Voilà deux semaines que l’UPR, le parti/État (PRDS, nouvelle version) a commencé sa campagne d’implantation sur toute l’étendue du territoire national. Une véritable course-poursuite pour tenir un maximum d’inscrits sous sa « coupe ». La guerre des tendances fait rage à tous les coins de rue. Surtout à l’intérieur où l’on ne se fait aucun cadeau. C’est celui qui obtiendra le plus d’unités de base qui pourra influer, plus tard, sur le choix des structures locales et régionales du parti. Et prétendre ainsi à tenir cour, lorsqu’on viendra aux « choses sérieuses ». Tout le monde est sollicité : famille, parents (proches ou lointains), amis, connaissances… La carte d’identité est devenue, du jour au lendemain, l’objet le plus convoité de la République. Obtenir le maximum d’adhésions, au plus vite, sans aucune explication, même si les adhérents ne connaissent le parti ni d’Adam ni d’Êve. Tout y passe : achats, ventes, promesses. Des cartes ont même été échangées contre des sacs de blé. En cette période de vaches maigres et devant la démission de l’État, un petit plus est toujours le bienvenu dans la gamelle.
Mais à quoi cela rime-t-il ? À quoi sert-il de se targuer de centaines de milliers d’adhérents fictifs qu’on ne peut transformer en électeurs ? Dans les vieilles démocraties, un parti fort de quelques dizaines de milliers de militants convaincus, peut être considéré comme « grand ». Il ne cherche ni à faire remplissage ni à se donner bonne conscience. Même au pouvoir, il reste l’égal des autres, n’embrigadant pas les ministres et les hauts fonctionnaires, n’obtenant aucune faveur de l’administration. Et ceux qui n’y militent pas ont les mêmes droits que les autres. En Mauritanie, c’est tout le contraire. Le président de la République est allé lui-même prendre sa carte d’adhérent, montrant ainsi la voie à suivre, en violation flagrante de la Constitution. Mais qui se soucie encore d’une Constitution si systématiquement piétinée, depuis 2008, par celui-là même censé en être le garant, que l’évoquer devient risible ?
Une fois cette campagne d’implantation achevée et l’UPR « fort » de près d’un million d’adhérents, à quoi s’attendre ? Normalement, à ce qu’il tente de transformer l’essai en victoire, lors des prochaines élections… mais il y a très loin de la coupe aux lèvres. Si l’opposition participe – il y a de fortes chances qu’elle le fasse – et si une commission électorale consensuelle est mise en place, la compétition sera rude. Lourdement handicapé par une gestion catastrophique des affaires du pays, marquée, notamment, par la mainmise d’une ultra-minorité, sur ses ressources ; le surendettement, le zéro pointé pour les secteurs sociaux (éducation, santé) ; le népotisme, le favoritisme et une gabegie sans nom, le parti au pouvoir a toutes les chances de se faire laminer. À moins que, comme en 2007 et 2009, les chefs de l’Armée, le gouvernement, les hauts fonctionnaires, l’administration territoriale ne se mettent au service d’un parti et d’un candidat. Contre la volonté de tout un pays – plus exactement de toute une mosaïque d’ethnies, castes, fractions sociales variablement exaspérées par trop d’injustices cumulées – pays manifestement plus très chaud – c’est plus qu’un euphémisme : un oxymore – à se laisser rouler dans la farine. Les goudrons d’Aziz sont défoncés, ses slogans pulvérisés : sur quelle illusion encore notre actuel Président compte-t-il, pour étayer un pouvoir pourri par ses « propres » faits ?
Ahmed Ould Cheikh