Les barricades érigées ici et là pour lutter contre la fièvre Ebola sont révélatrices de l’Etat de déliquescence des pouvoirs publics africains face à un fléau inquiétant qui a déjà fauché 2 600 vies. Ebola, c’est nous mêmes.
Quand le Rwanda décide de fermer la porte à tout ouest africain, quand la puissante Afrique du Sud met en quarantaine les trois pays (Guinée, Guinée Bissau, Sierra Leone) presque qualifiés de “coupables”, quand Keyna Airways, South Africa Airways, Ethiopian Airlines coupent toute liaison avec “ces pestiférés”, quand le Cameroun se barricade contre le Sénégal (d’où l’on ne dénote qu’un cas, importé et, depuis, guéri et reparti), quand le même Sénégal, heureusement revenu de cette erreur, est tenté de refuser une plateforme logistique aux rotations aériennes des organisations sanitaires, de s’opposer au transit des courageux médecins du monde, lesquels médecins et volontaires, presque tous d’origines étrangères, ont déjà payé un lourd tribut à Ebola, c’est un peu Krumah et Mozart qu’on assassinent à la fois, d’un tir groupé.
Plus que l’idéal panafricain qui ne fonctionne que quand tout va bien (voir à ce propos la chronique de Majid Kamil) , c’est notre humanisme appauvri par la misère matérialiste que révèle ces barrières aussi égoïstes qu’inutiles pour contrer le virus.
La bête nationaliste qui dort en nous s’est encore réveillée. Cette panique généralisée des foules s’est jointe à l’impuissance des pouvoirs publics qui donnent impression de ne vouloir rien faire sans aide internationale. Dans un tel état de psychose, la théorie du complot se propage vite, ajoutant aux causes réelles d’Ebola, les causes factices d’une conspiration internationale pour, sermone un de nos lecteurs, stopper l’émergence de l’Afrique.
Des chroniqueurs, et non des moins respectables, tentent le parallèle entre la montée des barils de pétrole extraits dans le Golfe de Guinée et la survenance de ce mal qui touche tous les pays adjascents à cette côte sensée remplacer le Golfe arabo-persique dans la prochaine décennie. D’autres, estampillés experts, s’étonnent que la communauté internationale soit restée longtemps atone jusqu’à l’annonce de la mort d’un volontaire espagnol.
Bref, les arguments des conspirationnistes ne manquent pas. D’où la tentation sucidaire du repli sur soi décidé par des pouvoirs politiques impuissants et hélas irresponsables. Cette attitude dictée au sommet a encouragé la constitution de polices villageoises qui intiment aux étrangers atteints de maux de tête de prendre le large. Dans ces circonstances là, la violence n’est jamais loin.
Si les africains eux mêmes se décrètent des embargos, qu’attendent-ils du reste du monde? Si ceux qui devaient jouaient l’apaisement sont les premiers à faire de la surenchère, qu’espèrent -ils en retour ?
Déjà, nous renseigne-t-on dans les milieux d’affaires, des armateurs, sur la foi de la mauvaise communication des pouvoirs publics africains, exigent d’être payés en avance avant d’envoyer leurs bateaux dans les ports ouest-africains. Quant aux primes d’assurances, elles se sont alourdies de clauses certes mercantiles mais justifiées par les mauvaises communications publiques des États africains. “La Guinée Bissau pourrait disparaître” claironnait un responsable de ce pays à la tribune de l’ONU.
Il faut le dire, ces politiques de communication maladroites destinées initialement à faciliter la captation des dons et autres aides ont créé une grande méfiance chez les populations concernées.
On a vu une foule de villageois guinéens en colère lyncher à mort huit membres d’un personnel administratif et médical venu les sensibiliser sur le fléau. Aux grands maux les grands remèdes, la Sierra Leone, elle, a décrété un confinement de trois jours. Une mesure exceptionnelle et révélatrice. Du jamais vu depuis la peste blanche. Au bout de ces trois jours, 60 cadavres ont été retirés des maisons. Péril pour péril, les proches ont préféré de courir le risque mortel de garder les corps en décomposition plutôt que de les révéler car ils seraient envoyés dans ces centres de quarantaine d’où on ne sort pas. L’autre jour, un libérien atteint d’Ebola s’ est échappé d’un convoi en plein marché de Monrovia, sous les caméras du monde entier. Rattrapé et, au passage, roué de coups, il lance cette explication terrible: “j’ai faim”.
Source: www.financialafrik.com.