C’est par la voix fluette de Kadiada Malick Diallo lisant un poème de Abou Mborom que j’ai appris la nouvelle de son décès.
Le peuple mauritanien vient de perdre un de ses fils les plus valeureux. Dans cette période de l’histoire de notre pays, ou tous les patriotes conscients sont préoccupés et à juste raison par la préservation de notre unité nationale face aux dangers qui la menacent, nous avons une pensée pieuse pour les hommes et les femmes qui se sont sacrifies pour la défense de cette unité. Abou Mborom Gueladio Ba était de ceux-la.
Il a été toute sa vie et parfois au péril de celle-ci un infatigable défenseur de cette unité. Dans les camps de Ndioum, de Dagana, Wouro Sogui et Bakel, alors que les réfugiés étaient traumatisés et envahis par un sentiment d'amertume et de colère légitime. Abou a eu le front de dire à ces hommes et à ces femmes ce que personne n’osait dire.
Il leur a dit : « nous sommes victimes d’une injustice innommable mais les maures ne sont pas nos ennemis. Notre ennemi est le pouvoir en place à Nouakchott qui a conçu, planifié et mis en œuvre la politique dont nous sommes aujourd’hui les victimes ». Ces paroles prononcées dans de telles circonstances devant une telle assistance, exposent leur auteur à de très graves dangers. C’est comme qui dirait un suicide. Cette prise de position ne traduit pas seulement une forme de courage exceptionnel, elle est surtout un acte magnifique d’une grandeur épique.
Pendant ce temps en Mauritanie, le pays était pratiquement dans une quasi guerre civile. La guerre civile transforme les hommes en bêtes et est le règne du crime. C’est d’autant plus vrai que les discours officiels avec la tonalité chauvine qui les caractérisaient avaient fini par installer un climat de méfiance et de haine entre nos différentes communautés nationales.
C’est dans cette atmosphère électrifiée que des hommes et des femmes politiques, religieux ou de simples citoyens mais tous des maures et comme pour corroborer les paroles de Abou refusèrent de hurler avec les loups et dénoncèrent ce qui se passait.
Dans une situation ordinaire, la dénonciation d’une injustice relève de la norme mais dans les périodes de crises graves ou de guerre civile, cette dénonciation est érigée en un acte de résistance épique. Nous avons tous à l’esprit la khoutba de l’Imam Boudaha Ould Bousseyry paix a son âme qui dénonçait avec véhémence les tueries, les pillages et les déportations de citoyens mauritaniens.
Abou nous quitte et l’unité nationale dont il a été l’intrépide défenseur est toujours menacée. Tout comme les nations se construisent avec les symboles, dans le long processus de réalisation de notre unité nationale, nous avons le devoir de glorifier les hommes et les femmes qui à travers notre histoire ont consenti d’énormes sacrifices pour sa défense.
Abou Mborom Gueladio Ba était de ceux-la.
Gaye Elhadj