L’Union Pour la République (le parti/Etat, version PRDS, l’argent en moins) a démarré, mercredi dernier, sa campagne de réimplantation. Avec deux premiers militants de luxe : le président de la République et sa douce moitié qui se sont déplacés spécialement, pour s’en octroyer le privilège. Fondateur en personne du parti, sur les cendres de ses prédécesseurs au pouvoir, Ould Abdel Aziz veut ainsi montrer combien lui est importante ladite campagne. Après la mise en place d’une commission, présidée par le ministre de la Défense et chargée de faire des propositions pour « redynamiser » le poids lourd, le chef de l’État ordonne la grande messe d’implantation sur toute l’étendue du territoire national. Pour un parti « fort, dynamique, démocratique, dont les structures soient représentatives ». L’opération semble plutôt mal barrée. Des ministres et de hauts fonctionnaires, payés par le contribuable, ont déserté leurs bureaux, pour superviser les opérations, à Nouakchott et à l’intérieur du pays. Où c’est, désormais, la course aux cartes d’identité ; monnayées, banalement ; parfois au prix fort. Qui en ramassera le plus, obtenant, ainsi, le plus d’unités de base sous sa coupe, sera au premier rang, pour obtenir « quelque chose ». Certes, les responsables du parti ont dit et répété que l’adhésion est personnelle – déclaration indispensable au plus strict minimum de crédibilité – mais on a assisté, un peu partout, à des achats massifs, à ciel ouvert, de centaines de cartes d’identité.
Les Mauritaniens ont ça dans le sang. Tout s’achète, tout se vend. Parti, élection, vote, autant d’occasions d’argent facile et de triche ; à tout le moins, de tentative en ce sens. Et ce n’est certainement pas cette campagne qui sera l’exception. A la veille d’échéances électorales importantes, qui ne manqueront pas de raviver les guerres de tendances, il est indispensable de « bien » se positionner et démontrer qu’on dispose d’une base électorale en position de défendre les privilèges de son soudoyeur. Course effrénée, donc, vers les villes de l’intérieur où les petits roitelets, qui ont perdu beaucoup de leur superbe, depuis l’avènement de la Rectification, ne veulent pourtant rien lâcher. Et l’on se retrouvera, comme lors de la dernière implantation, comme lors de toutes celles qui l’ont précédée, avec des millions d’adhérents dont l’écrasante majorité ne sait pas dans quel parti elle a adhéré ni pourquoi… en dehors du petit plus dans la gamelle. Et l’on viendra ensuite nous dire que « la campagne s’est déroulée dans des conditions satisfaisantes », que les militants ont été « à la hauteur », et que patati et que patata. Ha ça, oui, patates que ces militants-là !
À quoi tout cela rime-t-il ? Après avoir annoncé son départ à l’issue de son second – et dernier – mandat (déclaration au demeurant inutile, puisque ce départ allait de soi), Ould Abdel Aziz aurait-il des idées derrière la tête ? Pourquoi tient-il tant à réformer son parti, à cette heure, en ce moment précis ? Pour en prendre la tête, après son départ de la Présidence, et ne pas se retrouver hors jeu ? Il n’a, en tout cas, pas encore dit son dernier mot, c’est certain ; et l’on ne sait toujours pas ce qu’il manigance. Quel dauphin choisira-t-il ? Touchera-t-il encore la Constitution, histoire de changer le mode de gouvernement, après les élections législatives de cette année ? Tout n’est que conjectures. Et d’autant plus si les futures élections sont organisées en toute transparence : l’UPR obtiendra-t-il la majorité ? Celui qu’Ould Abdel Aziz se sera choisi sera-t-il élu ? Les jeux sont ouverts… à conditions. Outre celle de la transparence, l’union de l’opposition et sa volonté de combat en forment le bloc décisif, avant, bien sûr, le respect des choix populaires. Cela fait évidemment beaucoup. Mais le Sénégal voisin ne nous a-t-il pas prouvé, à deux reprises successives, que la réunion de tels impératifs à l’alternance est vraiment possible ? Pourquoi pas chez nous ?
Ahmed Ould Cheikh