Lors de la campagne d’implantation du parti-Etat en cours, un fait marquant ne semble pas avoir attiré toute l’attention que mérite son importance. Personne ne l’a dénoncé, pas même l’opposition, si prompte à crier haro sur le baudet, dès la première occasion. Je veux parler de la présence, aux premières loges et, parfois même, à la tête des commissions d’implantation, de ministres et autres hauts (et moyens) fonctionnaires. Payés par l’argent du contribuable, ils n’ont pas hésité, conformément à des ordres venus « d’en haut » et qu’ils ne peuvent enfreindre, à abandonner leurs postes, de longues semaines durant, pour les besoins d’une campagne électorale avant l’heure. Ce qui équivaut, ni plus ni moins, à un détournement de deniers publics. On ne peut pas être dépêché par un parti, soit-il au pouvoir, et prétendre à ses émoluments, comme si l’on était en mission pour l’État. Mais il y a tellement longtemps que ce genre de pratiques a cours qu’on ne s’en offusque plus. Niveau zéro de la gabegie, pourrait-on dire, comparé autres détournements en tous genre, aux marchés de gré à gré, aux commissions faramineuses, aux projets inutiles mais générateurs de revenus… pour certains ; et aux « éléphants blancs » (Projet sucre, usine de lait, aciérie, etc.) qui ont englouti des milliards pour rien. Les exemples ne manquent pas. Ce n’est pas pour rien que, malgré l’embellie des prix des minerais (source, ces dernières années, de recettes-record), notre endettement avoisine les 90% du PIB. Soit près de quatre milliards de dollars, sans compter la dette du Koweït qui risque ne jamais être épongée. Certes, il se trouvera bien un flagorneur ou deux qui viendront nous chanter, sur une chaîne nationale ou internationale, que ce régime a réalisé un aéroport, quelques centaines de kilomètres de route, un ou deux hôpitaux, une centrale électrique… Mais il suffit juste d’un petit calcul pour se rendre compte de la supercherie. L’aéroport a été construit en échange de terrains d’habitation, la centrale duale a été attribuée à la société finlandaise Wartsila, pourtant 30 millions d’euros plus chère que le moins disant ; les autres centrales, éolienne et solaire, sont des dons. La route Nouakchott-Rosso est financée gracieusement par l’Union européenne. Hors cet extra, les dettes s’accumulent… Où est donc parti tout cet argent dont nous laisserons l’ardoise, aux générations futures qui s’attendaient sans doute à mieux ? Interrogeons Ould Djay, notre Superman de service. L’homme qui gère les relations avec les bailleurs de fonds, supervise la politique de développement, chapeaute tous les projets, dirige le Budget, le Trésor et les Impôts, donne son feu vert à la moindre augmentation de salaire du moindre employé de la moindre entreprise publique, calcule lui-même les droits des compressés des sociétés publiques (en plus d’autres prérogatives) et dont le cabinet dispose, désormais, d’un budget de 2,8 milliards de nos anciennes ouguiyas, cet homme aux mille bras trouve le temps d’aller battre campagne pour l’UPR, dans son Brakna natal. Et se permet même de défier des généraux. L’homme, vous dis-je, ne se sent plus. Il se voit pousser des ailes. Et tel le vizir Iznogoud, aimerait bien être calife à la place du calife.
Ahmed ould Cheikh