En quelques années, la SONIMEX a profité, d’une part, d’un plan de financement boostant son capital et, d’autre part, d’une convention de prêt concédé par la BCM sur laquelle nous reviendrons plus tard. Intéressons-nous tout d’abord à ce qui la précéda. Selon l’audit engagé en 2010, c’est dans la plus grande discrétion que la SONIMEX accorda, le 15 Mars 2008, via son DG, Moulaye El Arbi ould Moulaye M’hamed, une affectation hypothécaire à la BNM, représentée par Mohamed Salem ould Zamel, son directeur adjoint. L’hypothèque se rapporte au titre foncier N°1010/T Vol 66 du cercle du Trarza qui s’avère le lot N°8 Zone garage entrepôt, d’une superficie de 4.700 mètres carrés et celle du siège social avec magasins et hangars. La signature du DG de la SONIMEX validait la mention ainsi manuscrite : « Bon pour affectation hypothécaire, à hauteur d’un milliard deux cent trente millions d’ouguiyas en principal, majoré des frais, agios et autres charges éventuelles ». Le paraphe du DGA de la BNM confirme l’opération en ces termes : « bon pour acceptation hypothécaire à hauteur d’un milliard deux cent trente millions d’ouguiyas ». Le document fut également signé par le directeur des ressources de la SONIMEX, Mohamed ould Hadrami. Accompagné du représentant de la BNM, Deh Ould M’barek, Ould Hadrami se rend, le même 15 Mars 2008, chez l’inspecteur général Ould Laghlal, responsable du patrimoine immobilier de la SONIMEX, pour lui transmettre les instructions du DG lui ordonnant de remettre les titres fonciers au représentant de la BNM qui signera une décharge, contre la remise des documents. Les articles de l’affectation hypothécaire portaient exclusivement sur le compte courant N°502/5 de la SONIMEX ouvert dans les livres de la BNM où une ligne de crédit de 2.230.000.000 UM avait été consentie, avec l’obligation d’apurer l’intégralité de son découvert avant sa clôture. Les termes de l’audit établissent que le niveau élevé de ce découvert était directement lié au financement des importations antérieures, ainsi qu’à l’importance des frais financiers et commissions prélevées par la banque commerciale. Or les statuts exigent, pour ce genre d’opérations concernant l’hypothèque ou la cession d’actifs immobiliers, l’accord incontournable du Conseil d’administration (CA) dont le président doit, impérativement, requérir l’aval du ministère du Commerce qui assure la tutelle de la société dont l’État est actionnaire majoritaire, à plus de 60%, et à qui le procès-verbal du CA est systématiquement adressé. L’absence de traces relatives à cette affectation hypothécaire et de la remise des titres fonciers à la BNM, dans les PV du CA, prouve la volonté délibérée de maintenir l’opération dans une illégalité suspicieuse vis-à-vis des administrateurs et de la tutelle.
Lors de la passation de service, le 26 octobre 2008, entre Moulaye El Arbi et Mahfoud ould Agatt ; puis, le 23 août 2009, entre celui-ci et Mourteiji ould El Wavi qui passe à son tour la clé, le 18 mai 2010, à Ahmed ould Sid’Ahmed ould Chouaïb, la liste des éléments du patrimoine de la SONIMEX ne fait donc pas état des titres fonciers cédés à la BNM, dans le cadre de la fameuse affectation hypothécaire. Ce n’est que le 07 novembre 2010 que les premiers constats de l’audit permettent de révéler, pour la première fois, l’existence de l’hypothèque désormais officiellement portée à la connaissance du CA. Entre temps, seuls deux directeurs généraux de la SONIMEX, en l’occurrence El Mourteiji ould El Wavi et Mohamed ould Ahmed ould Chouaïb, auront réclamé, respectivement le 24 avril 2010 et le 03 août 2010, la restitution des titres fonciers de la SONIMEX.
La convention avec la BCM transformée en augmentation du capital
En 2008, il était prévu que la BCM empruntât 40.000.000 US à la Banque Islamique de Développement à mettre à la disposition des importateurs des produits alimentaires, comme le stipulent, explicitement, les termes d’une correspondance, adressée le 07 avril 2008, à la BCM, par le ministère de l’Économie et des finances, au titre de la garantie de l’État sur le prêt. Le procès-verbal conjoint du 09 avril 2008, entre la BCM et la SONIMEX, autorisait le directeur général de cette dernière, Moulaye El Arbi, à signer des emprunts destinés, uniquement, aux importations et garantis par la BCM. Il s’agissait de 5.000.000 US concédés par l’OPEP, à rembourser sur trois ans, et des 40.000.000 US versés par la BID. Mais un revirement spectaculaire intervient, le 22 avril 2008. Un accord de prêt avec l’OPEP modifie les termes de la convention : c’est la BCM qui va directement emprunter 45.000.000 US à la BID, avant de les rétrocéder à la SONIMEX, par la voie de son compte en devises ouvert à la BCM, à la condition que la Société nationale d’import-export domicilie ce compte vers qui vont être déposées toutes les recettes engendrées par la vente des importations obtenues grâce à ce financement. Mais il s’avère que la BCM a consenti, à la SONIMEX, un prêt de 448.888.542 US, en l’absence de toute garantie, bien que ladite société présentât déjà des signes d’insolvabilité, avec un découvert bancaire récurrent, sur son compte BNM, de plus de deux milliards en Avril 2008, bientôt élevé à plus de trois milliards. Le 08 septembre 2010, la BCM adresse une correspondance à la SONIMEX, pour lui rappeler que ses obligations contractuelles prévues par la convention du 22 Avril n’ont pas été respectées dont, entre autres, l’affectation exclusive sur le compte de la BCM des recettes engendrées par la vente des marchandises importées et l’information de la Banque centrale, en cas de nouveaux accords commerciaux signés.
La convention passée, entre la BCM et la SONIMEX, souffre d’irrégularités, puisque l’institution monétaire nationale ne devrait, en aucun cas, avoir des créances sur des institutions non financières. L’accord de la BCM d’une ligne de crédit, à une société commerciale, d’un montant représentant le ¼ de ses réserves nationales, présentait un risque d’autant plus sérieux qu’il n’était couvert par aucune garantie valable. Finalement, le prêt de la BCM, pour la SONIMEX, s’est élevé à plus de onze milliards, a généré plus de trois milliards d’intérêts et… n’a jamais été payé. Sur une note établie par le ministre de l’Économie et des finances, en Mars 2013, le prêt a été transformé en augmentation de capital dont les états financiers, concoctés par les commissaires aux comptes, n’ont jamais été validés, ni par le CA ni par l’AG des actionnaires, depuis 2012. Un dysfonctionnement flagrant de gestion, puisque ces comptes ne reflètent pas la réalité financière de la société. À son départ, en 2008, juste après le coup d’État, Moulaye El Arbi ould Moulaye M’Hamed laissait des avoirs bancaires de plus de quatre milliards et des stocks de produits, d’une valeur de plus de neuf milliards, qui couvraient, théoriquement, tous les engagements de la SONIMEX. (À suivre).
Sneiba El Kory