chacun, de dire tout haut ce qu’il pense, en toute légalité, et de voir préservé tout ce qu’il tient en son intimité, en toute légalité. Est-il nécessaire de signaler, ici, qu’une telle assurance est on ne peut plus islamique ? Mohamed ould Ghadda fêtera-t-il l’Aïd en prison ?
Ahmed ould Cheikh
Soucieux de moderniser Nouakchott et d’en faire une ville un tant soit peu viable, le gouvernement a décidé de débloquer cinquante milliards d’ouguiyas MRO. Plusieurs départements ministériels sont concernés par cette mise à niveau dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle a tardé.