Un premier pas vers des élections non apaisées et non consensuelles a été franchi, la semaine dernière, par le pouvoir, avec la mise en place d’une commission électorale qui est tout sauf représentative. La commission de désignation, composée d’éléments provenant de la majorité et de l’opposition dite dialoguiste, n’a pas lésiné sur les… liens de parenté. Priorité donnée au frère, au neveu, au beau-frère, au cousin. Ne dit-on pas, à juste titre, que charité bien ordonnée commence par soi-même ? Et l’on veut ensuite nous faire gober que cette CENI sera impartiale, à équidistance de tous les candidats. Le vivier où l’on pouvait puiser était pourtant énorme : le pays regorge de cadres, retraités ou en activité, capables de relever le défi. Mais qui s’en soucie ? Qui a intérêt à ce que les futures élections se déroulent dans la transparence ? Pas le pouvoir, en tout cas, qui a, sciemment, sabordé les négociations secrètes avec l’opposition, pour l’amener au boycott, comme en 2013, lorsqu’elle lui a laissé le champ libre, faisant élire une assemblée à sa botte et à qui il fait avaler toutes sortes de couleuvres. Avec quelques députés de Tawassoul et de l’opposition modérée s’efforçant de faire entendre leur voix, sans beaucoup de succès.
Mais la manœuvre, cette fois, a échoué. L’opposition – moins le RFD, certes – telle que regroupée au sein du FNDU, a annoncé qu’elle participera aux futures consultations. Contre vents et marées et qu’elle ne se laissera plus faire. De chaudes empoignades donc en perspective entre le pouvoir, dont le bilan ne plaide guère en sa faveur, et une opposition qui ne lui fera aucun cadeau. Les hostilités ont d’ailleurs déjà commencé. Sur Twitter, Facebook et autres déclarations à la presse. Les deux camps s’accusent mutuellement d’avoir fait fuiter l’information, pour faire échouer des négociations secrètes sur le point d’aboutir.
Sentant le danger que lui fera courir la participation de l’opposition, si les élections se déroulent normalement, le pouvoir a voulu prendre les devants. En décidant de lancer l’opération de redynamisation et d’implantation de son parti, Ould Abdel Aziz joue sur deux fronts. Activer son parti, en battant le rappel de ses troupes, et disposer d’un outil capable de lui faire gagner les futures élections, avec le concours de l’Etat, de l’Armée, des fonctionnaires, de l’administration territoriale et des notabilités, sous les yeux d’une fantomatique CENI qui n’a d’autre rôle que de cautionner la mascarade. Convaincre, ensuite, les récalcitrants, ceux qui ont pris ses déclarations sur son départ pour argent comptant, qu’il a encore beaucoup d’idées derrière la tête et qu’il faut compter avec lui, après 2019. Comment ? La question que tout le monde se pose. Va-t-il changer d’avis entretemps, s’il obtient une majorité confortable à l’Assemblée nationale, d’où l’idée d’activer son parti ? Compte-t-il en prendre la tête et garder ainsi son mot à dire, dans la gestion du pays ? Ou ne s’agit-il que de manœuvres, pour préparer le terrain au successeur qu’il se sera choisi ? Il n’y a donc pas qu’une anguille, sous la roche…
Ahmed Ould Cheikh